Pierre Luc Séguillon a rendu son cahier de vacances. En refermant son docu-fiction soi-disant « hyperréaliste », on aura appris qu’en guise de revanche, il pronostique une victoire de… Sarkozy.
Le document fiction politique n’est rien d’autre que du sous-roman d’anticipation. Réussi, il peut à la rigueur être drôle, inquiétant, révéler des aspects de la personnalité de certains de nos gouvernants ou introduire le lecteur dans des zones d’ombres méconnues du grand public. Raté, il est de peu d’intérêt, pauvre narration d’un bon connaisseur du microcosme politique radotant sur ceux qu’il fréquente au quotidien depuis de trop longues années. Pierre-Luc Séguillon aurait pu se contenter d’un billet sur son blog pour nous livrer ses pseudo-prophéties politiques.
Comme PLS-son petit acronyme- va avoir droit à une couverture médiatique digne de son immense aura de grand journaliste, on va vous éviter de tomber dans le panneau et vous résumer le feu d’artifice.
Premier tir, la droite perd les élections sénatoriales, oh la belle rose ! Seconde salve, Martine obtient l’investiture socialiste, oh la belle verte ! Troisième feu, Ségolène fonde un nouveau Parti pour se présenter en dehors du PS, oh la belle blanche ! Quatrième tir (on commence à s’essouffler), Martine et Ségolène se rabibochent et présentent un ticket commun proposant aux français un futur exécutif féminin avec Ségolène en présidente et Martine en premier Ministre, oh la belle bleue ! Cinquième (on s’accroche), Royal et Sarkozy sont au second tour et la candidate du « front républicain » pète un câble pendant la confrontation télévisée d’entre deux tours en accusant Sarkozy d’être anti-féministe, oh la belle jaune ! Sarkozy gagne avec 400 000 mille voix d’avance. Oh la belle blanche ! Sixième et dernier (on respire), le « front progressiste et républicain », rassemblant du modem au PS en passant par les verts, remporte les législatives. Ségolène devient premier Ministre et compose un gouvernement d’ouverture exclusivement composé de femmes… La mésentente Royal-Sarkozy conduit celui-ci à dissoudre l’Assemblée nationale. Oh le beau final !
Le docu-fiction n’a aucun intérêt littéraire et encore moins journalistique. « Sur le plan littéraire il n’invente rien » car il se contente de décrire des situation trop proches de la réalité. Il met en évidence la pauvreté de l’imagination des experts et spécialistes de la politique qui squattent les plateaux télé et maisons d’édition en égrenant invariablement les même banalités sans jamais s’extraire véritablement de leur milieu. Sur le plan journalistique, il confine à l’anti-journalisme primaire : zéro enquête, zéro révélation.
A la fermeture du livre, une image de la geste sarkozienne revient en tête. A la veille de sa victoire en 2007, notre futur président se permet une petite balade en canasson à travers l’élevage du mas de Lou Rayas, une manade près de Saintes-Maries-de-la-Mer, looké à la texane, histoire de se détendre. On est à la campagne, les chemins terreux ne sont pas calibrés pour les talons et semelles lisses de la formation de journalistes papillonnants qui suit l’événement. Hop, les communicants trouvent la solution : on demande à un paysan du coin d’accrocher une remorque à bestiaux derrière son tracteur et on entasse tout ce petit monde comme des sardines pour couvrir la proto-présidentielle balade. Comme il faut bien ramener un cliché, deux trois minutes d’image vidéo ou du son, « les journalistes acceptent ce procédé humiliant… » L’un d’eux immortalise ce grand moment et on en profite, atterré.
Viendront ensuite les États Généraux de la presse. Le programme de Sarkozy pour les médias réside dans cette anecdote. Couvrir sa geste. Les gens branchés appellent ça storytelling, en langage commun on appelle ça propagande. PLS a compris le message, il anticipe sur la geste de Sarkozy, nous livre du storytelling d’anticipation. A peine distrayant. Navrant.