Bakchich publie deux maigres "rapports" sur la santé au Gabon, signés Kouchner. 15 pages datant de 2004. De simples « synthèses », proteste le ministre. Qu’on nous montre les vrais rapports !
Le travail de consultant de Bernard Kouchner, pour le compte de la société Imeda au Gabon a laissé des traces. Et pas seulement des factures de 2,6 millions euros que Bakchich a déjà eu loisir de publier. L’incommensurable travail du French doctor pour améliorer la situation sanitaire du petit émirat pétrolier du Golfe de Guinée, se trouve aussi synthétisé…en 15 pages.
Les rapports, l’un de six pages l’autre de 9 sont signés Bernard Kouchner et datés de 2004. Est-ce cet« épais » dossier qui a été facturé 2,6 millions d’euros au Gabon, soit près de 173 000 euros la page ? Ou s’agit-il de simples « synthèses », « de pré rapports », comme l’affirment les proches du ministre ? Alors dans ce cas, pourquoi Bernard Kouchner ne publie-t-il pas les fameux rapports dans leur totalité ?
La première note, lourde de six pages est datée du 5 février 2004. Adressée directement à Son Excellence El Hadj Omar Bongo Ondimba par « Bernard Kouchner, ancien ministre ». Une sacrée carte de visite.
Et l’ex personnalité politique préférée des Français (derrière la délicieuse Rama Yade) de dresser un vaste panorama du système de santé gabonais. Du grand.
« Vous avez bien voulu confier à Imeda un travail d’analyse critique du système de santé gabonais et de son financement, écrit le consultant Kouchner. Cette société m’ayant consulté, je souhaite vous soumettre quelques observations et recommandations sur lesquelles je serais heureux de recueillir votre sentiment ». Doux préliminaire, qui n’a été rendu possible qu’après un dur labeur. « Après trois mois d’études il m’apparaît que les efforts de solidarité nationale devraient porter sur les points suivants ». A savoir que « l’organisation gouvernementale de la santé doit être remaniée », « l’offre de soin optimisée », « la formation, la répartition et la rémunération des personnels de Santé doivent être revue », « la participation du secteur privée doit être mieux encadrée ».
Ces quatre grands axes, dont on perçoit l’immense originalité, occupent chacun une page. Une page qui pèse lourd, au vu des sommes touchées par Kouchner et ses amis, lesquels amis sont devenus, depuis, porte parole du Quai et ambassadeur à Genève.
Pas de doute, Kouchner se glisse à merveille dans le costume de consultant, toujours habile pour « vendre du vent »… Selon le bon mot d’une des plus grandes boites de conseil parisien, « un consultant, c’est un mec qui vient chez vous, commence à casser les murs, avant de vous expliquer qu’il peut tout réparer mais qu’il lui faut un peu plus d’argent ».
Et Kouchner de poursuivre avec une recommandation savoureuse quant aux personnels de santé gabonais. « Les médecins s’engageraient au début de leurs études à servir la solidarité nationale (…) pour une période d’affectation d’au moins trois ans »…Nul n’est prophète en son pays. Secrétaire d’Etat à la Santé, Bernard ne s’était jamais risqué à une telle audace. Mais la situation l’exige. « Des malades mal soignées, des mécontents, une agitation sociale qui pourrait grandir : un sursaut s’impose dans le domaine de la Santé ». Bref Papa Omar, mieux vaut soigner vos ouailles, ils pourraient se rebeller.
Et le bon docteur Kouchner de conclure. « Le rapport final d’Imeda proposera les grandes lignes d’une harmonisation des relations inter-médicales (…) Si vous acceptez ces lignes de force, elles seront soigneusement étudiées et chiffrées ».
Sans doute le président gabonais a-t-il été convaincu par une argumentation si poussée. Nous sommes en février 2004 Quatre mois plus tard, le 30 juin, un deuxième « rapport » voit le jour.
« Il y a quatre mois, rappelle Kouchner au doyen des chefs d’Etat africain, nous vous avons soumis un premier rapport qui résumait l’état des lieux ». Au passage un petit rappel des quatres axes de réflexion qui figuraient dans la première lettre. « Organisation de la santé publique, optimisation de l’offre de soins (…) amélioration de la situation des hôpitaux et des dispensaires, ainsi qu’une organisation plus rationnelle du système de formation ». On tire un peu à la ligne…
Puis l’ex futur socialiste enchaîne.« Comme nous en étions convenus, nous vous proposons aujourd’hui un schéma de mise en place d’une couverture maladie pour tous les Gabonais ». Et toujours, une petite caresse pour le client. « Comme vous il ne nous paraît plus possible qu’un nombre important de citoyens s’en remettent à la générosité du président de la République pour se faire soigner ». En revanche, un nombre imposant de ministres consultants et avocats français espèrent sa mansuétude…
S’ensuivent trois pages faussement techniques et truffées de chiffres sur le nouveau de système à mettre en place. Et la description de la suite des évènements à venir. A savoir une grande concertation nationale organisée dans le « cadre d’Etats généraux de la Santé », une campagne d’explication dans le pays, etc…Un dada de Kouchner, ces grands messes, puisque devenu ministre, il demande à quelques amis d’organiser un symposium sur la santé… au Kurdistan. Le tout, cette fois, pour 300 000 euros.
Et transparaît, dans ce deuxième "rapport", la satisfaction du travail bien fait. « Monsieur le président, j’ai le sentiment qu’International Medical Alliance (Imeda) et moi-même avons accompli notre tâche préparatoire ».
Le tout, apparemment et à moins que Kouchner apporte d’autres pièces au dossier, sur quinze pages. Un travail très, très synthétique qui relègue Xavière Tibéri au rang de grand scribe…voire de gagne petit.
Avec 2,6 millions d’euros engrangés pour 15 pages, Imeda et Bernard Kouchner ont facturé tout simplement la page à 173 000 euros au Gabon. Un record à battre. A moins qu’une plus abondante documentation soit resté dans les tiroirs. Et n’ai fait chuter le tarif par page…
C’est la thèse défendue, pour l’instant par les proches de Kouchner contactés par Bakchich. Eric Danon, ambassadeur de France à la conférence sur le désarmement à Genève et toujours gérant d’Imeda, se rappelle très bien de ces deux textes. « On envoie pas des rapports entiers à un président de la République, ce sont de simples synthèses de présentation ». Et d’ajouter : « Il est vrai que les notes de Bernard sont le meilleur de notre audit. » On craint le pire.
Même son de cloche chez Jacques Baudouin, conseiller presse et communication au Quai d’Orsay et qui a bossé, si on peut dire, avec Danon et Kouchner sur le système de Santé au Gabon. « Peut-être avez-vous en main le projet de loi »…Et non ! Et le conseiller presse d’ajouter : « Je crois que certains de vos collègues de l’Afp ont vu les rapports au Gabon, il y a eu une dépèche » Bakchich n’en a pas retrouvé la trace.
Quant à Me Georges Kiejman, l’avocat du French docteur, il change de version au gré des parutions du JDD. Le 1er février l’ancien beau-frère du ministré évoque un rapport « facturé sur trois ans ». Avant d’affiner un peu son argumentaire, une semaine plus tard, en parlant de deux rapports. Un premier, de 107 pages, daté de 2004, « avec annexes et graphiques », intitulé « Le constat ». Un deuxième, de 25 pages, daté d’août 2004, intitulé « Les propositions de réforme ».
Un peu embrouillé ! Bref, tout serait plus simple si le ministre se décidait à publier l’ensemble de son œuvre gabonaise, dont il s’est proclamé si fier. Aux vu des prescriptions du bon docteur, dans les quinze pages que nous publions, il ne s’agit pas de secret médical !
Pour télécharger les rapports de Bernard Kouchner, il suffit de cliquer sur les images ci-dessous.
Lire ou relire dans Bakchich :
http://forums.nouvelobs.com/international/les_7_vies_du_docteur_kouchner,20090217105015145.html
Question de : Votre pseudo
"Bakchich a publié mardi dernier des documents, à savoir deux malheureux topos de six pages et neuf pages (dont trois, pour cette seconde note, pour les annexes), indignes d’un élève de Sciences Po de première année. Les contributions de Kouchner à la santé au Gabon ont été réglés 2,4 millions d’euros, soit 173 000 euros la page." annonce Nicolas Beau sur Bakchich. Kouchner est donc un si grand écrivain que ça ?
Réponse : Bassesses et calomnies. Kouchner a travaillé dans une quinzaine de pays pour aider à l’établissement de lois de Santé publique. Ses tâches au Gabon s’étalent sur trois ans. Quant aux chiffres que vous citez (encore faudrait-il vérifier qu’ils fussent exacts), ils correspondraient au coût global de la mission, à la rémunération des dizaines de personnes qui y ont travaillé, aux frais de transport. C’est comme si vous preniez le chiffre d’affaire d’un petit épicier et que vous considériez qu’il se mettrait la somme directement dans la poche. Les honoraires de Bernard Kouchner n’ont rien à voir avec ces chiffres là.