Yazid Sabeg, nommé fin décembre Haut-Commissaire à la Diversité, installe ce lundi un comité de réflexion pour se pencher sur les moyens de mettre en place les mesures sur la diversité.
Avec quelques jours de retard pour cause d’embouteillage dans l’agenda présidentiel, Yazid Sabeg devrait remettre prochainement ses propositions à Sarkozy, sur la diversité et l’égalité des chances. Au centre du rapport : la lutte contre les discriminations en France et la mise en place d’un outil d’évaluation de la diversité. Plutôt que sur le patronyme ou l’origine, celui-ci se fonderait sur le sentiment d’appartenance à une communauté. À droite comme à gauche, les critiques ne cessent de pleuvoir. Au gouvernement aussi.
A côté de l’approche de Yazid Sabeg, cohabite celle de Fadela Amara. La secrétaire d’État en charge de la Politique de la ville, opposée à toutes « statistiques ethniques », est favorable à une action concentrée sur les banlieues et quartiers populaires. Et la secrétaire d’État n’a pas mâché ses mots pour dire tout le mal qu’elle pensait de la vision de son « collègue » : « la discrimination positive, les quotas sont une caricature. Notre République ne doit pas devenir une mosaïque de communautés. Plus personne ne doit porter l’étoile jaune ». Le sang de Sabeg n’a fait qu’un tour : « Je n’ai jamais parlé ni de fichage, ni de recensement ni proposé d’étoile jaune. Tout se fera sur une base anonyme et volontaire ». Ambiance. Et cette question : quelle réalité va être reflétée si tout est fondé sur le volontariat ?
Reste à Nicolas Sarkozy de trancher. Le 17 décembre dernier, lors d’un discours prononcé à l’École polytechnique, le Président avait annoncé sa volonté de « construire une République réelle » en « corrigeant les inégalités » grâce à une présence de toutes les minorités au sein des élites. Mission était donnée, ce jour-là à Yazid Sabeg nommé alors Haut-Commissaire à la Diversité et à l’Égalité des chances de relever le « défi du métissage », de « doter » la France « d’outils statistiques pour mesurer sa diversité » et pour « identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès ». Une déclaration qui semblait aller dans le sens de Sabeg. Mais le retard dans la remise du rapport au Président n’est pas de bon augure. Surtout quand samedi 21 mars, avait lieu la journée de lutte contre les discriminations !
Sabeg-Amara, même combat ? Les deux membres du gouvernement, qui se connaissent depuis longtemps, ont un tempérament bien trempé et deux cercles d’influence assez proches. Fadela Amara, très soutenue par François Fillon a toute l’affection de son ministre de tutelle, Brice Hortefeux, un Auvergnat comme elle. Selon un ministre, « Hortefeux l’aime beaucoup, donc il ne laissera pas les choses se faire comme ça contre elle ! Elle a avec Hortefeux, un beau filet de sécurité ! ». Toujours bon avec Sarko !
Et le Premier ministre, François Fillon, n’a jamais caché en privé qu’il ne souhaitait pas l’arrivée de Sabeg. Juste qu’au dernier moment, le poste du Haut-Commissaire à la Diversité devait d’ailleurs revenir à un Malek Boutih, membre du PS et ex-président de SOS-Racisme. « Il nous a dit non 5 minutes à l’avance », confie agacé un proche de Sarkozy. Le profil de Sabeg a alors fait la différence dans le reste des candidatures.
Très investi sur le terrain, profond défenseur de la discrimination positive, le chef d’entreprise s’est notamment fait remarquer par deux livres La Discrimination positive. Pourquoi la France ne peut y échapper ? et La Diversité dans l’entreprise, comment la réaliser ?. En novembre dernier, Sabeg a aussi lancé un « Manifeste pour l’égalité réelle », dans lequel il appelle à « systématiser les politiques volontaristes de réussite éducative et la promotion des talents dans les quartiers populaires ». Et cerise sur le gâteau, Sabeg s’est construit un beau carnet d’adresses avec un ami très proche au sein du gouvernement : Jean-Louis Borloo. Aujourd’hui, son interlocuteur privilégié à l’Élysée n’est autre que Claude Guéant… le bras droit de Sarkozy. Amara – Sabeg : 1 partout pour les réseaux !
Ce lundi, à défaut de remettre son rapport, le Haut-Commissaire installera la commission, présidée par le démographe François Héran, en vue d’élaborer des propositions pour « mesurer la diversité et les discriminations » en France. Sabeg, parviendra-t-il à se faire entendre ? « Il commence à comprendre que ce ne sera pas forcément facile », raconte un proche du Président. Selon Malek Boutih, « la grande difficulté de Sabeg, ce sera avec la majorité du Président de la République qui contrairement à Sarkozy n’a pas encore évolué sur ce sujet ». Avant d’ajouter : « Sabeg aura 0% de chance d’arriver à installer des statistiques ethniques, vu l’état de l’opinion sur le sujet ». Selon sondage CSA-UEJF-SOS Racisme publié dans Le Parisien, une majorité de Français (55 %) ne jugent « pas efficace » la mise en place de statistiques ethniques pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme ou les discriminations.
Paradoxalement, l’intéressé pourrait bénéficier du manque de visibilité de sa principale concurrente au gouvernement, Fadela Amera. « Elle est en train de se planter sans clash et perd la confiance de l’Élysée du fait d’une absence de résultat », raconte un ministre. « La nature a horreur du vide. Donc ça se recentre sur Sabeg », souffle un autre. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. À la décharge d’Amara, le millefeuille institutionnel pour la politique de la ville ne facilite pas son action. Entre les ZUS (zones urbaines sensibles), les ZFU (Zones franches urbaines), les ZEP (Zones d’éducation prioritaire), les zones de développement Anru (Agence nationale de rénovation urbaine) et les Cucs (Contrats urbains de cohésion sociale), même les meilleurs volontés ont de quoi être découragées !
« L’erreur est originelle », explique Boutih, « Fadela Amara veut faire une politique urbaine partialisée, avec d’un côté les quartiers, de l’autre le reste de la ville. Mais cette conception de la politique publique vise à enfermer la banlieue dans la banlieue ». Boutih poursuit : « Au contraire, l’enjeu aujourd’hui est de reconstruire le modèle urbain. Il aurait donc été intelligent qu’elle soit associée aux réflexions de la commission Balladur sur la réforme des collectivités territoriales ».
D’où un sentiment de faux-départ pour Amara comme pour Sabeg. Et un impératif d’associer la banlieue dans le reste des politiques pour mieux promouvoir la diversité… Un cercle vicieux. « Sarkozy adore mettre les gens en concurrence avec cette devise “que le meilleur gagne” », confie un ministre.
Là, le chef de l’État est servi.
À lire ou relire sur Bakchich.info :
La diversité c’est la suite logique de la mondialisation ; tout le monde sous les mêmes lois, une perte totale d’identification,
L’égalité des chances au détriment de qui ?
Pour combattre le racisme il faut en supprimer les causes.
Le métissage n’est pas une situation rêvée ; c’est toujours difficile à vivre entre deux cultures différentes, perte d’identification
Notre République va devenir une mosaïque de communautés, comme aux USA
Si la France se dote d’un outil statistique pour mesurer sa diversité, ce qui veut dire un fichier de plus, et pour en faire quoi ?
Des quotas dans les médias… ça changerait tout !
À la télé bien sûr mais aussi à la radio…
Prenez France-Cul’ ou France-Cult’ (alias France Culture)… Des quotas de présentateurs et aussi des quotas d’invités… Finie la "pensée unique" !
C’est pourquoi "c’est pas demain la veille" des quotas dans les médias, n’est-ce pas ?