Cette année, le maire de Paris a imposé un ordre du jour thématique à ses comptes-rendus de mandat. Au grand dam des riverains qui croyaient que le bureau des plaintes serait ouvert.
Encadré par un important service d’ordre, Bertrand Delanoë arrive mardi soir dans le Gymnase Berlioux du forum des Halles (1er arrondissement) bardé de bonnes intentions. « On commence à l’heure ou on attend ?! », s’impatiente-t-il avec les poings sur les hanches devant un tiers de chaises vides. C’est le dix-septième compte-rendu de mandat que le maire organise depuis septembre. L’exercice est rôdé.
Cette fois-ci, la réunion est consacrée à Paris Métropole, le syndicat mixte qui gère les relations entre la capitale et les collectivités de banlieue. Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois est l’invité d’honneur. Histoire de montrer que la solidarité existe entre la capitale et ses proches voisins en matière de transport, de logement et de culture. « Paris ne peut pas être heureux si Clichy-sous-Bois est malheureux ! », s’exclame Delanoë au terme de son discours d’ouverture.
Tout cela est bel et bon mais, à vrai dire, n’intéresse pas fondamentalement les riverains qui ont fait le déplacement. Dès l’entrée du gymnase, la tension est palpable. Quelques associations font le pied de grue pour dénoncer la transformation de ce rituel dans chaque arrondissement en séance de « propagande » où l’on évite « les questions qui fâchent ». Seybah Dagoma, conseillère du 1er arrondissement et adjointe au maire de Paris, a beau le rappeler : « Les questions devront être courtes et consacrées exclusivement au sujet du jour », le petit jeu de la démocratie participative laisse rapidement place à un défilé de plaintes.
Un militant du 13e arrondissement ouvre le bal avec un monologue sur le « désert culturel de son quartier » et la « sauvegarde du Grand Écran place d’Italie ». « Votre intervention est trop longue », le coupe Seybah Dagoma. Et « elle est surtout fausse ! », tacle Delanoë. La discussion tourne court. L’impertinent se résigne : « Monsieur le maire, je vais vous obéir ! » Puis la farandole de requêtes se poursuit.
La coupe est pleine lorsque le sixième intervenant fait son entrée. Brandissant des documents, il fustige la « résistance » et les « manœuvres frauduleuses » de l’Office public de l’Habitat de Paris. « Je suis allé voir tous vos adjoints, qui sont forts sympathiques au demeurant. Mais ils m’ont dit qu’il n’y a qu’un seul patron ici, c’est Delanoë ! » « Ils sont tous virés ! », ironise le maire qui connaît vraisemblablement le dossier. Mais devant l’insistance du Parisien, le maire sort de ses gonds. « Merde ! Vous êtes très pénible Monsieur ! C’est une intervention hyper-individualiste ! » La directrice adjointe du cabinet du maire, Anne de Bayser est obligée d’intervenir pour éloigner le perturbateur du micro. « Vraiment, vous ne m’encouragez pas à vous aider, Monsieur ! » renchérit Delanoë.
Mais voilà que la mère du plaignant se présente quelques instants plus tard. Une vieille femme hagarde qui a le chic pour faire changer de ton le maire. « Vous pouvez compter sur nous Madame », concède-t-il avant de s’éclipser. Sa brochette d’adjoints pourra bien répondre au reste des questions.
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