Chaque week-end pendant un mois, Bakchich vous propose ses rencontres avec les bandits qu’ils ont eu l’occasion de croiser. Premier rendez-vous : Alfred Sirven, numéro deux d’Elf et ex bras droit de Loiïk Le Floch-Prigent.
À cinq mois du verdict du procès en appel, prévu pour mars 2005, Sirven était inquiet. C’est lui qui, en première instance, avait été condamné le plus lourdement, pour son implication dans l’affaire des détournements de fonds ayant eu lieu de 1989 à 1993 : cinq années de prison et un million d’euros d’amende. Seulement le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, qui lui en voulait personnellement (pour des raisons trop longues à expliquer), avait réclamé… huit ans en appel. Pas question pour Sirven, qui a déjà payé le prix le plus fort, de retourner seul en détention.
Alfred avait décidé de parler – et librement – à quelques plumitifs, dont moi, alors journaliste au Canard enchaîné. Je vais donc le rencontrer une dizaine de fois entre novembre et février, avant sa disparition brutale, un dimanche de février 2005 à Deauville, terrassé par une crise cardiaque. La plupart du temps, nous nous voyions, parfois avec Vilma, sa compagne philippine, au Salon des Amours, une salle à manger particulière du restaurant Lapérouse, sur les quais de Seine, ou aux Innocents, un restaurant du VIIIe arrondissement, tenu par un libanais fort classieux. « Aux innocents, les mains pleines », disait-il joliment. Et il ajoutait volontiers : « Je me flatte de connaître deux ou trois choses sur le vin ».
C’était un samedi de novembre 2004, à l’heure du déjeuner. J’avais rendez- vous à la Brasserie La Lorraine, place des Ternes à Paris, avec Alfred Sirven, l’exbras droit de Loïk Le Floch-Prigent, patron du groupe Elf de 1989 à 1993. Grâce à l’or noir, Sirven était le grand distributeur de gâteries et d’emplois fictifs à l’ensemble de la classe politique. Ce jour-là, riesling, huîtres et tartare de saumon. L’entretien est interrompu par le maître d’hôtel, qui connaît fort bien Alfred : - « Il y a trois jeunes clients, à la table près de la fenêtre, qui voudraient vous dire toute leur admiration. Ils admirent votre parcours et voudraient vous offrir une coupe de champagne. - Le champagne c’est vulgaire, petit- bourgeois, répond Alfred, je préfère le vin blanc. Ils nous offriront le café. » Il était comme cela, notre Alfred : nature et grand seigneur !
Et le journaliste enquêteur que je suis va tomber sous le charme de ce bandit de grand chemin. Jamais cet homme droit n’a songé à nier ses frasques financières. Sa morale, au-dessus de la loi commune, était faite de fidélité et d’honneur. « Je suis le seul debout, proclame-t-il, j’ai été cohérent et je n’ai jamais balancé personne ». Et il ajoutait : « Deux ou trois fois, on m’a proposé de faire descendre Fatima, la compagne de Loïk à l’époque. Mais j’ai refusé, je m’appelle Alfred Sirven ».
Alfred était sans illusions sur les hommes, sauf sur celui qui fut son véritable « parrain » et ami, Charles Pasqua. « Chirac n’avait aucune conviction, Pasqua si. » « C’est moi, racontait-il, qui organisais les rencontres entre Mitterrand et Pasqua dans le château du docteur Raillard. On était là, avec Daniel Leandri, le bras droit de Charlie, à attendre que les deux “Auguste” aient terminé leurs conneries. Charles, en sortant, était toujours ravi. C’était pas tous les jours qu’il rencontrait un intellectuel. Et Daniel Leandri concluait que Mitterrand était aussi mafieux que nous. » Et Sirven d’ajouter : « Tout ceci était parfaitement exact ». Un jour, raconte-t-il, il est interrogé par son petit-fils sur ses frasques passées. - « C’est vrai ce qu’on lit dans la presse, tu as pris de l’argent. - Écoute bien, lui répond Alfred, ce que va te dire Papy. Papy n’a jamais volé un pauvre, jamais ! » Alfred Sirven était un vrai bandit d’honneur !
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Vous construisez des "légendes" mais que je sache Sirven n’a jamais été un robin des bois volant des grosses commissions aux compagnies pétrolières qui pillent les richesses des pays africains, pour les reverser aux pauvres.
C’est un gros profiteur qui a vécu comme un nabab au sein d’un système fonctionnement d’Etat où quelques gros cadres tournent tout au long de leurs carrière, au sein des grosses sociétés publique et se gavent. Dans sa carrière il a été mis en place dans des boîtes pour mettre en œuvre des plans de licenciements, fermer des boîtes.
Sirven a fais partie de ces cadres qui ont participé à mettre la République à terre, et c’est pas fini tous ses copains ont les clefs !