La guerre continue au tribunal de Nîmes entre le président Pierangeli et son vice-président, qui a déposé contre lui deux plaintes pénales. Sous le regard inquiet du Ministère et du CSM. Gard aux retombées !
Toute empêtrée dans ses réformes de la garde-à-vue, de la procédure pénale et du système pénitentiaire, Madame la garde des sceaux Michèle Alliot-Marie n’a guère de temps pour ramener le calme dans sa maison. En particulier à Nîmes, où le tribunal prend des airs de cour de récré…
Le rugueux hiver gardois n’a pas radouci l’atmosphère au tribunal de grande instance de la ville. La guerre de tranchées entre le président Pierangeli et son vice-Président, Jourdan, déclenchée en 2007 par l’affaire Borloo (voir encadré), a redoublé d’intensité ces derniers mois. Deux dossiers au pénal, entre magistrats de bon aloi. Une jolie première !
L’origine de la bisbille Pierangeli-Jourdan, est directement liée à la vie privée d’un ministre d’Etat bien connu à Valenciennes. Début 2007, arrive devant la justice nîmoise un cas délicat, en chambre de la famille : une demande de pension à l’encontre de Jean-Louis Borloo. Devant présider l’audience, Mme Vauzelle, magistrate et par ailleurs épouse du patron socialiste de la région Paca, Michel Vauzelle, préfère s’écarter. Et refiler le bébé, au grand dam de Pierangeli. Pis, Borloo doit bourse délier et verser une pension, et Jourdan soutient sa collègue dans sa démarche, tançant même son supérieur pour son attitude peu confraternelle avec dame Paca. Soutien professionnel, faute politique…
Avant d’être nommé à Nîmes, Pierangeli a officié à Valenciennes, où un solide lien l’a uni à l’ami Jean-Louis. Et quand il s’agit d’accointances, le président du TGI de Nîmes ne barguigne pas. Des années durant, il a présidé le tribunal de Papeete en Polynésie, créant un véritable cordon de cécité autour de la gestion des atolls par Gaston Flosse, le grand pote de Jacques Chirac, désormais promis à la cabane… Un peu de piment politique dans un différent juridique.
Après une première plainte du bon M. Jourdan pour harcèlement moral et outrage à magistrat le 23 novembre dernier contre son supérieur hiérarchique, une deuxième a atterri le 9 février sur le bureau du procureur local Robert Gelli. Dénonciation calomnieuse cette fois !
Et la distribution des rôles n’a pas changé. Victime Jourdan, bourreau Pierangeli. En cause notamment une lettre du président du TGI de Nîmes du 4 mars 2007. Deux pages dans lesquelles Jourdan déguste un monceau de reproche et un comportement qui « constitue un exemple de parfaite déloyauté ». Avec copie au Premier président de la Cour d’appel, Jean-Pierre Goudon… Il est des relations de travail plus saines.
D’autant qu’une autre missive, au ton tout aussi péremptoire, s’est retrouvée sur le bureau du ministère, signée du président de la cour d’appel de Nîmes, Jean-Pierre Goudon et du procureur général Jacques Fayen, deux proches du président Pierangeli. « Les difficultés rencontrées au sein du tribunal de Grande instance trouvent, sinon leur source, du moins un terrain favorable, dans l’attitude de M. Jourdan », décrivent ces solidaires collègues d’hermine le 3 juillet 2008.
Même les si prudents services de l’inspection judiciaire apportent de l’eau au moulin de la dénonciation calomnieuse. Daté de septembre 2009, le rapport sur les relations entre M. Jourdan et Pierangeli s’étonnent des méthodes et comportements de ce dernier, « adoptés en méconnaissance du sens des responsabilités et des devoirs de son état, constituant de surcroît, des atteintes à la délicatesse et un abus de ses fonctions ». Qu’en termes choisis, ces choses là soient dites.
En lieu d’atteinte à la délicatesse et autres abus de fonctions, est notamment pointée une douteuse manœuvre de Pierangeli. La convocation le 19 mai 2008 d’un expert judiciaire, inscrit sur la liste de la cour d’appel, afin qu’il lui communique un rapport d’expertise privé sur M. Jourdan. Rapport que Pierangeli s’empressera de transmettre au Conseil supérieur de la magistrature. Une initiative "de nature à jeter le discrédit sur le premier vice président Jourdan", indique les inspecteurs. Classieux.
Un peu hagard sur l’histoire, le ministère, joint par Bakchich, a gentiment botté en touche en renvoyant les parties devant le Conseil supérieur de la magistrature, lequel en février, a renvoyé l’affaire sine die. Tant pis pour le lavage de robe sale en famille, les magistrats s’expliqueront au tribunal.
Prochaine étape, le 2 mars. M. Jourdan est convoqué par le procureur d’Avignon pour être entendu dans le cadre de sa plainte pour harcèlement moral contre Pierangeli. Or le proc d’Avignon est directement subordonné au procureur général de Nîmes, Jacques Fayen, l’ami de Pierangeli…
Une proximité qui laisse augurer d’un prochain dépaysement de l’affaire vers un autre tribunal pour départager ce crêpage d’hermine. La patate nîmoise n’a pas fini de chauffer le monde judiciaire…
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