Pas de roi d’Arabie au défilé du 14 juillet. Le souverain saoudien a finalement annulé sa visite d’Etat et laissé Sarkozy aux mains des présidents africains pour parader.
A défaut d’un roi c’est un Ministre des affaires étrangères que la France a reçu lundi 12 juillet. Et pour un bref déjeuner… Afin de minimiser l’onde de choc produite par l’annulation subite le 9 juillet de la visite d’Etat du monarque saoudien dont le point d’orgue devait être sa présence au défilé militaire du 14 juillet en « invité d’honneur », les services de Bernard Kouchner ont opéré un bidouillage diplomatique en urgence sur ordre du Château. Histoire de sauver les apparences…
Prévue de longue date pour le 13 juillet, l’inauguration de l’exposition « Routes d’Arabie, archéologie et histoire du Royaume d’Arabie Saoudite » au Louvre, sans le Roi Abdallah d’Arabie Saoudie et le Président Sarkozy, n’a du coup plus aucun charme. Même le levier de la diplomatie culturelle, destiné à séduire un client très convoité, ne fonctionne pas. Le message royal, en retour passe, d’autant plus mal. Surtout pour les industriels qui étaient de la partie : Total sponsorise l’exposition au Louvre, et les EADS, DCNS et autre Thalès avaient déjà sorti leurs chéquiers pour soutenir le 26 ème Festival National de la Culture et des Traditions de Janadriyah près de Riyad en mars dernier, avec Frédéric Mitterrand en guest star. En fait, Riyad joue avec les nerfs des Français. Illustration en est donnée avec le projet Haramain, futur TGV entre Médine et la Mecque et seul contrat raisonnablement décrochable par les groupes tricolores. Mais le chemin louvoie entre Damas et Canossa.
Chacun y va de son explication pour décrypter l’affront royal fait à la Sarkozie. Ce serait une phrase malheureuse sortie par sa Majesté au cours de son entretien à Djeddah en juin dernier avec le Ministre de la défense, Hervé Morin - « Il y a deux pays au monde qui ne méritent pas d’exister : l’Iran et Israël » - qui en serait la cause. La reprise de ses propos présumés dans la presse française aurait offusqué Abdallah, au point de faire capoter l’ensemble de la visite. Ou alors, et c’est la nouvelle blague en vogue en Arabie Saoudite, ce serait la perspective « peu flatteuse et humiliante pour le roi de se retrouver aux côtés des chefs d’Etats africains » pour les cérémonies du 14 juillet, comme le rapporte à Bakchich un homme d’affaires libanais basé dans le Golfe.
En réalité, explique-t-il, au-delà des relations diplomatiques difficiles entre les deux pays, et malgré un rythme de visite très soutenu des officiels français dans le royaume, au plan des affaires, « les Saoudiens sont très mécontents de la façon dont les Français travaillent avec eux », notamment avec les militaires. Les responsables des filiales de Thalès dans le pays ne cessent de valser, et les juteux contrats liés au programme de surveillance des frontières – dont EADS est maître d’œuvre – restent pour l’heure bloqués.
A l’issue du premier tour de la compétition début 2010, l’affaire était très mal emmanchée pour Alstom-SNCF. Quatre concurrents retenus en face, c’est beaucoup. Surtout le repêchage par les saoudiens d’un consortium chinois ( China South Locomotive and Rolling Stock Corporation consortium), dont la remise de une proposition a été ralisée hors délai, a fait hurler les Français. Pire, la Saudi Railway Organization, l’organisme officiel chargé de gérer le marché a même modifié les critères de jugement, faisant la part plus belle au prix qu’à la technique. De quoi favoriser les Chinois, forcément. Surprise pourtant au soir du 3 juillet, date butoir de dépôt des offres finales, seuls restent deux candidats : le groupement Alstom-SNCF et son acolyte espagnol constitué autour du constructeur de train Talgo. « Coréens et Allemands qui voulaient s’allier entre les deux tours ont été disqualifiés » indique un spécialiste. Surtout les Chinois que certains membres de la famille royale prisent beaucoup ont disparu de la circulation. Serait-ce le résultat du lobbying de l’Elysée ? Guéant, le numéro 2 de l’Elysée s’est en tous cas rendu à plusieurs reprises à Riyad. Dont une fois en avril avec Kron le patron d’Alstom, Pepy celui de la SNCF. Et un intermédiaire très en cours au Château.
Résultat des courses attendu en septembre. Le temps de consolider les alliances locales . Si les espagnols se sont alliés à la banque Al-Shuala, les Français ont choisi l’établissement Al-Rajhi, dont des mauvaises langues tentent de faire ressortir une éventuelle implication dans le financement du 11 septembre qui reste à démontrer. Impossible en tous cas de refaire le coup du TGV marocain. Pour obtenir le marché et écarter les Espagnols – déjà - Sarko a sorti le carnet de chèque. C’est la France, le vendeur qui paie une partie des 2 milliards d’euros de l’investissement, le solde étant financé par… l’Arabie saoudite. Avec les dernières vicissitudes diplomatiques, le camp français y voit aussi clair que dans une tempête de sable.
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