Des dizaines de milliers d’armes alimentent le marché noir, à la grande satisfaction -entre autres- des sous-traitants du Pentagone et des mercenaires privés
En 2007, les commissaires au compte américains découvrent avec effroi l’ampleur du scandale. Le département de la Défense a égaré 190,000 armes destinées aux forces irakiennes entre 2004 et 2005, soit plus de 50% de l’équipement dont le coût total s’élève à environ trois milliards de dollars. Pour la Cour des comptes américaine, le registre des armes distribuées par le Pentagone a été grossièrement bâclé.
Nulle surprise, alors, si certaines armes ne sont jamais arrivées en Irak. Entre 2004 et 2005, le Pentagone a sous-traité, via une entreprise bulgare, le fret de 25 000 fusils de type AK-47 à une compagnie moldave, Aerocom, selon Amnesty International. Aerocom est soupçonnée de liens avec le célèbre trafiquant d’armes Victor Bout, et s’était déjà fait connaître en 2002 lorsqu’elle acheminait des armes au Liberia pendant la guerre civile. Si des avions Aerocom remplis d’armes ont décollé d’un aéroport en Bosnie, ils n’ont pas atterri en Irak selon les contrôleurs aériens.
Heureusement, des armes « made in USA » sont quand même arrivées en Irak. Interrogé par Bakchich, un ancien responsable américain de l’Autorité provisoire de la Coalition (CPA), confirme que des armes américaines étaient en vente sur le marché noir irakien. Il soutient que de nombreux policiers irakiens ont préféré vendre leurs armes, plutôt que les utiliser. « Un pistolet de la marque Glock vaut autant qu’une année de travail ici », résume-t-il « c’était naïf de notre part de leur en donner. »
Si les Irakiens cherchaient à vendre, c’est peut-être aussi parce qu’ils trouvaient des acheteurs. Dès leur arrivée en Irak, les sous-traitants militaires américains se sont tournés vers le marché noir, affirme le responsable de la CPA. « Les entreprises y étaient obligées, » confie-t-il, « la demande augmentait et les entrepreneurs irakiens y répondaient. Les sous-traitants américains se fournissaient là où ils pouvaient. »
Obligés de se fournir illégalement, parce que l’office américain chargé d’autoriser les exportations d’armes, soutient-il, ne suivait pas la cadence du déploiement des mercenaires en Irak.
« Les armes ont afflué vers les marchés de Mossoul et Bagdad », se rappelle l’officiel américain, des armes qui sortaient, selon lui, de réserves du régime de Saddam. L’offre était telle « que fin 2004, début 2005, on pouvait acheter un AK-47 pour seulement 75 dollars américains. »
Le sous-traitant militaire Triple Canopy, choisi par l’administration Obama pour protéger ses pions en Irak, est le dernier en date à être accusé de trafic.
Dans une enquête gouvernementale, plusieurs anciens employés de Triple Canopy ont affirmé que leurs supérieurs achetaient des armes sur le marché noir irakien.
« L’entreprise s’est fourni auprès des vendeurs d’armes irakiens, dans la rue », confie un ex-employé de Triple Canopy, selon des documents officiels publiés par le média Propublica. L’employé se demandait si « les recettes de ces ventes finançaient l’insurrection ».
Dans un entretien avec Bakchich, un ancien employé philippin affirme s’être battu contre des insurgés avec des armes de l’ex-URSS achetées « localement ».
Plus incisif, un ancien cadre accuse Triple Canopy d’avoir financé l’insurrection en Irak. « Nous dépensons beaucoup d’argent pour obtenir des armes, des millions de dollars - où pensez-vous que cet argent va ? » demande Ronald Boline, dans une déposition filmée en Juin 2007. “Qui soutenons-nous en faisant ça ? La conclusion logique, c’est que nous soutenons les personnes qui veulent tuer des Américains. »
Aujourd’hui, l’affaire de armes égarées en Irak semble bel et bien enterrée. La Cour des Comptes se contente de dire que le Pentagone a amélioré son registre d’armes depuis 2007. Le département de Défense n’a pas répondu à nos questions sur les armes égarées en Irak, malgré plusieurs relances. En avril 2009, le parquet de l’Etat de New York a examiné l’enquête gouvernementale sur les achats d’armes de Triple Canopy, mais n’a pas souhaité engager de poursuites judiciaires.
Indispensables aux forces américaines, les sous-traitants militaires assurent la défense de sites, de convois et de diplomates américains, et l’approvisionnement de troupes. Fin 2009, 13 000 soldats privés travaillaient en Irak pour le compte du Pentagone.
L’empreinte de Triple Canopy, entreprise fondée en 2003 à Chicago, ville d’adoption de Barack Obama, n’a fait qu’augmenter en Irak. En mars 2009, l’entreprise a délogé son rival Blackwater en remportant un contrat de presque un milliard de dollars pour protéger les responsables américains en Irak.
Dirigé par des vétérans des forces spéciales américaines, Triple Canopy a employé le même recruteur chilien que Blackwater, Jose Pizarra, un ardent supporter de Pinochet. Cet ancien officier affirme leur avoir fourni 400 militaires chiliens.
Plus discret que Blackwater, Triple Canopy traine aussi plusieurs affaires de licenciements d’employés trop bavards, dont deux employés qui ont déclaré qu’un collègue avait tiré sur des civils, et un autre qui s’était montré trop coopératif avec des inspecteurs américains.
A lire sur Bakchich.info :
La France est le quatrième vendeur d’armes derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie avec 70 milliards d’euros d’exportations.
Quels sont les chiffres de l’évaporation française d’armes de petits et gros calibres ? Sommes nous assez naïfs pour croire que les boîtes chargées des transferts sont légions et différentes de celles des américains ?
On trouve bien des missiles milans français ou des Famas chez les talibans contre nos propres troupes ! Toutes ces armes sont elles vraiment des armes perdues lors des combats ?
De plus quelle usine nucléaire française fabrique nos munitions (obus antichars, calibre moyen etc…) en uranium appauvri ? La centrale de Kiev !
Vite qu’on nous donne un balai pour nettoyer devant notre porte !
Pour 2009 la demande des USA a été effectuée en septembre 2008 à un " ami " basé en Russie que je connais très très bien. Montant du contrat produits russses 800 millions de US $. Cet " ami " a refusé de discuter & de livrer !!!!
En 2009 achats & livraisons par les USA des produits de l’est 600 millions de $…
USA motifs il faut aider nos amis….
En Irak et en Afghanistan, les terroristes achètent des milliers d’armes au marché noir…. ! Dire, que quand je faisais mon service militaire, y’avait intérêt à ce que toutes les armes utilisées soient rendues à l’armurerie…. Faut savoir,qu’il y a 30 ans, il n’y avait pas de mercenaires, de sous-traitants même si le traffic pouvait exister mais pas à aussi grande échelle que maintenant. Les Talibans sont bien armés et le terrorisme n’est pas près de disparaître avec toutes ces armes qui se retrouvent au marché noir…
Le dessin de Khalid résume bien la situation actuelle… !!
Dire que les mercenaires n’existaient pas il y à 30 ans est inexact. Déjà en 1965, Bob Denard sévissait avec son bataillon de gendarmes Katangais, d’anciens du REP et de divers autres régiments de parachutistes. Les conflits étaient locaux et il est vrai qu’à l’heure actuelle, avec l’arrivée de mercenaires des pays de l’Est, de l’ex-union soviétique et des USA, le problème a pris une dimension planétaire.
Tous les états (même la France) font appel à eux pour des services pas très "normaux".
Normalement en cas de capture, l’article 5 de la quatrième convention de Genève les considère comme des criminels. Seulement le hic, c’est que les USA malgré leurs propres abus en matière d’emprisonnement arbitraire (Guantanamo…), refusent que d’autres pays incarcèrent des citoyens américains, fussent-ils des criminels et à plus forte raison des mercenaires qui ont pignon sur rue dans des boites privées américaines.