Le 12 janvier dernier, la Suisse s’est engagée à communiquer tous les renseignements que réclame le fisc français. Même lorsque Paris n’a que des soupçons…
Le fameux secret bancaire suisse, qui fait fantasmer les Français depuis des générations, est mort. Mais il a été enterré dans la discrétion la plus complète. Le 12 janvier 2009 à Berne, Joëlle Bourgeois, l’ambassadrice de France en Suisse, et Urs Ursprung, le directeur de l’administration fédérale des contributions, ont signé un « avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ».
Un document d’une dizaine de pages, sans beaucoup d’intérêt, à l’exception de l’article 9. On y apprend que « l’Etat requis communique des renseignements lorsque l’Etat requérant a des raisons de soupçonner que le comportement en cause pourrait constituer une fraude fiscale ou une infraction équivalente ».
En d’autres termes, Paris n’a même plus besoin d’avoir des preuves pour réclamer à Berne les comptes tenus par des banques suisses de contribuables français. Dorénavant, il suffit d’avoir des soupçons ! D’ailleurs, le document précise que pour pouvoir solliciter des renseignements, il suffit de « documents authentifiés ou non », d’« un témoignage du contribuable », ou mieux, « des renseignements qui semblent crédibles obtenus d’un tiers ».
A priori, on doit se réjouir de tant de transparence. Mais on peut aussi imaginer que l’administration française, en toute innocence bien entendu, réclame demain à Berne les comptes en banques (réels ou supposés) de Ségolène Royal ou de François Bayrou…
C’est une pratique très courante utilisée par certains dictatures africaines ou asiatiques : quand un de leurs opposants politiques est réfugié en Suisse, elles réclament le blocage de ses comptes pour l’asphyxier financièrement.
Toutefois, cet avenant n’est pas encore entré en vigueur car il doit, au préalable, être soumis à l’approbation parlementaire. Et il ne le sera pas. En effet, depuis la réunion du G20 et sa déclaration de guerre contre les paradis fiscaux, la Suisse s’apprête à renégocier quelque 70 accords de double imposition. « Et notamment avec la France, les discussions doivent s’ouvrir prochainement », souligne Danièle Bersier, responsable de la communication au Département fédéral (ministère) des Finances à Berne.
Une rencontre est prévue le 12 juin prochain entre le conseiller fédéral (ministre) Hans-Rudolf Mez, en charge des Finances, et Eric Woerth, le ministre du Budget. L’objectif de la France est d’aller encore plus loin que l’avenant à la convention signé le 12 janvier dernier. Demain, un inspecteur des impôts à Grenoble pourra téléphoner à son collègue de Genève et lui demander si un chef d’entreprise de l’Isère n’a pas planqué quelques économies sur les bords du lac Léman.
Alors vive la mort du secret bancaire suisse ? La nouvelle est plutôt réjouissante, mais il ne faut pas se faire trop d’illusions. Il y a plus de dix ans que les banquiers suisses n’accueillent plus chez eux de clients douteux, ils les orientent vers leurs filiales aux Bahamas ou à Singapour. Quant aux gros fraudeurs, ils n’ouvrent jamais de comptes en banques à leurs noms. Ils s’adressent à des fiduciaires ou à des avocats d’affaires qui leur créent dans la journée un trust ou une fondation, dans lesquels les noms des vrais propriétaires n’apparaissent jamais.
Dans l’affaire Elf, les magistrats français avaient réclamé à leur collègue genevois Paul Perraudin les comptes en Suisse de Charles Pasqua et de Roland Dumas. Ils n’ont jamais rien trouvé. En revanche, les juges ne sont pas rentrés complètement bredouilles. L’ancien préfet Jean-Charles Marchiani était assez négligent pour déposer des commissions à son nom, à celui de sa femme et des membres de sa famille.
Quant à savoir pourquoi la Suisse a lâché si vite le secret bancaire, qu’elle considère comme un « droit de l’homme », l’explication est simple : elle est obligée de se plier aux demandes de l’Union européenne, avec qui elle réalise 80 % de ses échanges commerciaux. Son objectif est de limiter la casse. Elle laisse tomber le boucher de Perpignan ou le notaire de Bourg-en-Bresse, qui viennent planquer un peu de « gratte » chez elle. Mais en contrepartie, Berne espère que la France, l’Allemagne ou l’Italie continueront à laisser leurs multinationales brouter dans les Alpages de la Confédération.
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etant donne que l’etat suisse n’a pas la capacite juridique a forcer les banques suisses de donner des informations (la fraude fiscale n’est pas un motif sufisant pour lever le secret bancaire en suisse), le secret bancaire existe donc toujours.
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