Autrefois drôle, Dieudonné se vautre désormais dans l’antisémitisme et la provocation. Une enquête signée Anne-Sophie Mercier.
« Dieudonné, il y a d’autres sujets dans la vie, non ? » C’est par cette interrogation, que nous ne sommes, il faut bien le dire, pas loin de partager, qu’Anne-Sophie Mercier, journaliste à Charlie Hebdo, débute son livre Dieudonné démasqué. Une version actualisée de l’enquête qu’elle avait réalisée en 2005 et que « l’humoriste » avait alors réussi à faire interdire. Parler, à nouveau, de celui qui excelle dans les coups médiatiques n’est-ce pas une fois de plus faire son jeu ? En clair, se demande celle qui sort donc de deux ans et demi de bataille judiciaire avec Dieudo : fallait-il écrire ce livre… Devons-nous le lire ?
Et bien, hélas, oui. Qu’on le veuille ou non, Dieudonné s’est incrusté dans le paysage. Ses violentes diatribes contre « les sionistes » accusés d’à peu près tous les maux de la planète, et dont Anne-Sophie Mercier ne peine pas à démontrer que dans la bouche de Dieudonné, il s’agit des Juifs, en général, font mouche. Les résultats de sa liste antisioniste aux européennes montrent que dans certaines localités, il jouit même d’une vraie sympathie. Au-delà même de sa présence, toujours assez symbolique à ces scrutins, le livre avance la thèse que Dieudonné est bel et bien devenu un acteur politique incontournable. Et qu’il convient de traiter comme tel. En nous faisant grâce de toutes considérations psychologiques ou privées, la journaliste s’emploie à décortiquer le « cas » Dieudonné : ses idées, sa stratégie, ses réseaux.
Alors que beaucoup de choses ont été dites et écrites, déjà, sur l’antisémitisme délirant et de moins en moins dissimulé du bonhomme, le livre devient particulièrement intéressant lorsqu’il prend le temps, par exemple, d’analyser l’audience de ces thèses dans une partie de la communauté noire, si tant est qu’elle existe. Interrogeant sur ces questions l’historien Pap N’Diaye, l’auteur montre comment celui qui se rêve comme le leader charismatique d’une communauté enfin fédérée (On a les Malcom X qu’on peut…) parvient à trouver un écho chez ceux, Antillais, Français d’origine africaine, qui n’ont souvent en commun que la même amertume de n’avoir pas trouvé en France la place qui leur est due. Là encore, la figure repoussoir du juif a sa petite utilité. Accusés de tenir les médias, les « sionistes » auraient, par exemple, empêché Dieudonné de réaliser son film sur le Code noir car, c’est bien connu, ils sont les principaux responsables de la traite négrière. Sauf que les faits sont têtus. Si Dieudonné n’a certes pas été aidé par le CNC, c’est le lot de bien des réalisateurs, il aurait pu tenter de s’en passer, ce qu’il n’a jamais fait.
En politicien habile, Dieudonné a su s’entourer et réunir des personnalités venant d’horizons totalement opposés. De l’inénarrable Alain Soral, passé d’un coup de menton viril, du PC au FN, en passant par l’ex-Verte Ginette Skandrani, l’illuminé Thierry Meyssan ou encore les rabbins de Neturei Karta, favorables à l’éradication d’Israël… Un attelage digne de La Nef des fous mais qui lui permet de ratisser large. Anne-Sophie Mercier consacre également un chapitre entier à décrypter son virage à 180° sur l’islam. Viscéralement antireligieux à ses débuts (« Mahomet ce grand échassier pas très fute-fute », lance-t-il alors dans ses spectacles), Dieudonné, sentant qu’il avait là une carte à jouer et d’autres amertumes à capter, s’est peu à peu rapproché des représentants les plus radicaux de l’islam français. Au point de défiler pour le voile et de faire siffler dans son Théâtre de la main d’or Ni putes, ni soumises. Un retournement de veste qui est la marque des vrais animaux politiques. Sur ce point, le livre est totalement convaincant.
L’enquête, sans appel, d’Anne Sophie Mercier porte d’autant plus qu’elle s’en tient aux faits et reste, sur un sujet aussi brûlant, d’une froideur chirurgicale.
A lire ou relire sur Bakchich.info
"Autrefois drôle, Dieudonné se vautre désormais dans l’antisémitisme et la provocation. Une enquête signée Anne-Sophie Mercier".
Pour un journaliste se contentant d’analyser des faits, cet article met clairement la charrue avant les boeufs, pas besoin de lire la suite, tout est dit dans le titre !
Si même Bakchich se met à haïr Dieudonné, alors ou va la France. Des gens éclairés comme vous n’arrive t-ils pas à discerner ce grand tour de passe passe médiatique ?
Depuis son sketch sur le colon israelien sioniste, il n’a pas baisser les bras et offre à la grande poubelle cathodique ce qu’elle veut entendre. En invitant Faurisson, pensez vous vraiment que Mbala Mbala souhaite ressusciter Adolphe ? Comme vous le dites, c’est de la provocation, dans le but de soulever des questions enfouies volontairement par pudeur ou "négationisme".
Une chose est sure, aujourd’hui il est bien plus facile de se dire hostile aux musulmans en général, aux arabes, aux noirs et même aux jeunes de banlieues qu’aux colonisateurs israëliens (bien entendu certains, pas d’amalgame) et aux extremistes juifs (extremistes et non pas juifs tout court, soyons lucide).
Pourquoi ce traitement particulier ? C’est une question qui mérite d’être posée ? A cause de la shoah ? Pourtant l’humour juif est célèbre dans le monde entier…
En tout cas, le maitre mot de la provocation est de déranger, d’aller trop loin, de gratter…et je tiens à remercier Dieudonné d’avoir mis ses beaux pieds métissés dans une neige encore immaculée.
Liberté d’expression ou alors Révolution
A Laurent D.
Neturai Karta est pour le démantèlement de l’Etat d’Israël (source http://netureikarta.unblog.fr/) et ne prône pas du tout un état multi-confessionnel (http://www.nkusa.org/Foreign_Language/French/pamphlet3French.cfm). Faut balayer devant sa porte avant de donner des leçons.