Dossiers de fraude financière ou de corruption enterrés, dirigeant controversée… La Division des Enquêtes des Nations Unies nage en eaux troubles.
A l’ONU, Inga-Britt Ahlenius, la patronne de la Conformité, ou plus simplement, de la lutte contre la corruption interne, vient de rendre son tablier. Son successeur n’est pas désigné. Avec ce départ de la directrice du Bureau des Services de Supervision Interne (OIOS) en poste depuis 5 ans, ce sont 3 des 4 postes de contrôle et d’audit de l’organisation mondiale qui deviennent vacants.
Et ce, malgré une résolution de son Assemblée Générale de décembre dernier enjoignant sans succès au Secrétaire Général Ban Ki Moon, de pourvoir à son remplacement avant le départ d’Inga-Britt. Une nouvelle défection qui inquiète alors que le poste de directeur de la Division des Enquêtes, forte de 70 personnes, est vacant depuis 2006 après qu’on l’ait prié de ne pas ouvrir de nouveaux dossiers de fraude financière ou de corruption à l’encontre d’anciens collaborateurs de l’ONU. Une requête qui a mis le feu aux poudres et qui fait suite à celle de mettre un terme aux enquêtes déjà ouvertes entre 2006 et 2008 par la "Task Force" des Approvisionnements.
Cette dernière unité, constituée à la suite de la révélation du scandale « pétrole contre nourriture » était dirigée par Robert Appleton, un procureur fédéral américain à la retraite. Elle a été démantelée fin 2008, sous la pression d’un certain nombre de gouvernements qui voyaient d’un mauvais œil l’implication dans des scandales onusiens de personnes physiques ou morales de leurs pays. L’Assemblée Générale évoquée plus haut a donc donné pour consigne au Secrétaire Général et à madame Ahlenius de s’assurer que les dossiers et les moyens de la Task Force soient transférés à la Division des Enquêtes de l’OIOS.
Hélas, tout le monde s’entend aujourd’hui pour dire que depuis le début 2009, et sous l’influence décisive de Ban Ki Moon, l’ONU a levé le pied sur les investigations portant sur des cas de corruption et de fraude dans ses rangs, enterrant au passage des dossiers de vol ou de détournement présumés qui se chiffrent à des millions de dollars comme l’a montré une enquête d’Associated Press en janvier dernier.
Pressé par les médias de s’expliquer le mois dernier sur la politique anti-corruption de l’ONU, son Secrétaire Général a eu toutes les peines du monde à déclarer en grimaçant sans conviction que « s’attaquer à la corruption afin d’améliorer la gouvernance, c’est une question très importante sur laquelle les Nations Unies vont se concentrer ». Ben voyons…
Lors de l’examen des candidatures au poste de directeur de la Division des Enquêtes, un panel d’administrateurs indépendants a retenu 2 fois la candidature de Robert Appleton parmi les 70 reçues par l’ONU pour le poste. Un choix à l’époque confirmé par Inga-Britt Ahlenius mais finalement non validé par Ban Ki Moon faute selon lui, « d’une diversité suffisante des candidatures ». En attendant c’est un certain Michael Dudley, directeur-adjoint de la division depuis 2007 qui assure l’intérim. Et qui s’est pris un petit compliment joliment troussé par Béa Edwards, directrice des programmes internationaux de la société Government Accountability Project, un cabinet d’avocats bénévoles qui a déjà assuré la défense d’un enquêteur de l’OIOS maltraité par son employeur après qu’il ait dénoncé un cas de corruption interne : « Dudley semble incapable de poursuivre et à fortiori d’apporter des solutions aux dossiers d’enquêtes sensibles transmis par la Task Force des Approvisionnements. Sous sa direction, de nombreux dossiers de corruption significative ont tout simplement été refermés ou dorment sous la pile ». Des propos sévères mais confirmés par l’enquête d’Associated Press évoquée plus haut qui a révélé que Dudley s’y entend comme personne pour refermer les dossiers avant enquête, et n’a poursuivi aucune des recherches initialement entreprises par la Task Force. Un trait de caractère qui a été dénoncé par 52 collaborateurs du service, interrogés lors d’un sondage anonyme réalisé fin 2008. Sur les 52 enquêteurs de la Division qui se sont exprimés, 47% ont estimé que Dudley est intègre et 41% sont d’un avis contraire, les 12% restant préférant ne pas émettre d’opinion à ce sujet. L’ONU, un nouveau fromage au lait cru dévoré de l’intérieur ; qui l’eut cru ?
Lire ou relire sur Bakchich.info :Dudley boit la Task