Les présidents gabonais et sénégalais rivalisent de susceptibilité. Et Wade d’accuser Bongo de financer son ancien premier ministre, Macky Sall.
Entre Petit Papa Bongo, le président gabonais, et « Pa » Wade, le chef de l’Etat sénégalais, l’ambiance n’a jamais été au beau fixe. Question de susceptibilité entre deux présidents qui tiennent autant à leur image de sage du continent, qu’à leurs dimensions internationales. Sujet habituel de bisbille : le titre de doyen des chefs d’Etat africains. Pour le nombre d’années au pouvoir, le vieil Omar gabonais l’emporte largement, plus de quarante quand il s’incruste au Palais du Bord de mer, contre seulement 9 pour « Gorgui »(le vieux en wolof) Wade. Pour le nombre d’années tout court, le match est plus rude entre les artères des deux. Au moins officiellement, le Sénégalais l’emporte avec 82 ans, conte 73 à son challenger gabonais…
Sauf qu’en janvier 2009, un fâcheux est venu plomber un peu ce match nul, et jeter un voile sur le comptage. Rien de moins que Macky Sall, ancien Premier ministre de Wade et ex-n°2 du parti présidentiel, le PDS (parti démocratique sénégalais).
Depuis sa disgrâce fin 2008, Macky, éjecté de la présidence de l’Assemblée nationale sénégalaise après avoir été dégagé de la Primature, se trouvait légèrement orphelin. Dur pour l’homme qui avait été présenté comme l’un des « fils » politiques d’Abdoulaye Wade et monter comme un rival, pour la succession du Président, à Monsieur Fils, Karim Wade.
Aussi Sall s’est-il enquis de trouver un nouveau Papa. Au hasard, le bon père Bongo, toujours prodigue avec ses enfants et à la « lumineuse » clairvoyance.
D’autant que le président gabonais avait déjà eu la joie de croiser Macky Sall. En 2007, du temps où Macky était directeur de campagne du président-candidat Abdoulaye Wade, en route vers un deuxième mandat à la magistrature suprême.
Ni une, ni deux, l’ancien Premier ministre écrit une lettre de vœu à Petit Papa Bongo, que nous reproduisons ci-contre. L’en-tête seul ne pouvait qu’agacer le président sénégalais. « A son excellence Monsieur El Hadj Omar Bongo Ondimba, président de la République Gabonaise, doyen des chefs d’Etat africains ».
Une missive emplie de grâce et datée du 3 janvier. « C’est avec un immense plaisir que je m’adresse à vous pour vous témoigner toute ma reconnaissance, mon affection et ma gratitude pour l’attention que vous portez sur la situation politique au Sénégal ». Déjà de quoi attendrir Bongo, et fâcher tout rouge Wade. « Votre sagesse et votre leadership (…) témoigne de vos hautes qualités de dirigeant reconnu et respecté ». Voilà pour la pommade. Vient ensuite la requête. « Je sollicite vos conseils éclairés, vos orientations et votre appui à tout point de vue », notamment pour aider son tout jeune parti, l’Alliance pour la République.
Un « tout point de vue » qui intrigue, le bon Omar Bongo n’ayant pas usurpé sa réputation de prodigalité avec les flatteurs. D’autant que dans une deuxième lettre, en date du 9 janvier, Macky Sall, ravi « du message retour qui m’a été transmis par Monsieur l’ambassadeur du Gabon à Dakar », précise un peu sa pensée. « Je souhaite, pour plus d’efficacité et de discrétion, attendre l’audience que vous voudrez bien accorder pour aborder certaines questions me concernant ».
Bien des mystères, qui ont valu à Sall un petit moment, dans les locaux de la sécurité urbaine, le 27 janvier dernier. Pour s’expliquer dans une affaire de blanchiment d’argent entre le Gabon et le Sénégal… Les deux lettres, versées au dossier, lui ont alors été présentées. Avec cet argumentaire du ministère de l’Intérieur. « Dans le cadre de l’enquête ouverte, les services compétents ont alors intercepté des correspondances avec un chef d’Etat africain tendant à avaliser l’idée que les fonds incriminés proviendraient de ce dernier ».
Voilà qui attisera l’amitié en Pa Wade et petit Papa Bongo
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