Le Mossad est à la mode. Des tee-shirts à l’effigie des services secrets israéliens se vendent comme des petits pains. Un étonnant engouement qui a pris son essor après le dernier fiasco des 007 hébreux à Dubaï.
Gail, Kevin et Peter font leurs courses. Lunettes noires, perruques et raquettes de tennis, ils sont suivis à la trace par des caméras de surveillance. Le film s’arrête là avec un slogan choc : « Nous avons des prix qui tuent ». Cette publicité israélienne s’inspire directement de l’assassinat, le 19 janvier, du leader du Hamas, Mahmoud al-Mabhouh, par le Mossad, à Dubaï.
Ce jour-là, le responsable du Hamas est suivi par des agents du Mossad, depuis l’aéroport jusqu’à son hôtel. Dans le hall, deux autres comparses, raquettes de tennis à la main, le filent et repèrent sa chambre. L’instant d’après, un homme réserve celle d’en face. Al-Mabhouh s’absente une heure. Quand il revient, les agents sont dans sa chambre. On connaît la suite. L’opération eut été un franc succès s’il n’y avait eu toutes ces caméras de surveillance qui, de l’aéroport à l’hôtel en passant par les centres commerciaux, ont permis aux autorités de Dubaï de reconstituer dans son intégralité le parcours de ces espions israéliens pas si secrets. Un fiasco.
Aujourd’hui, les 007 hébreux – ou du moins leurs doubles – font la promo d’une chaîne de supermarchés. Si la discrétion n’a pas été leur fort à Dubaï, l’exploitation commerciale de leur image par quelques opportunistes s’avère très profitable : l’intello aux affreuses lunettes écaille et la Sue Ellen perruquée font des heureux. Isaac Dvory en sait quelque chose. Le jeune directeur d’Israel-T, qui s’est lancé dans le tee-shirt Mossadmaniaque, se réjouit : « Le jour de la diffusion de la vidéo de l’hôtel, j’ai vendu une centaine de tee-shirts en quelques heures. Avant, j’en écoulais à peine un par jour. » Avec ses slogans imprimés comme « Ne touche pas au Mossad », « Le Mossad te regarde » ou encore « Vacances d’hiver direction Dubaï », Dvory fait recette.
L’action Mossad repart donc résolument à la hausse. Une aubaine après le crack de 1997 : cette année-là, déjà, deux agents s’étaient fait prendre après avoir injecté un poison violent dans l’oreille du numéro 1 du Hamas, Khaled Mishal. Humilié, Israël avait livré l’antidote pour sauver leurs têtes. A cette époque, les tee-shirts étaient restés à la réserve. Cette fois-ci, la cible est morte, les 007 sont au vert, alors place au comique-business. Et le Dubaïgate constitue un fantastique réservoir. Début mars, pour les fêtes déguisées de Pourim, le Mardi gras juif, l’agent du Mossad avait remplacé Superman. Polos et raquettes de tennis ont également envahi le petit écran et les plateaux de l’émission hebdomadaire satirique "Eretz Nehederet".
De là à parler de « délire » commercial comme l’explique la presse anglo-saxonne, il y a un pas. On aperçoit bien quelques étiquettes « J’étais moi aussi à Dubaï » collées sur les vitres des voitures israéliennes, mais les magasins, y compris les plus kitch, ne se sont pas transformés en vitrines du Mossad. Même dans la rue Ben-Yehouda, l’une des plus débridées de Jérusalem.
Isaac Dvory l’avoue : sans les fans du Mossad à Brooklyn, Paris ou Londres, il aurait déjà mis la clé sous la porte. 80 % de ses teeshirts partent à l’étranger : « L’Israélien a davantage les pieds sur terre. Il sait que l’agent de l’ombre est aussi un gratte-papier. Loin de la folie 007 ». Alors, finalement, afficher sa mossadomanie sur un tee-shirt ou une casquette, « c’est archi-plouc. Autant dire qu’on est touriste », conclut William, étudiant à l’université hébraïque de Jérusalem.