1,5 millions d’habitants, un peu plus de 800 000 inscrits sur les listes électorales, un scrutin présidentiel à un tour, 23 candidats dont 4 barons issus du parti ultra dominant… et un fils de feu le chef d’Etat.
Même après la mort d’Omar Bongo le 8 juin dernier, son tout-puissant président durant 41 ans, le Gabon ne fait rien comme tout le monde. Pays multiéthnique qui n’a jamais connu de guerre civile, émirat pétrolier dont la majorité des habitants demeure en dessous du seuil de pauvreté, le petit Etat d’Afrique centrale se prépare à vivre un joli dimanche d’élections ce 30 août.
Mais la disparition du « mollah Omar » a laissé un tel vide qu’aucun candidat ne semble l’avoir trop pris en compte. Et le scrutin ressemble à s’y méprendre aux habituelles mascarades électorales qui se trament à Libreville. Du Omar sans Omar.
Les candidats habituels de l’opposition se présentent en rang d’oignons. Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou (assisté de Louis Gaston Mayila), Zacharie Myboto, Ernest Tomo. Autant de vieux briscards de la politique gabonaise qui ne se présentaient aux scrutins que pour mieux négocier leur ralliement, ou leurs places de députés.
Quelques barons du Parti démocratique Gabonais, l’ex parti unique, ont rejoint la troupe. A l’instar des anciens Premier ministre Jean Eyé Ndong, Casimir Oyé Mba ou de l’ancien ministre de l’Intérieur, André Mba Obamé.
Bref tout le monde cherche à aller à la soupe dans la grande tradition du bongoland. Une sorte d’hommage…
« Beaucoup croient qu’on est encore au temps d’Omar et qu’ils peuvent gratter du grisbi au futur vainqueur » persiffle une vieille barbouze des palais africains, « mais aucun n’a la dimension du vieux ». Ni sa générosité…
Petit souci, le vainqueur annoncé, Ali Ben Bongo, fils de son père et néanmoins ex-ministre de la Défense, traîne une réputation de radin. « De mauvaise langues », assurent son premier cercle, « qui n’acceptent pas la popularité, ni la volonté d’Ali de changer les choses ». Évidement. « Il connaît tous ces candidats, anciens ministres qui ont phagocyté l’entourage de son père et l’ont empêché de vraiment développer le pays ». Amen et repose en paix esprit du mollah, Ali Ben te défendra….à sa façon.
Moins rond, moins hâbleur et jouissant d’un rayonnement limité sur la scène internationale, l’arrivée du rejeton Bongo ne réjouit aucun des présidents voisins, du Camerounais Biya en passant par le Congolais Sassou ou l’Equato-Guinéen Obiang. Mais l’héritier Bongo s’avère aussi être un homme à poigne. « Ali est un dur, menaçant, et très intelligent, avec lui la dictature sera moins douce ».
Au moins les choses changeront-elles. Une promesse de campagne couplée, chez quasi tous les candidats, à une aimable défense du patriarche disparu. « Il n’a pas pu tout faire, toute œuvre humaine est imparfaite », etc….Litanie fort respectueuse, voire carrément suspecte. Et doublée d’un nouveau slogan, « tous sauf Ali ». Rumeurs de fraudes, déplacements de populations, faux inscrits sur les listes électorales, la machine est en route.
Mais dans ce grand barnum, la famille Bongo semble enfin s’être remise en ordre. Au moins en façade. Du bout des lèvres et des fidèles, Pascaline Bongo, ex-fille préférée et grande trésorière du pays, a appelé à soutenir son frère. Son mari même, Paul Toungui, ex-ministre des Finances et des Affaires Etrangères aux ambitions autrefois présidentielles siège dans la coordination générale de la campagne de son beauf. Fin de la Saga Borgia…Pour l’instant.
Élément déterminant dans le grand pardon sauce Gabon, le petit Ali, 50 balais au compteur, s’est surtout brouillé avec son pote André Mba Obame, ex ministre de l’Intérieur et donc candidat à la présidentielle. Présenté comme « le Prince des ténèbres » par la premier cercle d’Ali Ben, Obame dispose d’une science propre à agacer le clan Bongo. La parfaite connaissance de la machinerie électorale, et de ses ratés très calibrés….
Joint par Bakchich, André Mba assure même qu’Ali reste « un frère ». Avec qui il pourra toujours se retrouver après l’élection… Tout en précisant que « sans fraude massive, Ali n’a aucune chance dans cette élection. Il est mal connu et mal perçu, et la population gabonaise n’est pas prête à accueillir un nouveau Bongo ». Une salve presque amicale. Nulle attaque personnelle n’a vraiment émaillé les meetings des deux candidats, qui préfèrent laisser ergoter leurs entourages.
« Mba Obame est ridicule à dénoncer des fraudes, c’est lui-même qui pendant des années, a construit le système électorale. Il a donc fait du mauvais boulot ? », claque fielleusement l’un des plus proches conseillers d’Ali. « Cet homme a tout simplement un souci d’ego. On lui a retiré le ministère et il essaie de se venger, de faire du bruit, comme un bébé à qui l’on retire une sucette ».
Un bambin qui essaie de bien grossir depuis vendredi 28 août. Après avoir été annoncé, le désistement de 11 candidats en sa faveur souffre quelques contestations… Si l’ancien premier ministre Jean Eyé Ndong a bien confirmé son ralliement, Casimir Oyé Mba lui, maintient sa candidature.
Quant à la France officielle, alliée traditionnelle du clan Bongo autant que vassale d’Omar elle ne semble pas se passionner pour l’épicentre de son ancien pré-carré. Une seule donnée est prise en compte, que la situation post-élection soit bien gérée, et qu’Ali donne des gages de « sécurocratie ».
L’inusable Robert Bourgi, vétéran de la Françafrique et insatiable missi dominici entre les palais Africains et l’Elysée, a d’ailleurs choisi de passer la fin des vacances à Libreville, à faire la promotion d’Ali. « Il est proche de Guéant et de Sarkozy, après ce que pouvez vous en déduire », sourit-on dans l’entourage du fils candidat.
Comme un dernier hommage de sa vieille amie, la patrie des droits de l’homme, au vieil Omar….
Papier modifié le 28 août à 12h 15 avec l’imbroglio sur le désistement de 11 candidats en faveur d’André Mba Obame.
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