Sans doute lasse de voir son président djiboutien de mari poursuivi par l’affaire Borrel, sa douce et néanmoins première dame a créé l’affaire Boreh. Ou la poursuite d’un chef d’entreprise coupable de ne pas vouloir cracher au bassinet.
Ah ! Djibouti ! Ceux qui n’ont jamais vu Aden ou Zanzibar, rêvent de visiter cette merveilleuse petite démocratie où la mer est aussi chaude que le soleil. Ah ! Boire un verre au « Palmier en Zinc » encadré de légionnaires ivres de bière ! Le juge Borrel en est mort de ce séjour au paradis, assassiné par des sbires que l’on suppose gouvernementaux mais qui n’ont pas encore été nommément étiquetés.
En réalité, ce qui règne ici c’est la corruption, l’arrangement sous la gentille et généreuse tutelle de la France, prête à avaler tous les serpents de mer pour conserver le droit de maintenir une force militaire sur la Corne de l’Afrique. L’excellent Jacques Chirac (toujours logé par Hariri à Paris avec deux flics jour et nuit sur son pas de porte) n’a jamais voulu tenir compte du poids des maux de Djibouti, préférant fermer les yeux sur l’assassinat de Borrel pour que survive là-bas notre Légion planétaire. Chirac donnant même des conseils avisés au bon président Ismaïl Omar Guelleh, afin qu’il navigue au mieux face aux attaques judiciaires de la veuve Borrel, seule et partie civile… C’est dire l’amitié qui unit les peuples de France et de Djibouti ! De béton. Et Djibouti est un pays au poil pour les arrangements entre amis : tout y est possible, il suffit d’être au pouvoir.
Ce principe de gouvernement, il semble que le citoyen Charles Boreh, un franco-djiboutien de 49 ans (et vaillant homme d’affaires), soit en train de l’expérimenter. Depuis neuf mois, « pour éviter les violences ordonnées par la première Dame du pays », Madame Kadra Mahamoud Haïd, Charles Boreh se planque à Paris. Se planque n’est pas un mot trop fort puisque, selon lui, même dans notre si douce capitale gardée par MAM, la vindicte djiboutienne continue de le poursuivre…
Avant le temps des menaces, la vie de Boreh était celle d’un « tycoon » heureux, entre mer et sables. Occupé à compter des millions de dollars comme l’épicier de Doraleh ses boîtes de sardines.
Le bonheur a quitté son pré quand, toujours selon notre entrepreneur, la « première dame » du pays a pris goût pour les affaires de l’homme d’affaires ; lui qui venait de convaincre la DUBAI DP WORLD d’investir plus d’un milliard dans l’économie de Djibouti.
Nous sommes à l’automne 2007 et, outre quelques pluies, Boreh commence à prendre les ennuis en rafales.
C’est le fisc qui, selon la technique du doigt mouillé, le taxe de 15 millions d’euros qui « ne correspondent à rien ». Boreh et sa société SOPRIM refusant « ce racket », c’est la Garde Républicaine (qui n’a de « Républicaine » que le nom) qui saisit son matériel implanté à Doraleh, le port des conteneurs. Dans la foulée, le patron de la SOPRIM est déboulonné de son poste de président de l’Autorité des ports et zones franches. Le 28 décembre 2008, à 10 heures, Jacques Lemay, un Canadien qui dirige la société de Boreh, est convoqué, « à la demande de la Première Dame de Djibouti », par le commandant de police Omar Hassan. Selon celui qui devient un vrai faux prévenu, la femme du président tient beaucoup à ce que sa boîte paye les fameux 15 millions d’euros d’impôts, ou du moins qu’elle fasse un très joli geste…
Mais l’obstiné Boreh, qui n’entend rien aux grandes causes nationales, refuse de casquer. Ce même soir du 28 décembre, il est à nouveau convoqué (comme son comptable Mashed Rehan), cette fois par la gendarmerie. Une garde à vue n’y fait rien, Boreh garde bourse serrée. Dans le même temps et par le même mouvement tournant, les chantiers de la SOPRIM sont encerclés par la Garde Républicaine (une idée à creuser pour Eric Woerth…). En février 2009, Charles étant en retrait à Paris, c’est Mahamoud, le frère du précédent qui est arrêté « et battu » pendant plus de 15 jours ; quant au fils de ce dernier il est retrouvé suicidé, façon juge Borrel.
En mars 2009, Jacques Lemay refuse de donner à la Garde Républicaine le matériel qu’elle exige afin d’achever des travaux entamés dans un immeuble ayant naguère appartenu à la « première dame ». Dans le même mois, Lemay partage son temps entre ombre et lumière pour finir devant un tribunal qui demande sa libération. Raison de plus pour le reconduire en taule et l’expulser du pays. En avril c’est Selvam Celestin, conseiller de Boreh et citoyen français, qui vit à Djibouti depuis son enfance, qui est conduit dans un avion expulseur par des officiers de la « Garde ».
L’enchainement de tous ces signes d’amitié « venu de la Première Dame de Djibouti », ont privé Charles Boreh du lourd sommeil qui était naguère le sien. Il a bien saisi que, de Borrel à Boreh, la différence n’est pas assez grande pour valoir assurance vie. Discret dans la capitale, il ne sort guère du beau quartier où il réside, pas loin de la Tour Eiffel, ne voulant pas « être retrouvé mort contre un talus ».
Son avocat, Jacques Vergès, qui vient de déposer une plainte devant le parquet de Paris, n’a pas encore sollicité pour son client la protection de Nicolas Sarkozy, pourtant si prompt à soutenir tout Français broyé ( ?) (disons égratigné) par un pouvoir ou une justice étrangère. Parions qu’il va le faire et conseiller au président de prendre conseil auprès de Jacques Chirac : il connait si bien les secrets de Djibouti…
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