Visite en terre kinoise en ces jours anniversaires des morts de Lumumba… et de Kabila.
17 janvier, anniversaire de la mort de Patrice Lumumba. Premier Premier ministre de la République du Congo et pas bègue pour un sou. Un beau parleur dont les accents rouges, façon communiste, n’ont pas duré. C’était le temps de la guerre froide, du rêve des indépendances africaines fracassé sur l’autel de la géopolitique. À la fin de l’année 1960, peu après le premier coup d’État du pas encore maréchal mais déjà président Mobutu Sese Seko, Lumumba cherche des alliés à l’Est. Un rien branché, un peu trop gouailleur, les services de renseignements le retrouvent pour l’expédier au Katanga, la province la plus méridionale du pays, pour prendre un bain rapide… dans l’acide. À la plus grande joie de l’ex-colonisateur belge et des Américains.
Beau joueur, Mobutu en fait un héros national quelque temps après, tentant de s’agripper à la popularité nationale et internationale du tribun. En 1966, un jour férié lui est attribué, quand le léopard Mobutu n’aura pas droit à une seule stèle, après ses quarante années de règne… effacées avec soin par Kabila, son tombeur.
16 janvier, anniversaire de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. "Mze", le sage, comme il convient de l’appeler. Le rondouillet leader de la rébellion ougando-rwando-congolais a triomphé du mobutisme en 1996. Devenu chef du seul État congolais, Kabila père, un peu trop indépendant au goût des voisins qui l’ont fait roi, s’est fait dessouder un beau matin de 2001. Un court passage dont Kinshasa conserve les traces. Sans doute à cause de son rejeton, Joseph, à qui a été confiée la succession. Un peu par hasard. Une réunion post mortem, "dont on ne connaît toujours pas tous les intervenants", sourit un proche du pouvoir, a jeté son dévolu sur le jeune homme. Les commanditaires du meurtre n’ont pas non plus été recherchés. Seul le malandrin qui a tiré a été jugé, condamné et exécuté. Joseph, lui, a préféré déménager. Le palais de Marbre a été confié à Maman. Les klaxons –gadgets aussi indispensables qu’un volant pour piloter à Kinshasa – sont à nouveau autorisés autour de l’imposante bâtisse. Et le siège de la présidence congolaise, s’est à nouveau déplacé. Après le palais du Mont Ngaliema, celui de Marbre, puis au palais de la Nation.
Près du fleuve, dans le quartier huppé de Gombé. Les résidences des ambassadeurs et la dernière demeure de Laurent K. Un mausolée, jonché par une statue de l’imposant. Des gardes armés autour pour éviter de troubler la quiétude du patriarche. Et respecter son repos.
Des têtes de "Mze" jonchent aussi les bords du boulevard du 30-Juin, ripoliné par des entreprises chinoises. La principale artère de la ville est bordée de banques, de ministères, de boîtes de nuit. Et de bustes de l’ancien président. Là, à sa fondation, ici, devant la direction du protocole présidentiel.
Même la nuit a sacré le défunt président. Une danse en l’honneur de sa démarche, le ndombolo (gorille). Fesses en arrière sur un rythme de rumba, pour un retour en arrière.
Kabila père a rendu son nom au pays. Le Zaïre est (re)devenu République démocratique du Congo, le fleuve a repris son nom… et les femmes se sont vu obligées de porter des pagnes sous peine d’arrestation ! Une dernière mesure qui n’a pas survécu.
Immuable, le fleuve furieux n’a pas bronché quand il a retrouvé son nom de baptême. Et ses abords sont toujours aussi calmes. Kabila père en avait limité l’accès de peur d’un coup d’État venu des eaux. Kabila fils a un peu allégé sa garde. Mais aucun restaurant, ni même un nganda (bar). Seulement le flot des eaux et la vision de la voisine, sur l’autre rive, Brazzaville. Prochaine étape de ce carnet de voyage.