De la commande ou non de Rafale par le président brésilien, dépendra toute la politique salariale de Dassault Aviation et Thales. Et la destination pour les prochaines vacances d’été.
« Saint Lula, faites que le Brésil choisisse d’acheter le Rafale plutôt que l’avion Saab, car il en va de notre pouvoir d’achat pour 2010 ». En cette période de vœux, voilà le genre de prières que doivent réciter l’ensemble des salariés de Dassault Aviation et du groupe Thales. Lequel peut être amené à construire des bouts de ce fameux avion militaire si jamais ses géniteurs et le VRP Nicolas Sarkozy réussissent enfin à vendre ce fleuron à d’autres clients que l’armée française. Et en premier lieu au Brésil du président Lula, seul pays à vraiment accrocher.
Evidemment, il en va de la fierté cocardière, mais plus prosaïquement, de ce contrat qui atteindrait plus de 5,5 milliards d’euros dépend aussi un peu le moral des troupes des deux marchands d’armes. Explication : pour 2010, les directions des ressources humaines des deux groupes d’armement n’ont pas encore arrêté de ligne pour ce qui est de la politique d’augmentation de salaires.
« En réalité des scénarios sont établis, mais tout dépendra du résultat des courses dans quelques semaines voire au printemps, glisse une dirigeante d’un des deux groupes. Si le Brésil signe pour acheter 36 Rafale, à ce moment-là, les revenus (salaires plus primes) devraient être augmentés de + 3,5 % chez Dassault ». Et chez Thales, sous-traitant dont Dassault possède un quart du capital, « ce sera un peu moins, environ + 1,2 %. Sinon ce sera tintin dans les deux groupes ! » Ce qui pose bien des problèmes prévisionnels aux cadres dirigeants. Cet été, pourra-t-on se payer de belles vacances lointaines ou faudra-t-il se contenter du Luberon ?
Or voilà que de biens mauvaises nouvelles sont arrivées ces dernières semaines du Brésil, vrillant les nerfs de toute une industrie. Le fameux avion serait victime d’un syndrome EPR. Comme le super réacteur atomique que toute la nucléocratie hexagonale pensait pouvoir fourgué à prix fort aux Emirats, avant de se faire doubler par les Coréens, le bel avion est jugé trop cher. C’est en tout cas l’avis exprimé par des grincheux militaires brésiliens dans un rapport dont un journal brésilien a fait état début janvier. Ils préféreraient s’équiper avec le F18 américain et plus encore avec le Gripen, un zinc construit par le Suédois Saab. Dassault, Thales et Sarko pris en Gripen par un avion venu du froid ?
Mais heureusement, Lula a ramené un peu d’espoir. La commande du Rafale sera une décision politique, a-t-il laissé entendre. En somme, l’ex ouvrier devenu président du Brésil aura le dernier mot sur la décision. Imaginer que la politique salariale de fleurons hexagonaux ainsi que le pouvoir d’achat de milliers de salariés va se jouer quelque part entre Brasilia et Rio, dans ce qui était encore il y a peu un pays en voie de développement, ce n’est pas très bon pour l’identité nationale. Mais c’est bon pour le porte monnaie !
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