D’ordinaire bavards, Vinci et sa filiale Cofiroute sont restés discrets sur l’inauguration du tunnel de l’A86, qui passe sous Versailles. C’est que ce contrat a donné lieu depuis 10 ans à des tas de cadeaux de l’Etat.
Fin juin, la société d’autoroute Cofiroute, filiale du géant Vinci, a enfin mis en service le tronçon payant de l’autoroute A86 : 10 kilomètres de voie enterrée et payante qui passent sous Versailles (entre Rueil-Malmaison et Vaucresson) et qui permettent le bouclage tant attendu du super périphérique d’Ile-de-France.
Mais curieusement, pour souligner cet exploit, pas la moindre campagne de presse triomphante à laquelle le BTP nous a habitués ! Le concessionnaire a fait preuve d’une étonnante discrétion pour inaugurer son tunnel dont il détient la concession pour une durée exorbitante de 70 ans (au lieu d’une cinquantaine d’années habituellement). Des mauvaises langues qui connaissent bien l’affaire avancent une explication à cette pudeur : « Vinci n’a pas intérêt à ce qu’on signale qu’il met l’ouvrage en service avec environ deux ans de retard sur le calendrier fixé avec les pouvoirs publics », indique cet observateur.
Certes, la boîte explique avoir dû revoir ses plans pour tenir compte des nouvelles normes de sécurité édictées après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc en 1999. Mais elle ne s’est pas empressée de trouver le bout du tunnel.
Il faut dire qu’aucune épée de Damoclès ne l’a incitée à se remuer. « Malgré son retard, Cofiroute ne versera en effet pas le moindre centime de pénalité à l’Etat, contrairement aux usages. A l’époque de la signature du contrat sous Jospin, la boîte a su négocier au mieux de ses intérêts », continue notre connaisseur. Elle était alors dirigée par feu Dario d’Annunzio. Qui a du coup fait économiser des millions d’indemnités au groupe.
Voilà autant d’exploits dont Cofiroute et sa maison mère Vinci pourraient aujourd’hui légitimement se vanter. Au contraire, tout est fait pour qu’ils remontent le moins aux oreilles des conseillers de Bercy, lesquels ne connaissent pas toujours les subtilités des dossiers qui traînent en longueur.
Tous ces petits cadeaux relatifs à l’A86 pourraient effectivement apporter du grain à moudre au ministère du Budget. Ce dernier bataille depuis plusieurs mois avec les concessionnaires autoroutiers privatisés depuis 2005. Lesquels, année après année, augmentent copieusement leurs tarifs avec le consentement contraint de l’Etat, puisque ce dernier est forcé d’autoriser des hausses de ticket supérieures à l’inflation. Et pour cause, cela figure noir sur blanc dans les contrats conclus entre l’Etat et les sociétés d’autoroute !
Un peu marri de voir gonfler la manne de ces dernières depuis la privatisation, Bercy souhaiterait en capter une partie en augmentant la taxation sur les sociétés d’autoroutes dont fait partie ASF, Autoroutes du sud de la France, une autre filiale de Vinci. Mais la confrérie des exploiteurs de bitume a jusqu’à présent crié si fort que pour l’instant le projet est enterré.
Jusqu’à présent en tous cas dans ce dossier de l’A86, Cofiroute n’a eu a aucun moment à se plaindre d’un État toujours compréhensif et généreux. Le pli a été pris dès l’origine du projet lorsqu’en 1994 les pouvoirs publics désignent Cofiroute pour financer (un peu moins de 2 milliards d’euros) et exploiter le tunnel de l’A86. Mais en 1999, le Conseil d’Etat annule le marché qui n’était pas assez transparent.
Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports de Jospin depuis deux ans, relance fissa un appel d’offres : il n’y a que deux candidats, le groupe Bouygues qui fait de la figuration et Cofiroute qui reprend la main. Le jour de la signature du nouveau contrat, le gouvernement fait une fleur à Cofiroute. Il lui accorde une indemnisation de 15,24 millions d’euros pour compenser l’interruption du contrat. Et défalque le montant des études déjà engagées que l’Etat estime au doigt mouillé à 211,2 millions d’euros. Autant de cadeaux qui ont fait bondir la Cour des comptes.
Des esprits fort mal intentionnés ont par ailleurs noté ce qui ne peut être qu’une amusante coïncidence. Après cet arrangement avec le ministre communiste, le groupe Vinci a accueilli dans ses rangs un jeune polytechnicien qui travaillait au cabinet de Gayssot, Nicolas Notebaert. Lequel mène aujourd’hui une heureuse carrière dans ce fleuron du capitalisme triomphant.
Ce qui s’appelle sortir brillamment du tunnel.
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Il s’agit d’une portion d’autoroute discriminante, réservée à un certain type de véhicules pour info. Ce qui justifie en quelque sorte le prix du ticket. Les VRP sont concernés. COFIROUTE prétend que pour se rendre plus vite sur leurs lieux de rendez-vous et dans la mesure où ce coût sera répercuté à l’employeur via les notes de frais, il n’y a pas de raisons de se gêner pour fixer le prix fort.
COFIROUTE n’est qu’un maillon de la chaîne, BOUYGUES ne fait pas tant de la figuration dans ce dossier que vous le pensez. Un grand nombre de sous-traitants sont en réalité des sociétés du groupe BOUYGUES. Depuis quelques années, VINCI et BOUYGUES se partagent les grands chantiers parisiens, après avoir été des concurrents impitoyables.
En ce qui concerne la relation de l’Etat avec les sociétés d’autoroutes, la grande faute fut de les avoir privatisées par pure paresse et pour ne pas avoir à entretenir les réseaux. Dans le même ordre d’idées foireuses, nous avons eu la privatisation de l’eau.
Derrière, l’enjeu est de permettre au B.T.P. de survivre, et naturellement d’engraisser. VINCI et BOUYGUES restent incapables sans l’aide de l’Etat de développer leur marché hors du territoire national. Les deux géants pourraient voir leur empire se fissurer alors que précisément ils continuent à absorber pour grossir et que dans le même temps, ils n’ont plus assez de marchés. Les autoroutes sont juteuses, elles leur permettent de récupérer le manque à gagner.
La partie de l’A 86 qui passe sous Versailles n’est pas mise en service contrairement à ce que laisse suggérer votre article.
On comprend mieux la discrétion de Cofiroute.