Troisième épisode de la saga épistolaire Robert Bourgi , intermédiaire en Françafrique. Cette fois à la clé : une belle leçon de grattage de grisbi.
Tâche peu enviable et diablement ardue que celle de « missi dominici » en Afrique. Et particulièrement auprès du président gabonais, Omar Bongo. Heureusement, la lettre envoyée par Robert Bourgi, au « Mollah Omar » le 8 mars 1994 a été exhumée de ses cartons par Bakchich(cf. doc en bas de page). Un modèle du genre pour tous les apprentis « messieurs bonnes oeuvres », avides comme Bourgi, de jouer les entremetteurs entre les potentats africains et le pouvoir français. En voici la recette : d’abord, adopter un ton doucereux. Pour Bongo, Bourgi, l’héritier auto-proclamé des réseaux Foccart [1], a sa petite touche : toujours commencer une missive par « Bonjour Papa ».
Surtout, ne pas embrayer sur une seconde remarque acidulée. Au contraire, montrer que l’on travaille bien, que l’on possède de jolis réseaux, si possible dans les services secrets français et, bien entendu, se mettre en scène. En Bourgi dans le texte cela donne : « je vous ai envoyé hier par fax un projet de lettre pour le préfet Jacques Dewaetre (patron de la DGSE) dans laquelle vous lui demanderiez de dépêcher auprès de vous son collaborateur l’ambassadeur Guy Azaïs (directeur stratégie de la DGSE) (…) J’irai, bien entendu, avec M. Azaïs à Libreville ».
Ensuite, pour les orfèvres, en rajouter une petite couche, en vantant ses liens étroits avec les collègues -présidents africains. « J’ai eu Pascal Lissouba [2] (alors Président du Congo-Brazzaville, Ndlr) et je lui ai confié que vous m’aviez demandé de lui prêter mon concours pendant son séjour. En outre je lui ai dit que vous l’aviez toujours défendu auprès des autorités françaises. Il a été ravi et rassuré ».
En fignolage, faire miroiter des lendemains qui chantent. « Nous allons prochainement nous retrouver en Afrique du Sud pour revenir avec les financiers sud-africains au Gabon ». Après de si beaux états de service alignés, arrive l’instant crucial de la missive. Car il s’agit de gratter du grisbi. Et force est de reconnaître, qu’en la matière, Bourgi est un maître. Discrètement le vieux libanais amène le sujet. « Je passerai demain voir M. Oudré ». En fait, Pierre Houdray, directeur général de la mythique Fiba, banque française intercontinentale depuis disparue, et détenue par Omar Bongo et le pétrolier Elf.
Arrivée là, la plume ne doit s’effrayer d’être trop empesée. Démarre la véritable ode de Bourgi à « Papa » Bongo. « La situation de votre fils (lui-même) est vraiment catastrophique, car voilà trois mois qu’il ne vous a pas vu ». Que c’est mignon l’amour d’un fils pour son géniteur. Et le gentil Robert d’enchaîner. « Loyers, écoles des enfants, billets d’avions, fournisseurs de livres (…) Je compte sur vous Papa, merci du fond du cœur, votre fidèle et respectueux serviteur, Robert Bourgi ».
Du bel œuvre qui mérite un bonbon, en forme de virement bancaire. En cette belle année 1994, Robert y a peut-être eu droit. Bakchich a en tout cas retrouvé un joli bordereau (voir ci dessous) émanant de la Fiba, daté du 30 septembre 1998. Un transfert de 50 millions de francs CFA (75000 euros), du compte n°380381123/2 de la présidence gabonaise vers la cagnotte de M. R.Bourgi. Le bon Mollah Omar sait récompenser les valeureux.
[1] L’homme qui créa les réseaux françafricains sous De Gaulle
[2] Qui sera détrôné par Denis Sassou-Nguesso… beau-père d’Omar Bongo