Frédéric Bauer, précurseur de l’intelligence économique musclée avec sa société Sécurité sans frontières, a tiré sa révérence en mai dernier. Et pris une retraite marocaine bien méritée. Sage décision, quand tous les anciens privés, prochez à l’époque de Jacques Chirac, sont dans la ligne de mire de Sarkozy. Et l’agent Bauer était un fidèle d’entre les fidèles de l’Ex. Portrait.
La fidélité n’est pas une vertu tout à fait portée disparue. De sa retraite marocaine, Frédéric Bauer, 62 ans au compteur et un bataillon de « missions » au service du clan chiraquien ( y compros au service de la Direction des constructions navales en 1996, voir l’article en tète du site) en attestent. Jusqu’à épouser les amours orientales et le goût du royaume enchanté de l’Ex. Sa retraite sera sans doute plus paisible que ces 20 dernières années d’activités en « intelligence économique » et autres amuse-gueules… D’autant que l’érection de la Sarkozie lui fut fort douloureuse.
Ces dernières années, le nom de Frédéric Bauer a parcouru plus que de raison – sinon plus qu’il ne l’aurait souhaité –, les colonnes des journaux. Dans la carambouille Clearstream, une vilaine note de la Direction de surveillance du territoire, signée du patron Pierre Bousquet de Florian, le désigne comme ayant pu mettre en œuvre la falsification. Note depuis objet d’une instruction pour dénonciation calomnieuse et faux, comme l’a déjà raconté Bakchich.
N’empêche, Nicolas Sarkozy, le bon Président de la République et néanmoins toujours partie civile au dossier, l’a longtemps soupçonné d’appartenir au fameux « cabinet noir » qui lui asticotait les côtes… Parano le Sarko ? Pas vraiment.
Le CV de Bauer sonne comme un catalogue de mauvais souvenirs pour le grâcieux locataire de l’Elysée. En plein affaire Rhodia, l’un de ses proches fait l’objet d’un rapport de sa société, Sécurité sans frontières : le banquier Edouard Stern, assassiné depuis par sa maîtresse. Le document était incidemment arrivé sur le bureau du ministre des Finances d’alors Thierry Breton, labellisé Chirac, et que Stern indisposait quelque peu dans la complexe affaire Rhodia. Evidemment, le patron de Bercy, à l’époque, n’avait pas du tout commandité ce rapport. D’ailleurs, il ne l’avait pas payé. Si c’est pas une preuve ça…
Et le boss et fondateur de Sécurité sans frontières semble s’être spécialisé dans les relations de Nicolas Sarkozy. Au plus fort de la guerre des intermédiaires, sur fond de contrats saoudiens et libyens entre 2004 et 2006, Bauer cherche à faire plier Ziad Takkiedine, réputé proche des balladuriens, donc de Sarko… pour faire place net aux intermédiaires chiraquiens, dont Alexandre Djouhri.
Une sorte de ritournelle. Déjà l’ami Ziad et l’agent Bauer avaient eu maille eu à partir. C’était en 1996, Balladur disparaissait lentement des écrans politiques, Sarkozy entrait dans le désert, et il fallait bien récupérer les commissions versées sous leurs règnes. Et pour ce boulot, Chirac a un homme de confiance, Bauer évidemment !
Un homme qui a commencé son grand œuvre comme responsable de la sécurité de feu Marcel Dassault (le papa du proprio du Figaro) ne peut qu’être de toute confiance. Chirac n’a jamais eu à s’en plaindre. Ni son dir’cab à la mairie de Paris, Michel Roussin, devenu depuis vice-président de Bolloré, ni Patrick Maugein, sulfureux homme d’affaires estampillé Chirac. Deux hommes avec qui sa proximité n’était pas même un secret de polichinelle.
Serviteur zélé, l’ancien flic Bauer en fut dûment récompensé. À l’instar de d’autres zélateurs de Chirac… en rejoignant la Sofema. En 2005, l’entreprise spécialisée dans la vente d’armes à l’exportation a étonnamment racheté Sécurité sans frontières, la boîte d’Intelligence économique fondée par Bauer. « L’un des derniers cadeaux de Chirac, pour sa carrière », persifle le petit milieu du renseignement. Peut-être à raison. En effet, en 2006 et 2007, SSF enchaîne les pertes « importantes », décrit poliment Intelligence on Line, dans l’épitaphe que la lettre confidentielle publiée sur Bauer le 29 mai dernier.
Le bon Frédéric, sagement, a choisi de se retirer des affaires et de démissionner de la présidence de SSF, laissant orphelin d’anciens grognards de Chirac qui peuplent l’office d’armement. A l’instar de Jean-Bernard Ouvrieu, ancien ambassadeur de France au Japon. Ou Jean-Pierre Pochon, un temps œil de Philippe Massoni à la DGSE, recasé à « la direction du développement » de SSF.
Mais la Sofema, depuis le départ de l’Ex, n’est plus cette paisible retraite pour chiraquiens fatigués. Sous la pression de Brice Hortefeux, Guillaume Giscard d’Estaing en a pris les rênes, et les rumeurs de vente de l’entreprise se succèdent.
Mais surtout, la chasse aux anciens flics ou privés qui ont bâti le réseau Chirac est ouverte. Que ce soit à la préfecture de police de Paris, où le réseau Massoni est en lambeaux. Ou dans les boîtes d’intelligence économique, comme le laisse supposer le cas du commissaire Moigne.
Avant la grande lessive Sarkozy, mieux valait choisir la sortie.
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