Nicolas Sarkozy a débuté sa tournée en Afrique par le Gabon, où règne le fils de l’ami Bongo. Retour en vidéos sur les relations privilégiées de Sarko et la chaleureuse famille.
« J’ai grande confiance dans votre président, mais je défie quiconque de pouvoir démontrer que la France avait un candidat dans l’élection présidentielle », a soutenu Nicolas Sarkozy en arrivant au Gabon mercredi 24 février pour débuter sa tournée africaine. « Il n’y a plus de pré carré africain ! », s’est enflammé notre enthousiaste président, accueilli avec flonflons par son homologue Ali Bongo. La « Françafrique » serait donc officiellement enterrée et les relations incestueuses du clan Bongo avec les hommes politiques hexagonaux appartiendraient au passé… Ali (que quelques mélomanes connaissent sous le nom de scène d’"Alain, le chanteur de charme") a remplacé papa Omar, mais, depuis trois ans, le discours de Sarkozy n’a pas changé. Quant aux actes, ce n’est pas la même musique.
Fraîchement élu président de la République, Nicolas Sarkozy n’avait pas attendu trois semaines pour recevoir son ami Omar Bongo. Le 25 mai 2007, le président gabonais n’est pourtant que le second chef d’Etat reçu à l’Elysée, se faisant griller la politesse in extremis par la dirigeante du Liberia Ellen Johnson-Sirleaf, venue la veille. Mais la première chef d’Etat d’Afrique n’est pas restée plus de vingt minutes au château. Si symboliquement, la première visite revient à la présidente du Liberia, les formidables journalistes d’Africa TV ne sont pas dupes : le Gabonais qui reste en France du 25 au 29 mai 2007, est « en réalité la première personnalité à être invitée en France ». « Les deux hommes se connaissent depuis fort longtemps », précisent-ils. Sur la chaîne gabonaise (les télés françaises ne semblent pas avoir été invitées) défilent Eric Woerth, Jean-Louis Borloo, Bernrd Kouchner, Brice Hortefeux, Roselyne Bachelot, François Fillon… Soit quasiment tout le gouvernement. Les commentaires de la première chaîne gabonaise sont hilarants : « Il est tout a fait normal que Sarkozy se rapproche ainsi pour avoir l’avis, et le regard. En tout cas, la grandeur d’esprit d’Omar Bongo Ondimba ».
Un an plus tôt (19 mai 2006), à Cotounou (Bénin), Sarkozy en campagne présidentielle mettait fin aux « complaisances, officines, secrets et ambiguïtés »… « Il faut débarrasser notre relation, des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont pour mandat que ceux qu’ils s’inventent », a-t-il déclaré. « Le ministre de l’Intérieur s’est livré à un virulent plaidoyer en faveur de la "transparence" », rapportait Le Figaro à l’époque.
Comme Valéry Giscard d’Estaing l’a raconté à la mort d’Omar, si le riche président gabonais aimait prodiguer ses précieux conseils, sa générosité allait bien au-delà. D’ailleurs beaucoup de Giscardiens n’étaient pas insensibles à la fortune de Bongo, comme nous l’avait précisé Jean-François Probst, ancien conseiller de Jacques Chirac… Le chef d’Etat a été généreux avec la plupart des partis (« Il ne mettait pas tous ses oeufs dans le même panier »). Bakchich avait d’ailleurs révélé qu’en 2008 Omar Bongo avait versé 817.000 euros à une boîte de conseil pour laquelle a travaillé Bernard Kouchner.
Si VGE semble avoir la mémoire qui flanche, les visites de François Bayrou et Dominique de Villepin ou de Nicolas Sarkozy et Claude Guéant pendant la campagne présidentielle de 2007, peuvent la rafraîchir. Mais que l’on ne s’y trompe pas, comme le commentent les impayables journalistes de la télé gabonaise, les présidentiables se sont rendus au Gabon uniquement pour « recueillir les sages conseils » d’Omar Bongo…
Les relations entre Sarkozy et papa Bongo ne datent pas d’hier. Dans une interview sur RFI datée du 7 mai 2007 (à écouter ici ou là), le bavard gabonais revient sur l’amitié qui relie les deux hommes. « Même dans sa traversée du désert, on a toujours été en bon terme », explique Omar, en référence aux difficultés de Sarko après l’élection de Chirac en 1995. « Le président Chirac savait que moi je voyais Nicolas tout le temps et que ça n’allait pas », précise-t-il. « Je le connais quand il n’était même pas encore au gouvernement. Quand Chirac était à la Mairie, dans les années 80 et quelques ».
Bongo ne souhaite pas trop s’étendre sur le sujet : « Il y a des secrets qui doivent rester secret […] Toute vérité n’est pas bonne à dire ». Bongo est quand même très heureux de l’élection à la présidence de la République de son ami, la veille : « Puisque vous voulez être dans les secrets des parfums, hier il m’a même téléphoné. Bon, alors ! Si ça peut vous arranger, voilà ! On se tutoie ! » « Et alors, que vous a-t-il dit ? », demande RFI. « Mais vous croyez pas tout de même que je vais me livrer à ce genre de confidences ? Il m’a dit tout simplement : merci pour certains de tes conseils, voilà ! Et je lui ai dit félicitations pour m’avoir compris parfois. »
Un mois et demi après son élection (le 27 juillet 2007), Sarko effectue l’une de ses premières visites au Gabon en expliquant, encore, vouloir « en finir avec le pré carré africain et les réseaux occultes du passé ». Manque de bol, Bongo est sous le coup d’une plainte pour recel. Le président français défend son copain : « Si à chaque fois qu’il y avait une enquête judiciaire, il fallait qu’on arrête nos relations, on ne les aurait pas arrêté seulement du côté africain si vous voyez ce que je veux dire ». Chirac en a encore les oreilles qui sifflent.
La justice française a longtemps perturbé l’idylle. Plus que les nombreuses déclarations sur la « fin de la françafrique » de Nicolas Sarkozy. En janvier 2008, le secrétaire d’Etat à la coopération Jean-Marie Bockel interviewé par Le Monde se plaint du statut quo contrairement aux promesses du président : « J’ai adhéré au discours de Nicolas Sarkozy sur l’Afrique et je souhaite que les choses changent. Or la rupture tarde à venir ». Bockel déclare vouloir « signer l’acte de décès de la Françafrique ». Il vient en réalité de signer son éviction du poste de secrétaire d’Etat à la coopération…
C’est dans ce contexte que le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant ramène le 13 avril 2008, le nouveau secrétaire d’Etat à la coopération Alain Joyandet, nettement moins rebelle. « Il y a des secrets qui ne doivent rester qu’entre chefs d’Etat », rappelle Omar Bongo devant les caméras de Dimanche +. Comme l’avocat parisien de Bongo Robert Bourgi s’en vante lui-même, il est à l’origine de ce remplacement. Il le conte l’anecdote à partir de la deuxième minute de la vidéo ci-dessous : « J’ai trouvé que monsieur Bockel insultait l’avenir. […] Comme je voyais qu’il ne se calmait pas, je suis retourné voir le président […] et je lui ai dit : "Tu sais Nicolas, l’orage gronde. Je crois que nous allons atteindre le point de non-retour et le père Bongo va faire exploser la marmite" ». « On a voulu signer, il parait l’acte de décès de la Françafrique », grommelle le président gabonais. « Mais c’est un risque qu’il a provoqué celui-là » Après les "recommandations" de Bourgi, Bockel s’est fait muter aux anciens combattants. Tout un symbole.
A la mort "officielle" du père Bongo le 8 juin 2009, l’Elysée s’est fendue d’un émouvant communiqué. « Le Président de la République a appris avec beaucoup de tristesse et d’émotion le décès de M. Omar Bongo Ondimba, Président de la République du Gabon. C’est un grand et fidèle ami de la France qui nous a quittés, une haute figure de l’Afrique et un chef d’Etat qui avait su gagner l’estime et le respect de l’ensemble de ses pairs, notamment par ses nombreuses initiatives en faveur de la paix sur le continent africain. En ce moment de recueillement, le Président de la République adresse, en son nom et au nom du peuple français, toute sa compassion et sa profonde sympathie à la famille et aux proches du Président Bongo Ondimba, ainsi qu’au peuple gabonais. »
Deux jours après avoir critiqué les fraudes électorale en Iran à Libreville ( !), Nicolas Sarkozy félicite le nouveau président Ali Bongo de son élection pourtant très controversée. Avant Nicolas Sarkozy, seuls le roi du Maroc Mohammed VI, le Guinéen Moussa Dadis Camara, le dictateur libyen Kadhafi et le Tchadien Idriss Deby avaient osé saluer l’élection du nouveau Bongo ! Deux jours avant, Le Monde prête ces propos à Robert Bourgi : « Mon candidat, c’est Ali Bongo, or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy et de manière subliminale, l’électeur gabonais le comprendra. » Sur RTL, le discret Bourgi répète pourtant que « la France n’avait pas de candidat au Gabon » mais ajoute : « je suis un ami du président de la République et il est de mon devoir, de temps à autres, de lui passer des messages en lui donnant mon point de vue sur l’Afrique. »
Coup de chance, quand Ali Bongo est reçu en France le 20 novembre 2009 -son premier déplacement hors de l’Afrique- la plainte contre le défunt papa et deux autres chefs d’Etat africains sur l’aquisition de biens immobiliers avec de l’argent public détourné vient d’être jugée irrecevable par la Cour d’Appel de Paris. La France peut dresser le tapis rouge et Ali marcher sur les traces de papa Omar.