Condamné par la justice, Roland Dumas, ancien ministre et avocat de son état, fait l’objet d’une procédure disciplinaire très souple… « Bakchich » publie l’arrêté du Barreau de Paris qui décide… de ne rien décider.
En théorie, un avocat condamné par la justice risque la radiation du barreau. Le règlement du Barreau estime en effet qu’être condamné équivaut à violer quelques principes essentiels de l’avocat, tel l’honneur et la probité, au point d’empêcher tout candidat à s’inscrire dans la profession. Mais Roland Dumas qui, le 5 janvier 2009, comptera 60 ans de barreau, n’est pas un avocat comme les autres. L’heureux homme, ancien ministre de François Mitterrand et ex-président du Conseil constitutionnel, bénéficie d’une aura - et de beaux réseaux - qui le protègent des vilenies que les uns et les autres veulent lui faire.
Exécuteur testamentaire de la veuve du sculpteur et peintre suisse Alberto Giacometti, Roland Dumas a emmené son ami commissaire-priseur Jacques Tajan direct au tribunal. Dumas avait demandé en 1994 à ce que ce dernier vende des oeuvres appartenant à la succession, afin de payer des frais élevés, mais l’argent récolté a mis des années à revenir à son légataire universel, la Fondation Alberto et Annette Giacometti.
« Il ressort que, d’une part, Jacques Tajan a utilisé pendant plusieurs années, les sommes revenant à la succession Giacometti afin d’alimenter le fonds de roulement de sa propre étude, qui a ainsi présenté une trésorerie positive, réalisé des économies de frais financiers et amélioré ses résultats », a expliqué dans son arrêt la Cour de Cassation en 2006.
« D’autre part, cette situation a été rendue possible grâce à un accord passé préalablement avec Roland Dumas, lequel a, en contrepartie, bénéficié d’honoraires ne correspondant pas aux prestations réalisées », a-t-elle ajouté. Tajan, de son côté, a été condamné à 15 mois d’emprisonnement avec sursis et 200.000 euros d’amende.
D’insolents magistrats se sont ainsi hasardés à le condamner, mais ses confrères du Barreau de Paris le soutiennent sans hésiter. Car à la suite de sa condamnation en 2006 pour « abus de confiance aggravé » à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et 150 000 euros d’amende dans l’affaire liée à la succession du sculpteur Giacometti (condamnation rendue définitive par la Cour de cassation), le Conseil de discipline de l’Ordre des avocats de Paris, où est toujours inscrit Dumas, a lancé une procédure disciplinaire le 22 octobre 2007.
Apprenant que le Barreau engageait des poursuites, Dumas, bien conseillé, dépose prestement - le 6 novembre 2007, soit deux semaines après - un recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme contre la peine prononcée par la justice en 2006. Pour résumer ses griefs, les juridictions pénales auraient fait preuve de partialité en le jugeant et son procès n’aurait pas été équitable. Pauvre Roland !
Le bon Dumas, saisissant sa plus belle plume, écrit ensuite au Barreau pour lui asséner un cours de droit. Selon lui, son recours justifie que son cas fasse « au moins l’objet d’un sursis à statuer en attendant la décision de la Cour de Strasbourg ».
Le Conseil a du coup décidé… de ne rien décider, comme l’a raconté Bakchich : s’inspirant directement des suggestions de Dumas, il a « sursis à statuer », c’est-à-dire qu’il a décidé qu’il prendra une décision quand la Cour européenne des Droits de l’Homme aura pris la sienne. C’est-à-dire dans quelques années… Le Conseil n’a pas cru voir malice quant au fait que Dumas avait saisi la Cour de Strasbourg après que l’Ordre se soit emparé de son cas. Il faut dire que le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, n’est autre qu’un ancien collaborateur d’un certain… Maître Dumas.
Roland Dumas n’est décidément pas un avocat comme les autres, et pour cette raison Bakchich publie l’arrêté de l’Ordre qui accorde à son prestigieux membre un répit bienvenu.
Pour télécharger la décision (fichier pdf) du Barreau de Paris concernant Roland Dumas, cliquer ici.
je me souviens lors de ma visite au centre Pompidou pour l’expo l’atelier Giacometti, de l’ombre maléfique de roland Dumas qui pesait. J’ai beaucoup regretté la présence de cet aigrefin même sous la forme d’un fantôme. Egalement regretté de n’avoir pas inscrit ce petit commentaire dans le livre d’or.
c’est fait merci !