En 1999, les limiers de la crim’ pondent un rapport sur la mort du juge Borrel. Conclusion des flics : suicide. Raté !
En onze ans d’enquête et dix juges d’instructions, l’affaire du juge Borrel, retrouvé mort à Djibouti, n’est toujours pas refermée. Les investigations ont vu défiler nombre de fins limiers, dont ceux de la brigade criminelle. Les flics ont, en 1999, pondu un savoureux rapport accréditant la thèse du suicide du juge Borrel à Djibouti. Aujourd’hui, l’enquête tend à démontrer l’assassinat. Mais les investigations sur la personnalité du magistrat méritent quelques citations…
Retrouvé mort, à moitié carbonisé dans un ravin de Djibouti, le juge Bernard Borrel est, depuis quelques temps, sûr de son sort : il a été assassiné. Longtemps pourtant, la thèse officielle a été celle d’un suicide. La faute à une autopsie réalisée à la va-vite, sur laquelle se base le rapport de la brigade criminelle de Paris, saisie de l’affaire depuis le début. Un médecin français basé à Djibouti, « non spécialiste en médecine légale » précise la note de 19 pages datée du 21 septembre 1999, s’en est chargé. Le légiste amateur confirme aux dires de la Crim’, « la brûlure des muqueuses des voies aériennes supérieures ». En clair, Bernard Borrel s’est bien aspergé d’essence et immolé. Le suicide est avéré, circulez il n’y a rien à voir…
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Très pro, les limiers ont néanmoins poussé au plus profond leurs investigations sur la psychologie du juge Bernard Borrel. Ainsi apprend-on que « Bernard Borrel, élevé par sa mère, semblait en effet avoir reçu une éducation très stricte ». Conséquence indue, « ce catholique pratiquant était décrit comme un homme rigide, introverti et peu enclin aux confidences ». Seul un certain Claude Sakpas Keller, « considéré comme un personnage ambigu, dont l’homosexualité est de notoriété publique », pouvait être considéré comme un ami « très proche ». Mais de là à accréditer la rumeur d’un scandale pédophile – « dans un pays où prostitution enfantine et pédophilie est monnaie courante » précisent les poulets - auquel « le juge aurait pu être impliqué », il y a un gouffre que les enquêteurs refusent de sauter. « A ce stade de nos investigations, aucun élément concret permettant d’imputer à Bernard Borrel des pratiques pédophiles n’a été recueilli tant en France qu’à l’étranger ». Un point pour eux. De toute façon, le juge n’avait pas besoin d’un scandale pour se suicider.
« Monsieur Pouech, psychiatre militaire et ami du couple, remarquait ces derniers temps, la détresse et la souffrance secrète du magistrat. A posteriori, ce praticien évoque un ensemble sémiologique cohérent évocateur d’un état mélancolique ». Un ensemble de facteurs qui serait « peut-être à l’origine du zona » dont a souffert Borrel…Charmant ! Les flics ne manquent pas non plus de sollicitude pour la veuve Borrel. « Il n’est pas exclu que Madame Borrel se sente une part de responsabilité dans la mort de son mari. Il semble que celui-ci ait essayé, en vain, de se confier à elle peut avant les faits ». Et les enquêteurs-gentlemen d’ajouter : « Bien compréhensible, son désarroi profond la rend désormais inaccessible et rétive à tout argumentaire contraire à la conviction qu’elle s’est forgée au fil du temps (ndr : l’assassinat de son mari) ».
Passées les « rumeurs relatives à la vie professionnelles » et les « rumeurs liées à un assassinat politique », les limiers se sont faits une religion. « Aucun des témoins n’a été en mesure de fournir le moindre élément tangible et vérifiable, ou un seul mobile de nature à accréditer la thèse de l’homicide. Seuls les inévitables ragots, proliférant au sein du microcosme djiboutien ont été avancés sans que rien ne vienne conforter ces allégations ». Aussi, « sauf à envisager l’existence d’un vaste complot politico-judiciaire », concluent les policiers au nez creux, « l’hypothèse de l’assassinat ne peut, à ce jour, être sérieusement retenue ». Bien vu…