Lenteur de l’enquête, fuites dans la presse, soupçon d’intervention : les proches de Julien Dray dénoncent une opération de déstabilisation.
Rien ne va plus entre l’avocat de Julien Dray, le redoutable Léon-Lef Forster, et le Procureur de Paris, Jean-Claude Marin. L’homme de robe s’est dit « surpris », lundi 4 mai, de constater que dans l’enquête préliminaire sur les 350 000 euros qu’aurait détourné l’élu socialiste des caisses de SOS Racisme, le Parquet « se hâte avec lenteur » d’entendre son client mis en cause pour « abus de confiance »
Cinq mois sans la moindre convocation, alors que l’ensemble du dossier a fuité abondamment dans la presse. L’Est républicain vient d’être condamné à verser un euro symbolique pour avoir publié in extenso le rapport de Tracfin qui est à l’origine des poursuites contre Dray. L’organisme anti-blanchiment de Bercy est chargé de recueillir les dénonciations des banques en cas de mouvements suspects de fonds. Et les proches de Dray ne sont pas loin de penser que les fuites ont été « orchestrées » en haut lieu ! « Vous aurez bien compris que le calendrier de “l’affaire”, de même que les suspects désignés, ne relèvent pas du simple hasard judiciaire », écrit « Juju » dans ses vœux postés le 8 janvier dernier sur desirsdavenir.com.
Officiellement, des mouvements atypiques ont été aperçus sur les comptes de Julien Dray, en août dernier. Traditionnellement, le premier feuillet des rapports Tracfin indique l’origine de la dénonciation du transfert suspect. Or l’Est Républicain n’a pas publié la page de garde, alors qu’il a mis la totalité du rapport en ligne, ne faisant grâce d’aucune dépense personnelle. « J’ai fait ce choix de ne pas la publier car ça n’apportait rien au lecteur », estime Laïd Samari, le journaliste qui a sorti le rapport.
Une certitude : le 11 septembre 2008, Jean-Baptiste Carpentier, réputé sarkozyste, remplace à la tête de Tracfin, François Werner, qui passait pour chiraquien. Quelques jours plus tard, le dossier Dray est confié à une des fines lames de la maison. L’enquête est bouclée dans des temps records. Le 28 novembre, le Parquet de Paris est saisi ; le 19 décembre, le domicile de Julien Dray est perquisitionné, ainsi que son bureau à l’Assemblée nationale. Saisir les dossiers d’un élu : de l’inédit ou presque. « La chronologie est édifiante », soulignent des proches de Julien Dray, « quand on sait que du 12 au 18 décembre, les lycéens de la FIDL [un mouvement patronné par le député du PS] étaient dans la rue… »
Cette même semaine, Malek Boutih est approché pour un poste gouvernemental qu’il finit par refuser… Or Julien Dray, dont il est proche, a pesé de tout son poids dans cette décision. Il est clair que l’Élysée n’a pas apprécié. D’autant plus que Nicolas Sarkozy avait également proposé, après la présidentielle, un portefeuille à Julien Dray. Lequel avait décliné.
Plus troublant, la grande presse a été alertée très tôt des soupçons qui pesaient contre Dray. La veille de la perquisition, le chroniqueur judiciaire du Canard Enchaîné, Louis-Marie Horeau, très au fait du dossier, demandait à être reçu par l’élu socialiste. Le matin même de la perquisition, le journaliste du Monde, Gérard Davet, familier du Palais de Justice, publiait sur le site Internet du quotidien - sans avoir contacté préalablement Julien Dray - un article détaillant la procédure en cours et celle qui devait se dérouler au sein de SOS Racisme une demi-heure plus tard. La campagne médiatique était lancée. Et le silence du PS et de sa Première secrétaire, Martine Aubry, en était d’autant plus assourdissant… « Juju a peut-être été imprudent, confondant parfois l’argent de l’Association et le sien », explique un de ses proches, « mais il paye tout cela au prix fort ». Dure est la chute pour celui qui avait rêvé devenir, lors du dernier Congrès du PS, en novembre dernier, « le patron de la gauche ».
Le 23 janvier dernier, sur RTL, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, jugeait scandaleux, le déballage de la vie privée de Julien Dray. Comment ne pas souscrire à ses propos ?
A lire ou relire sur Bakchich info :
Bonjour,
L’article est intéressant et équilibré, donc vraiment instructif. C’est un excellent travail d’investigation qu’il convient de saluer pour sa valeur informative.
Julien Dray devait être, s’il acceptait la proposition, ministre de Nicolas Sarkozy. Il a refusé malgré son respect, voire plus pour Nicolas Sarkozy ! C’est à cette aune de relations assez peu claires que se mesurent les coups tordus, voire les actes de vengeance entre les deux politiques.
Le rapport TRACFIN, pour qui le lit, est d’une extrême précision sur les comptes, dates et chiffres. A cette heure, nul ne l’a démenti, même sur un point.
Un seul point est oublié dans l’article, mais il est vrai qu’il concerne la naissance des relations d’amitié et de respect entre Julien Dray et Nicolas Sarkozy : leur commune participation, dans des rôles différents, à la saga des frégates de Taiwan depuis 1989.
Car Julien Dray a beaucoup voyagé dans ce pays dans les années 1990, donc au moment où la France vendait ses frégates si peu furtives, puis ses Mirage 2000 et ses missiles MATRA. Des ventes très onéreuses tandis que Nicolas Sarkozy s’occupait du Budget dès mars 1993, donc en clair, n’ignorait rien des commissions versées par son Ministère aux intermédiaires dans ces contrats !
Aujourd’hui, les contribuables devraient payer 1 milliard d’euros à Taiwan pour les secrets communs du RPR-UMP et du PS depuis 1989 dans ces contrats tordus, leur couverture commune du secret-défense contre la vérité que cherchaient certains magistrats et probablement pour de communes complicités RPR-UMP- PS dans le dossier opaque et glauque des frégates et des autres contrats derrière.
A l’époque, Julien Dray n’a jamais fait état de son souhait de voir la vérité apparaître dans ce dossier. Nicolas Sarkozy non plus !!! Il convient de noter pour l’avenir cette position commune qui visait à tout faire afin que les faits vrais ne soient pas connus du public.
Existe-t-il un pacte ancien entre les deux hommes et leurs partis depuis cette époque, pacte qui aurait volé en éclat en 2009 ? Peut-on imaginer que le jugement de la Cour arbitrale internationale va susciter (ou a déjà généré) des bouc-émissaires publics, sacrifiés pour tous les autres qui feront payer aux citoyens le milliard d’euros qui a été volé aux Taiwanais ?
C’est une question sur laquelle Bakchich pourrait se pencher.
Bien cordialement,
Tout de même, pour ceux qui veulent à tout prix voler au secours de Julien Dray, il ne vous paraît pas surprenant :
que Julien qui était une "figure" du PS,
qui était une "grande gueule" éloquente, aussi,
qui ne manquait pas de caractère, non plus,
se soit laissé étouffer à ce point ?
Ou encore :
Qu’il ne soit pas soutenu par les membres influents du PS ?
Qu’il ne soit même pas défendu par un comité de soutien ?
Un pauvre prévenu ordinaire, accusé à tort, sait souvent trouver en lui des ressources insoupçonnées pour clamer son innocence. Pas Julien Dray, qui a tant à perdre en ne réagissant pas ??
Pour le moins troublant, non ?…
Je ne suis pas du tout d’accord avec cette vision des choses …
1 / Dans le rapport TRacfin il me semble avoir vu des des vrais extraits de comptes bancaires, avec des varis mouvements de fonds très important entre 3 personnes et 2 associations. Le fait est que si déjà il y a des fonds qui passent d’un compte d’une association vers un compte personnel avant d’arriver dans un autre moyennement un pourcentage de prise de risque sent carrément l’embrouille.
2 / Soutenir une personne se prétendant "une figure importante" de la gauche qui avoue volontier avoir un faible pour les montres de luxe et pour le luxe tout court, à l’heure ou la crise laisse tant de gens sur le carreau ne me choque pas non. Quand on est de gauche on ne pense pas que si on a pas de Rolex a 50 ans on a raté sa vie. D’ailleurs cela ne m’étonnerait pas qu’a de multiples occasions Seguela et Dray aient comparer leurs bijoux.
3 / Dans ce genre d’affaire il n’y a jamais de fumée sans feu, la méthode Dray je la connais bien pour avoir été en relation avec certains de ses collaborateurs au CR IDF. C’est donnant / donnant …. ou gagnant / gagnant si vous voyez ce que je veux dire.
Je ne suis pas un grand fan de Julien Dray, mais il y a un ridicule concept juridique et démocratique qui va à l’encontre de la célèbre maxime populaire selon laquelle "il n’y a jamais de fumée sans feu" : ça s’appelle la présomption d’innocence …
C’est un peu idiot, mais je suis particulièrement attaché à cette notion un peu désuète (et pourtant, je ne fais l’objet d’aucune procédure judiciaire) Allez savoir pourquoi ?
Je dois être un de ces pauvres droits-de-l’hommistes parfaitement ringards …
Bien d’accord, cette affaire sent la grosse entourloupe . Et le premier jalon semble être le fameux rapport Tracfin, que beaucoup, volontairement ou involontairement, prennent trop rapidement au pied de la lettre .
Faut-il rappeler que Tracfin ne s’embarrasse pas avec les vérifications et se contente de formuler des soupçons autrement dit des allégations, et transmet son brouillon à la justice pour qu’elle confirme ou non. Lu sur le net , Eric de Mongolfier déclare que 80% des rapports Tracfin sont inexploitables d’un point de vue juridique.Beaucoup de déchets, donc …
Concernant le rapport qui "accuse Dray et comme par hasard des associations dérangeantes depuis fort longtemps, Il ressemble bien à une mise en scène, fort bien orchestrée , exploitant habilement le caractère officiel de ses auteurs pour légitimer son contenu.
Mais un rapport Tracfin, dont le contenu n’est pas vérifié a priori , donc potentiellement diffamatoire, n’a pas vocation à être publié , bien au contraire !
Or celui-ci semble avoir été rédigé sur mesure pour quelques relais bien choisis dans la presse. D’ailleurs, une partie de celle-ci , s’est contenté de faire du copier-coller d’extraits, sans aucune analyse, uniquement la mise ne valeur du "sensationnel" , bien en évidence dans le rapport lui-même. Tracfin a fait tout le travail .
"On" voudrait nous faire prendre des vessies pour des lanternes qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Dans l’affaire Dray, c’est aussi Le libre arbitre qui en a pris un coup.