Gbagbo et Ouattara s’affrontent lors du second tour de la présidentielle, le 28 novembre, avec Bédié pour arbitre. Portraits croisés de trois garnements politiques.
Enfin candidats dans une même élection, les trois enfants terribles de la politique ivoirienne se sont assagis. Et 77 % de votants pour la présidentielle, cela incite à filer droit. Peu de heurts, pas de violences et guère de contestations des résultats au premier tour du 31 octobre. En tête, Laurent Gbagbo : 38% des voix. Suivi d’Alassane Ouattara : 32%.
En queue de tiercé : Henri Konan Bédié, 25% des suffrages, à qui il reste – ainsi qu’à ses ouailles – le sort envié d’arbitre des (in)élégances présidentielles, avant le second tour, le dimanche 28 novembre. « Le vieux aurait dû se retirer et lancer un jeunot, il a plombé les chances de son parti », analyse une vieille concierge des palais africains. « Il n’a pratiquement pas fait campagne, trop fatigué », constate, faussement atterré, un conseiller d’Ouattara, ravi que Konan Bédié ait appelé à voter pour son poulain. Enfin l’armistice dans la guerre des trois ? Pas évident.
Alassane Dramane Ouattara, ancien Premier ministre, Henri Konan Bédié, ex-président, Laurent Gbagbo, chef de l’État sortant, longtemps opposant. Vingt ans que les trois garnements se disputent le pouvoir à Abidjan. Dix-sept ans, plus exactement. Depuis que le père de la nation, Félix Houphouët-Boigny, a laissé la Côte d’Ivoire orpheline, en 1993. Sans confier le double des clés du pays. Ni le mode d’emploi pour empêcher une nation multiethnique et multireligieuse d’exploser. Ou du moins une feuille de route pour contraindre les héritiers à ne pas déchirer la contrée. Raté…
En un peu plus d’une décennie, le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest – 50% du PIB de la région – connaît deux coups d’État (1999 et 2002), une guerre civile et la partition du pays entre Nord et Sud (2002), deux élections présidentielles pourries (1995 et 2000) et des violences ethniques. Chapeau, les trois dadais !
Honneur au plus vieux d’entre eux, Henri Konan Bédié, alias « le Sphinx de Daoukro ». Président de l’Assemblée nationale du temps où le vieil Houphouët se meurt, le Baoulé chausse les patins du vieux suzerain. Et se fait élire chef de l’État à 92 % en 1995. Un score qui fleure un peu trop le temps béni. Qu’importe ! Bédié veut s’accrocher au pouvoir et sort de la calebasse un concept politique racorni : l’ivoirité. Pour devenir président, une filiation 100 % ivoirienne est exigée.
Le nouveau code électoral a l’avantage d’exclure du débat son rival Alassane Ouattara, qui a un temps disposé d’un passeport burkinabé. Et le fâcheux inconvénient de mettre au ban toute une partie de la population ivoirienne, si brassée qu’elle compte près de 26 % d’étrangers. Des germes d’affrontements que Laurent Gbagbo, l’opposant historique, se gardera bien d’éradiquer.
Bédié décrédibilisé par sa gestion du pays et victime d’un putsch militaire en 1999, Ouatarra écarté du scrutin pour nationalité douteuse, Gbagbo le Boulanger se présente à la présidentielle de 2000 comme seul civil. Et emporte la mise face au dictateur Robert Gueï dans une élection marquée aussi bien par la violence que par l’abstention (60 %). Un scrutin dont l’ombre plane dix ans durant. L’ivoirité saute à la face de Gbagbo en 2002 quand le Nord, un peu las d’être stigmatisé, bien armé par les États environnants et chauffé à blanc par des politiques revanchards, cesse de gronder, pour se révolter. Cinq années de conflit, huit de tension et… dix ans de présidence pour Laurent. Qui ne rechignerait pas à délaisser ce régime d’exception ?
A lire sur Bakchich.info :