Financée par les deniers publics et présidée par Charles Pasqua, l’association Léonard de Vinci gère le pôle universitaire du même nom dans les Hauts-de-Seine. Une fac Pasqua qui dépense sans compter.
Les gens sont méchants avec Charles Pasqua. La chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France, par exemple, vient de lui adresser ses « observations définitives sur la gestion de l’association Léonard de Vinci » qu’il préside et qui gère le pôle universitaire du même nom. Et elles sont plutôt sévères.
Flashback. En 1991, le département des Hauts-de-Seine, présidé par un certain Pasqua Charles, encourage la création du pôle Léonard de Vinci, la fac Pasqua. Trois établissements privés qui enseignent le management, l’ingénierie et le multimédia. Privés, certes, mais pas du bon argent public : les Hauts-de-Seine versent en effet une « subvention » à l’université pour lui permettre de « faire face à ses charges » et, depuis 1996, lui fournissent, gratos, ses locaux. Mais voilà qu’« en 2009 et 2010 » le département « a réduit très sensiblement le montant de sa subvention ». La CRC recommande donc à l’association « un effort particulier » pour améliorer sa gestion, notamment « la vérification des dépenses de personnel ».
Le rapport relève par exemple que « trois personnes occupant des fonctions de directeur ou de directeur adjoint » ont perçu, en 2008, des « salaires correspondant à une rémunération annuelle supérieure à 80 000 euros ». Certes, « deux d’entre elles travaillent à plein temps ». Mais « la troisième a perçu 32 015 euros + 5 000 euros de rémunération accessoire, pour un travail » à 20% d’un plein temps. Soit l’équivalent d’« un niveau de rémunération à temps plein de 185 075 euros ». Une coquette somme, persifle la CRC.
Autres postes coûteux, « les rémunérations versées au directeur général, en fonction depuis le 24 juillet 2008, et au directeur général adjoint », recruté le 29 mai 2007 : « 165 000 euros par an » augmentés d’une prime déterminée de manière discrétionnaire par le conseil d’administration pour le premier et « 110 000 euros par an pour le second ». Cette générosité – nourrie de fonds publics – n’est pas nouvelle : c’est ce que prouvent les divers cas particuliers sur lesquels s’est penchée la CRC.
Premier cas : « Le contrat du directeur général de l’association, en place du 1er septembre 2001 au 31 juillet 2006, prévoyait une rémunération annuelle brute de 970 000 francs (147 875,54 euros) pour un travail à temps complet, à laquelle s’ajoutait une prime non explicitement mentionnée au contrat de 25 000 euros par an pour les années 2004 et suivantes. » Détail touchant : « Lors de son départ volontaire, l’intéressé a perçu 219 027,15 euros, dont 176 451,20 euros au titre d’une gratification que rien n’obligeait l’association à lui verser. » Au total, « l’intéressé a perçu, au cours de la dernière année universitaire où il exercé ses fonctions, une rémunération de l’ordre de 380 000 euros ».
Mais, à vrai dire, Léonard de Vinci récompense avec la même munificence les salariés qui ne lui ont pas donné satisfaction.
Le cas d’« un autre ancien directeur général », recruté le 23 octobre 2008 et licencié pour « insuffisance professionnelle », en témoigne. Son contrat prévoyait un salaire mensuel de 9 384,62 euros sur treize mois, « soit une rémunération annuelle brute de 122 000 euros, pour un travail correspondant à un temps partiel à hauteur de 75% ». Viré le 24 juillet 2008, il percevra « lors de son départ, une rémunération de 165 490,59 euros, alors que l’association n’était pas satisfaite de ses services ».
Autre cas intéressant, par temps de réforme des retraites, celui d’un ancien secrétaire général, né en 1931, qui « travaillait » à mi-temps « pour l’association en tant que retraité en activité » et qui « a été mis de nouveau à la retraite le 1er octobre 2008, avec effet au 31 mars 2009 », au terme d’un « préavis de six mois non effectué ».
Cet heureux homme bénéficiait d’un contrat de travail stipulant qu’il « pourrait demander la résiliation de son contrat en invoquant la clause de confiance en cas de départ du directeur général de l’association », et qu’il bénéficierait, en ce cas, d’une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de rémunération brute. Quand il « a émis le souhait de quitter ses fonctions, le 27 août 2008, en invoquant le changement de directeur général » auquel venait de procéder l’association, il a donc perçu la modeste gratification de deux années de salaire, augmentée, pour faire bonne mesure, « d’une prime exceptionnelle de 54 930 euros portant la rémunération qui lui a été versée à son départ à 269 886,18 euros ». Pas mal, pour un mi-temps.
Tous ces avantages « n’étaient pas justifiés par l’intérêt de l’association », juge la CRC, qui relève d’autres « dépenses sortant de l’ordinaire », comme celles dédiées à « l’ancien doyen du pôle », dont la rémunération annuelle « était de 164 504,70 euros, 13e mois inclus ». Licencié pour « faute grave », il a tout de même reçu, en partant, « une somme de 391 401,97 euros ».
Très sobrement, la CRC conclut : « L’association n’accorde pas une place suffisante au souci d’économie, qui, eu égard à l’origine publique des fonds dont elle vit, devrait inspirer sa démarche dans les divers domaines de dépenses auxquels elle a à faire face. » Une façon polie de suggérer que ces professionnels du management prennent les contribuables pour des vaches à lait ?
Charitable avec ses employés méritants (ou pas), l’association Léonard de Vinci leur assure aussi un cadre de vie harmonieux : « la création d’un salon-salle à manger VIP » (venant doublonner, relève la Chambre régionale des comptes, « un espace de restauration accessible sur réservation et susceptible de fournir des prestations de qualité ») lui a coûté 131 989,94 euros. Son président, Charles Pasqua, a estimé quant à lui que « cet aménagement, justifié par la qualité des visiteurs », était « de nature à limiter les frais de réception externes ». Il est vrai que « les dépenses du compte » affecté, dans la trésorerie de l’association, aux « déplacements, missions » et « réceptions » se sont élevés à « 358 984 euros en 2004-2005, 323 109 euros en 2005-2006, 267 243 euros en 2006-2007, et 440 462 euros en 2007-2008 », et que « les frais de réception occupent », là, « une place particulière », puisqu’ils « se sont élevés pour les six premiers mois de 2008 à 75 311,95 euros sur un total de 131 445,68 euros ». Décidément généreuse avec ses deniers, l’association, qui fonctionne grâce à l’aide massive des fonds publics, a notamment « pris à sa charge les frais de restauration liés au colloque sur l’intelligence économique du 24 janvier 2008 » (589,75 euros pour le petit déjeuner, 4 635,10 euros pour le déjeuner), « sans demander aux autres organisateurs du colloque » – dont le quotidien les Échos – de participer à ces frais ✹ S. F .