José Bové était l’invité de Bakchat ce mercredi 29 avril. Tête de liste aux élections européennes, dans le Sud-Ouest, au nom du rassemblement Europe Ecologie, Bové répond aux questions des internautes.
Bakchich : Bonjour à toutes et à tous, nous avons le plaisir d’accueillir José Bové, co-fondateur de la Confédération paysanne, et tête de liste dans le Sud-Ouest pour le rassemblement Europe Écologie en vue des prochaines élections européennes.
José Bové : Bonjour à toutes et à tous !
Hulk : Vous trouvez pas que votre attelage avec Cohn-Bendit sonne faux ? Vous arrivez vraiment à vous entendre ??
José Bové : Nous avons construit cette association depuis presqu’un an maintenant. Nous sommes face à des crises : crise alimentaire, puis crise écologique, avec comme point central la question du climat. Puis, désormais, une crise économique. Il fallait répondre à ces crises. Et nous avons regardé nos combats et nos attitudes sur l’Europe. J’ai défendu le Non au référendum. Danny le Oui. Ce qui est sorti de l’analyse, c’est que notre position était liée à la question économique. Notre refus était un refus du modèle économique libérale comme le laissait entendre la constitution. Le « Oui » de Cohn-Bendit était lié au fait que cette constitution était une avancée, notamment dans sa première partie. Aujourd’hui, nous regardons vers l’avenir. La question c’est de bâtir l’Europe de demain sur les services publics, etc. Nous faisons une proposition de mise en place d’assemblée constituante pour redonner le pouvoir aux citoyens, avec par exemple, le pouvoir de mettre en place des lois pour le Parlement européen.
Isatis : Ça fait pas un peu mal quelque part, tu vois où, de s’allier avec des oui-ouistes sans perspectives après avoir tant bossé pour virer le TCE ?
José Bové : En 2005, il y avait une question. La réponse a été Non. On essaie de nous proposer un traité simplifié (ce qui est faux d’ailleurs). Le congrès s’est réuni sans consulter les citoyens. L’Irlande doit retourner aux urnes. Le 7 juin prochain, au parlement, nous aurons le traité de Nice. Est-ce que le traité de Lisbonne sera déjà en route ? Nous n’en savons rien. Il faut apporter des réponses aux urgences, comme par exemple le réchauffement climatique.
Zibert : Salut José. Pourquoi ne pas avoir préféré surfer sur le succès du NON au Traité Constitutionnel (et rejoindre, par exemple, le Front de Gauche, en te repositionnant ainsi comme aux Présidentielles) ?
José Bové : J’ai participé au débat avec Mélenchon. C’est la critique très claire du traité de Lisbonne du côté du front de gauche. Mais il n’y a pas de construction d’une alternative. Nous, nous proposons une alternative, des réformes, ce sont des choses très concrètes. Je suis radical dans ma vision et pragmatique dans ma pratique. Il y a une grande responsabilité du gouvernement français. La droite reporte sur Bruxelles les décisions. Exemple : le vin rosé. On dit que c’est la faute de Bruxelles. Or, la décision a été prise par le conseil des ministres de l’agriculture. Et les décisions ne peuvent être prises qu’à l’unanimité. Barnier a donc voté pour à Bruxelles. En France, on se sert de l’Europe comme bouc émissaire. La Commission n’a pas de réalité démocratique, chaque pays nomme son commissaire. C’est une instance complètement autonome, sans légitimité diplomatique et qui fait la politique des ministres. Selon moi, nous avons actuellement une Commission ultra-libérale.
Samuel P. : Quel est votre objectif aux européennes en terme de sièges au Parlement ?
José Bové : Nous avons des gens issus des Verts, de mouvements associatifs, syndicaux, etc. On se bat pour avoir le maximum d’élus le 7 juin au soir. Le 8 on verra ce que l’on fait. Mais, à mon avis, c’est une bonne dynamique, gagnante ! Nous allons essayer de faire plus de 10%. Au moins un élu par région et pourquoi pas deux dans un maximum de circonscriptions. Eva Joly en Ile-de-France par exemple.
Tim : Craignez-vous une forte abstention aux européennes ?
José Bové : Il n’y a pas de pédagogie. C’est lamentable. À cinq semaines du scrutin, le PS et l’UMP retardent encore le lancement de la campagne. Ils vont être gênés dans cette campagne. 95% des lois votées en France viennent des directives européennes. C’est donc un lieu stratégique ! La directive Télécom risque par exemple de rendre impossible la loi Hadopi. Voilà des choses concrètes pour lesquelles on doit se mobiliser.
BuZ4rD : Ne craignez-vous pas que le soufflet retombe lourdement une fois l’élection passée et, le cas échéant, peut-on encore compter sur vous pour tenir et faire tenir les engagements passés (j’ai noté : lutte contre le capitalisme outrancier, paradis fiscaux, patrons voyous, dumping, récessions sociales…) ?
BABETTE : Bonjour monsieur Bové, votre association avec Danny a t-elle un avenir plus lointain que les Européennes ? Je pense aux régionales ;-). Merci.
José Bové : Voilà 30 ans que je suis engagé, d’abord comme syndicaliste. Je n’ai pas l’habitude d’abandonner un combat en cours de route. Par exemple, la bataille contre les OGM. Je m’engage dans cette campagne sur des objectifs précis. Avec Danny, nous ne sommes pas candidats uniquement pour faire un score mais pour mener cette bataille.
Jean : Vous qui vous vous déclarez libertaire, expliquez nous à quoi servent les députés européens ?
José Bové : Il existe des chaînes de TV pour l’Assemblée nationale. En revanche, rien en provenance de Bruxelles. Il y a 3 institutions, un commissaire par pays pour la Commission. Ils sont donc 27. Il y a les conseils des ministres aussi. Et le Parlement. Il y aura 70 sujets bientôt de co-décision avec le Traité de Lisbonne. Sauf la politique étrangère, le social ou la fiscalité. Le parlement ne peut donc discuter que des dépenses.
Marx : Comment réformer la PAC ?
José Bové : La première question que pose la PAC, c’est qu’aujourd’hui elle a failli. Elle a éliminé des paysans. Nous sommes sur une logique de concentration. Deuxième conséquence, nous sommes dans une logique de production industrielle. Troisième chose, cela entraîne des dégâts environnementaux. Il faut maintenant envisager une révision totale basée sur la souveraineté alimentaire, recréer des emplois paysans, développer l’agriculture de proximité, et apporter un soutien à la reconversion vers une agriculture écologiquement responsable et qui tend vers le bio. 80% des aides vont à moins de 20% des agriculteurs. Il faut de la transparence là-dessus. Enfin, quatrième point, cette politique agricole nouvelle ne doit pas avoir de concurrence sur les matières premières avec les pays du sud. Il ne faut pas détruire les agricultures vivrières des pays du sud.
Bison-Heureux : Bonjour José, sera-t-il possible de revenir sur l’accord (le diktat) qui impose à l’union européenne de limiter sa production de protéines végétales ? Ce qui nous oblige à importer du soja (transgénique).
José Bové : Ce sont les accords de Blair House. Nous importons aujourd’hui 85% des protéines végétales alors que l’on pourrait produire moins de céréales et produire des protéines végétales.
Margotte : Etes-vous solidaire des salariés menacés de mise au chômage forcé et qui séquestrent leur patron ou cadres dirigeants au sein même de l’entreprise qu’ils veulent fermer ?
José Bové : Je me suis rendu à Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques. Il n’y a pas eu d’actions vis-à-vis des cadres. Ce que je constate, c’est que les actions spectaculaires débouchent sur une amélioration des revendications des salariés. Cela pose un problème de fonds. Cela veut dire qu’il y a un refus de construire un dialogue social en amont. Que la seule solution, dans le cadre du désarroi, c’est de mener des actions spectaculaires. C’est une situation peu tenable. Nous proposons de mettre en place rapidement un Bruxelles de l’emploi pour gérer ces problèmes au niveau européen. Nous voulons un droit véto sur ces questions de délocalisation. Il faut une égalité de rapport salariés / actionnaires. De plus, aujourd’hui, toutes les entreprises sont de taille européenne. On ne peut pas régler le problème, entreprise par entreprise, localement, mais dans une refonte européenne globale.
Happy émile : As-tu totalement abandonné tes actions sur le terrain ?? Plus de vandalisation de McDo, de fauchage de blé… C’est pourtant ce qui a forgé ta crédibilité auprès de beaucoup de gens… N’as-tu pas peur de passer pour un « mou » ?
José Bové : Les actions n’ont de sens que si elles répondent à un besoin ou à une urgence. Le recours à ces actions ne peut se faire que quand tous les moyens ont été utilisés. Il faut une cohérence. Nous avons obtenu un moratoire pour ce qui concerne les OGM. Il n’y a plus de raisons de faucher aujourd’hui. Ces actions de désobéissance civique ne sont plus nécessaires actuellement.
Laurent : Dans un cas comme celui de la grippe porcine, quelle doit être la politique de l’Europe ?
José Bové : Avec cette grippe, c’est un nouveau virus, différent de celui de la grippe aviaire. On a une contamination non plus de l’animal vers l’homme, mais dans le cadre de la grippe mexicaine ou porcine, d’humain à humain. Nous avons aujourd’hui un risque de pandémie. On ne sait pas comment cela va évoluer. Il faut comprendre la cause, comment ce virus a t-il pu muter pour se transmettre à l’homme. Quelle est la raison ? L’alimentation ? L’élevage ? On ne sait pas. Il faut une action de solidarité pour les Mexicains puissent avoir massivement accès aux produits médicaux. Le travail des scientifiques doit être transversal. Enfin, à l’intérieur de chaque pays, comme on construit sa défense par rapport à une éventuelle pandémie. Et là, les hôpitaux auront un rôle majeur à jouer. Mais un tel plan pour faire face à une pandémie nécessite du personnel. Il faut donc du personnel. Il faut donc vraiment organiser la solidarité. Voilà le mot d’ordre ! Une solidarité partout, y compris à l’intérieur des pays.
Louis Régo : Bonjour José, pourquoi le marché du fast-food est à dominante américaine ? Pourquoi ne pas mettre en place des services rapides de restauration avec de la nourriture saine et naturelle ? Merci d’avance de ta réponse.
José Bové : La spécificité de la restauration rapide américaine, c’est évidemment l’industrialisation. Ils jouent sur la masse de produits pour arriver à un coût modéré. Si on regarde les autres cultures mondiales, il existe d’autres systèmes de restauration rapide traditionnelle, comme le kebab (dans les pays moyen-orientaux) ou la pizza en Italie ou encore les tapas en Espagne. Il n’y a pas de modèle à inventer. Mais la question, c’est : accepte-t-on le poids d’un standard d’alimentation et de mode de vie ? Je pense que ce modèle va en prendre un coup derrière les oreilles. De plus, la viande ne sera pas au centre de l’alimentation de demain.
dd : Tu vas à la manif vendredi ? Quand est ce qu’il y aura un véritable mouvement de fond pour contrer la politique économique et sociale de Sarkozy ? Comment passer de la contestation au changement
ULTRAOGM : Vous serez où le 1er Mai ? Dans la rue avec nous ?
José Bové : Je serai le 1er mai à Montpellier. Je suis cohérent, puisque j’habite à une heure de cette ville. C’est une date internationale, symbole de la résistance des travailleurs dans le monde. Née d’une contestation à Chicago d’ailleurs, il faut le rappeler. Ce sera une manifestation importante et symbolique sur la transversalité de ses revendications. Quelles suites ? Je ne suis pas devin. Chaque chose se construit avec sa propre dynamique. Est-ce qu’il y a une véritable volonté de proposer une alternative ? On verra.
Bakchich : Merci José Bové. Le mot de la fin ?
José Bové : Pour moi, la première alternative, c’est d’aller voter le 7 juin ! Merci à toutes et à tous.
Pour retrouver les précédents Bakchat :
Le bourbier européen
L’Europe gagne à pourrir la vie du plus grand nombre.
De cette Europe du fric, des banquiers, des ânes, de la pègre, de la mafia, des curés fascistes, on n’en veut pas !
Dès l’instant où l’on a parlé de construire l’Europe, on pouvait observer que les plus acharnés à « construire l’Europe » étaient les plus incompétents en tous domaines. On aurait dû se méfier.
ÉCHO-EUROPE (L’EURO-INJUSTICE) Anéantir toute forme de responsabilité que le pouvoir ne peut contrôler.
Le Grand Guignol politique http://n-importelequelqu-onenfinisse.hautetfort.com/
L’euro « justice » http://echofrance36.wordpress.com/2008/10/22/leuro-justice-un-immense-neant-dans-une-coquille-dillusion/
José tu n’as pas l’impression que danny te prends pour un rêveur quand il écrit dans son dictionnaire de l’euro :
"« Chacun demeure libre de rêver d’un monde sans marchés financiers internationaux, sans libéralisation des échanges, sans globalisation de l’économie. Mais que gagnerait l’Europe, et chacun de ses peuples, à s’inscrire dans cette nostalgie ? »
Je ne comprends pas que tu te sois fourvoyé à ce point
Il a bien noyé les poissons ou il n’a pas lu les quesions ! Je penche pour le premier postulat.
Ce type ne cherche qu’une place où se montrer aux caméras en se faisant très bien rémunérer : bah, un traitre de plus……. on n’est plus à ça près !
Je ne comprenais pas avant où il voulait en venir, mais là il remonte dans mon estime. Au delà de la contestation, il propose une alternative au système de surproduction de bien de déchets qui amène à la ruine de nos santés, de la planète et concentre la richesse sur une infime proportion des individus.
Aujourd’hui la gauche ne remet pas en question le système, elle veut seulement une meilleure répartition. Elle n’a pas le courage de dire au citoyen abruti, que le bonheur ce n’est pas consommer au maximum.
Bravo, j’avais peur de ne plus voter
Tu vas un peu vite en besogne mon grand ! Il est claire que la nouvelle position de José est à analyser mais il faut aussi prendre un compte 30 ans de militantisme acharné et un mec qui a fait de la taule pour ses idées.
Et puis tu parles d’un traitre. Mais pour quel motif ? Le pouvoir ? Cela parait peu probable car si nous prenons l’exemple de 2007 il s’est présenter, après une longue hésitation, c’est pour palier à un manque d’alternative politique.
Cette alliance est focalisée sur des points biens précis tout à fait louables, tel que le climat ou le social, qui méritent des actions urgentes. Soyons claire, il n’est pas non plus question de faire alliance avec le borgne ou autre parti de déséquilibrés, mais il s’agit de faire une entente avec le moins pire pour répondre à une situation d’urgence.