Dans le temps, la France exportait ses vieilles voitures sur le continent noir. Désormais, elle y déverse ses intermédiaires usés.
Si certains retraités rêvent de prendre leur retraite dans un Riad de Marrakech ou sous le soleil de la petite côte sénégalaise, les grands anciens des relations franco-africaines ne restent pas inactifs sur le continent noir. Sûrement le virus de l’Afrique.
Le plus incisif… et sans doute le plus médiatique, l’avocat Robert Bourgi a trouvé une seconde jeunesse sous Sarkozy et son Mazarin, Claude Guéant, qu’il compare allègrement à Foccart, le père des réseaux françafricains. Bel hommage. Sous les feux des médias en 2008, notamment à l’occasion de l’éviction de Jean-Marie Bockel du secrétariat d’État à la coopération, le madré conseiller s’est retiré un peu à l’ombre, conformément à ce que le château lui a demandé. Mais il ne se prive pas d’essaimer à tout va. Vers le Parti Socialiste notamment, et Benoît Hamon, en qui il a trouvé un interlocuteur. Vers le secrétaire général de l’Élysée toujours, avec qui il rencontre les Présidents africains à Paris. Et vers de nouveaux horizons Africains. Fort bien introduit à Dakar ou à Libreville, Bourgi, signe de grande vitalité (malgré une petite sciatique), s’en est allé gambader dans de nouvelles contrées. En l’occurrence Madagascar, où il s’est rendu avec un compatriote franco-libano-sénégalais, Abbas Jabber, (qui dirige Advens, l’actionnaire majoritaire du cotonnier Dagris). L’éternelle passerelle entre Bongo-élyséenne a même réussi à rencontrer le nouveau patron de l’Éxécutif de l’île Rouge, Andry Rajoelina, dit TGV. Tout en faisant bruisser le bruit qu’il avait un mandat de l’Élysée. « Faux », assure une vieille concierge des Palais Africains. Et la cellule Afrique de l’Élysée de grincer des dents. « J’espère qu’on ne va pas aussi l’avoir dans les pattes là-bas… ».
Moins touche-à-tout, et couvé par la cellule Afrique, Georges Forrest se concentre sur son secteur d’origine. Les mines. Et n’a jamais été aussi influent. Adoré sous Mobutu, à l’aise sous Kabila père, en cours sous Kabila fils, le Belge d’origine néo-zélandaise explore lui aussi de nouveaux horizons. Avec l’aide de Fabien Singaye, conseiller du président Bozizé, celui que l’on surnomme le « proconsul du Katanga », s’est mis à l’uranium. Et a servi de facilitateur à Areva pour les contrats obtenus en Centrafrique et au Congo-Kinshasa. « Ils ont bien endormi Sébastien de Montdessus, le jeune et puissant bras droit de Lauvergeon », s’amuse un habitué des palais africains. Et pas seulement. Comme l’avait raconté Bakchich, le duo Forrest-Singaye a pris ses habitudes au Ritz, pour des rencontres avec la patronne d’Areva. Il se susurre même que le trio sera présent le 4 mai lors de la pose de la première pierre à Imouaren (Niger) du plus grand projet industriel minier jamais réalisé. Bien sûr, le sémillant consul honoraire de France à Lumumbashi continue aussi à prospecter dans son secteur d’origine. Au programme, percée dans l’or en Namibie et en Centrafrique, toujours avec Fabien Singaye.
Plus sédentaires, les anciens Chirac boys Francis Castagnède (et son acolyte le sénateur Jean-Pierre Camoin), Gilles Minard, ou encore Jean-Yves Ollivier, se contentent d’une seule présidence. Au duo, la Centrafrique et ses Télécoms, pour Minard, l’ancien président de Bivac-International, la présidence ivoirienne. Quant à Jean-Yves Ollivier, l’ancien émissaire quasi-officiel de la Chiraquie dans l’apartheid, sa branche reste le Congo (et le pétrole de Sassou-Nguesso). Persona non grata tant à l’Élysée qu’au Quai, les anciens ont au moins la sagesse de ne pas s’éparpiller.
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