Comment des milliers de particuliers ont pu investir dans des dispositifs de défiscalisation (le « Robien ») au mépris de toute prudence ? Enquête sur des méthodes commerciales bien huilées.
Pour les gouvernements successifs, ça devait être « la » solution miracle pour soutenir l’immobilier : les différentes niches fiscales, notamment les lois Robien en 2003 et Borloo en 2006, instaurant le marché de « l’investissement locatif », ont ainsi permis la construction de 325 000 logements entre 2000 et 2006, soit près de la moitié des chantiers réalisés. Oui mais voilà…
Un nombre important de programmes immobiliers assurés par ces dispositifs ont été construits en dépit du bon sens, dans des secteurs peu porteurs de locations. Résultat, aujourd’hui, des milliers d’appartements restent désespérément vides, et des milliers de particuliers « investisseurs » se retrouvent coincés. Car forcément, s’ils ont acheté des appartements, c’est pour ensuite les louer. Pourquoi ? Tout simplement parce que dans le cadre du « Robien », s’ils ne trouvent pas de locataire au final, ils ne peuvent pas bénéficier de la tant espérée défiscalisation… Malin !
Ces dernières années, la défiscalisation est devenue le premier objectif des investissements dans l’immobilier, sans qu’aucune autre considération ne soit prise en compte par les acquéreurs… Les conseillers en patrimoine, les banquiers n’ont pas hésité à mettre en avant la fiscalité de l’investissement locatif pour vendre des produits formatés, exclusivement à destination de ceux qui recherchent l’économie d’impôt.
Cet emballement général est aussi la conséquence du développement des promoteurs spécialisés dans les dispositifs de défiscalisation. Dans le métier, ça s’appelle même les « promoteurs défiscalisateurs ». Et des groupes plus importants, intégrés, véritables majors de l’immobilier offrant toute une palette de services financiers aux investisseurs, ont également misé sur ce marché d’une manière agressive. C’est le cas du groupe Akerys, mis en cause en juillet par le magazine UFC-Que Choisir, pour avoir produit d’une manière excessive des logements défiscalisés, et par de plus en plus de particuliers sur Internet.
Car le groupe Akerys a assuré la commercialisation de ce type de programme via sa filiale IFB France. « Les promoteurs spécialisés n’auraient pas pu écouler leur production, avec les méthodes traditionnelles de vente, explique un ancien dirigeant de la promotion défiscalisation. C’est pour ça qu’ils ont fait appel à des réseaux commerciaux très gloutons du type d’IFB qui dispose de plate-formes de télémarketing ». Des « gloutons »… Cet ancien décideur du secteur a même des tremblements dans la voix quand ils les évoquent. Les rendements de ventes étaient au rendez-vous. « Normal on est payé au rendez-vous, un téléconseiller d’Adomos, un groupe concurrent d’Akerys, Notre but c’est de tirer de l’argent où on peut avec le système de commissions ».
À IFB, le guide d’entretien de vente 2006 vaut le détour. D’emblée, les objectifs de l’appel sont exprimés par des questions : « Comment créer des revenus supplémentaires ? » ; « Comment préparer un complément de retraite ? ». Et bien sûr, les réponses ne tardaient pas à arriver : « Vous n’avez sûrement pas attendu après moi pour apporter des solutions. Mais chaque fois, vous y êtes parvenu en risquant votre argent. L’originalité de ma démarche consiste à y parvenir en utilisant l’argent de vos impôts. L’idée est de placer l’argent de vos impôts ailleurs que chez le précepteur ! ». Pour l’instant, le dispositif Robien et la possibilité d’investir dans l’immobilier n’est pas encore évoqué clairement au futur client…
Le commercial devait également jouer avec la convivialité lors d’un futur rendez-vous en face-à-face : « Sauf si vous être célibataire, notre étude implique obligatoirement une réflexion familiale. Voulez-vous faire venir votre conjoint à votre bureau ou comme la plupart de vos collègues préférez-vous que je vienne chez vous ? C’est plus sympa ! ». Ah la famille, ma brave dame, c’est des soucis : « Doit-on constituer un complément de retraite ? (…) Il faut se protéger et protéger sa famille », pouvaient ainsi rappeler les commerciaux. Au téléphone, l’essentiel pour eux était de « cimenter le rendez-vous », comme le rappelle la méthode de vente IFB. Pour amadouer la cible, le commercial proposait alors « une étude financière gratuite ». Et toujours la pression : « En matière de réduction d’impôt, un écart de quelques jours peut entraîner un décalage d’une année fiscale à un autre, il serait dommage de perdre une année ». Une fois que la cible était ferrée, alléchée par les perspectives de larges « économies » d’impôts, le « conseiller » révèle la solution : « comment est-il possible de concrétiser cette mécanique financière ? (…) Avec IFB nous avons raisonné dans un cadre de loi rattaché à l’acquisition d’un logement neuf à usage locatif ».
Après plusieurs entretiens, le commercial devait alors sortir la grosse artillerie pour inspirer confiance en évoquant l’intervention de « 6 intervenants » : promoteur, banque, notaire, administrateur de bien, compagnie d’assurance. Ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout…
L’infantilisation est pratiquée sans scrupule : « Au début de notre entretien, j’étais un conseiller parmi d’autres, maintenant j’ai le sentiment d’être devenu VOTRE CONSEILLER. Avez vous le même sentiment ? ». C’est beau, non ? Le moment fatidique arrive enfin : « dans notre langage ça s’appelle une RESA ». Et après tant de « novlangue », le ton se fait martial, presque menaçant : « à la fin de notre prochain entretien si toutes les conditions sont requises, il sera indispensable d’effectuer une réservation ». Forcément, en tant que « conseiller » gratuit, je n’ai pas envie de perdre mon temps…
Agen, Albi, Alès, Angoulême, Annonay, Auch, Auxerre, Bergerac, Béziers, Bourges, Brive-la-Gaillarde, Cahors, Carcassonne, Castres, Caussade, Charleville-Mézières, Clermont-Ferrand, Cognac, Colmar, Dax, Dieppe, Épinal, Figeac, Gap, Langon, Laval, Lisieux, Lons-le-Saunier, Marmande, Montauban, Mont-de-Marsan, Mulhouse, Périgueux, Pontivy, Quimper, Roanne, Saint-Étienne, Saint-Gaudens, Saint-Paul-lès-Dax, Saintes, Sedan, Tarbes, Tulle, Valence, Verdun-sur-Garonne, Vesoul, Vierzon, Villefranche-sur-Saône, Villeneuve-sur-Lot, Uzès. À ces villes s’ajoute la zone du Genevoix français.
(sources : Enquête annuelle du Crédit Foncier mars 2008)
Et à la moindre incertitude de la part de la cible, le document propose au vendeur « d’écouter l’objection avec beaucoup d’intérêt » et de « ne jamais répondre directement » et surtout de « transformer l’objection en question ». Et si l’interlocuteur prêt à signer un contrat n’avait pas compris, son « conseiller » pouvait en rajouter une couche, juste pour la route : « Vous avez compris qu’une opération comme celle-ci est sans risque et n’implique aucune dépense personnelle ». Bien voyons… À aucun moment donné, le vendeur d’IFB ne soulignera qu’un logement acheté dans le cadre d’un régime fiscal qui ne trouve pas de locataire aux conditions requises ne peut générer aucune réduction d’impôt. Mais dans le monde merveilleux d’IFB, ça n’existait pas…
À lire ou relire sur Bakchich.info, les articles sur le « Robien » :
Bof, rien de nouveau dans cet article, c’est de la vente tout simplement. La fin de l’article est pas mal MAIS si au lieu de la fin de l’article, on indique qu’on trouve un locataire et qu’on ne paye pas d’impots en se constituant un patrimoine …. ah zut on pourra pas faire d’article a charge.
Etonnant non ?
Bon article qui, pour une fois avec ce sujet, évite la dénonciation basique bien démago de la défiscalisation en tant que telle, et tape sur les vrais escrocs, nos amis les vendeurs au porte à porte.
Utiliser le terme de défiscalisation c’est en soi LE mensonge : la vérité c’est qu’on ne défiscalise pas, on INVESTIT avec avantage fiscal…cela reste un investissement, avec toutes les précautions à prendre que ce type de démarche présuppose, et si il est mauvais il le restera, économie d’impôt ou pas…Je ne vois pas bien comment empêcher les gens de faire de mauvais investissement, ils sont adultes…Alors que faire ? Interdire le démarchage ? Il faudrait déjà commencer par l’encadrer…
Et n’oublions pas une précision fondamentale : il n’y a avantage fiscal que si la location se fait pour un loyer au montant plafonné à un bénéficiaire à faibles revenus…Car voilà la réelle motivation des divers gouvernements, de gauche comme droite : le transfert du parc HLM du public vers le privé… De plus, c’est effectivement à une clientèle « moyenne gamme » que ce type de produit s’adresse, là encore par volonté politique (en clair quelqu’un de propriétaire de son logement qui cherche va accéder à un « primo-patrimoine immobilier »).
Quand au Girardin nombreuses sont les déconvenues pour les investisseurs, ne vous leurrez pas, l’économie d’impôt ne suffit pas à rendre l’investissement rentable si la sortie n’est pas bien encadrée…Et là encore tout vient d’une volonté politique : pousser le privé à investir là ou l’État ne veut plus le faire (les DOM-TOM), quelle que soit son étiquette politique…Le vrai scandale résidAIT dans le non plafonnement.