Plongez dans cette BD onirique, "Encyclomerveille d’un tueur", qui révèle le passé de l’histoire antillaise à la beauté et l’imaginaire débridés.
On lit parfois comme on entre dans une usine à parfum. L’imagination en colimaçon qu’on grimpe au fil des pages. A ce petit jeu exquis, Patrick Chamoiseau (écrivain Goncourtisé) et Thierry Ségur (dessinateur courtisé), tout deux martiniquais, ont scellé leur talent de plume et de planches. Dans une BD, « Encyclomerveille d’un tueur », première d’une série de trois, qui exploite la plastique du rêve des terres antillaises.
Tout se passe dans un petit cimetière de Martinique ou vit un fossoyeur et son fils adoptif. Avec la particularité qu’à chaque midi et minuit, un ballet d’ombres hante la vie de leurs deux habitants. Ce chaos d’ou surgissent les spectres du passé antillais, des colons espagnols aux descendants d’esclaves africains, sous la forme de monstres et bêtes prodigieuses, obsèdent le quotidien du couple masculin. Cette histoire entre le conte fantastique et le récit onirique est avant tout d’une beauté visuelle saisissante. De l’esthétisme survolté servi d’un coup de crayon fin et précis aux couleurs chaudes et électriques. L’attention particulière prêtée aux faciès moulés comme des effigies grecques est un chant à l’illumination des formes.
Un grand barnum de l’exaltation qui repense l’histoire des îlotiers dans un feu d’artifice de couleurs et de dialogues inspirés. Un délire onirique tenu en laisse par l’ histoire d’un peuple, elle, bien réelle. Preuve qu’il est toujours bon d’ajouter un peu de monde au monde.