Dans un pays grand comme l’Europe (2,3 millions de km2), on peut disparaître sans beaucoup émouvoir.
Dans la République démocratique congolaise pacifiée et stabilisée de Joseph Kabila, on continue à disparaître comme à l’époque bénie de son père, le Mzee. Le 17 septembre, dans la région de Dungu (Province orientale), 90 enfants, un chef de village et deux missionnaires italiens ont été enlevés par la Lord Resistance Army. Fidèle à ses traditions, cette milice mystique ougandaise, dirigée par un fou de Dieu recherché par la Cour Pénale Internationale, Joseph Kony, est venue faire son shopping d’enfants soldats et d’esclaves en territoire congolais, dans les villages de Kiliwa, Duru et Nambia. Outre les enfants, elle n’a pas hésité à kidnapper des missionnaires italiens, démontrant en cela le peu de cas qu’elle fait des mandats d’arrêt de la CPI lancés en 2005 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Depuis qu’elle a été chassée du nord de l’Ouganda, la LRA s’est relocalisée à la frontière soudano-congolaise et passe son temps dans cette zone ingouvernée, sorte de Waziristan congolo-soudanais, où ni la MONUC ni l’armée congolaise n’osent mettre les pieds.
Mais les rapts d’enfants ne sont pas la seule façon de disparaître en RDC. Parfois, les services de renseignement vous invitent à les suivre. On appelle cela une arrestation extrajudiciaire. C’est ce qui est arrivé à 40 officiers de la police et de l’armée qui n’ont plus donné signe de vie à leurs familles pendant plusieurs mois. Tous originaires de la province de l’Equateur, celle de l’ex-leader de l’opposition à Joseph Kabila et maintenant prévenu devant la CPI à La Haye, ces officiers ont été arrêtés en 2007 et 2008 par les services de renseignement militaire (DEMIAP) et le bataillon Simba des forces spéciales de la police. Maintenus au secret, ils ont subi des mauvais traitements pendant des mois sans faire l’objet d’aucune procédure judiciaire. Emprisonné pendant plus d’un an, le capitaine Akolomoko Washa Hongo en est mort le 14 août et les services de renseignement ont refusé à sa famille de récupérer son corps. Si la plupart de ces détenus militaires sont maintenant localisés à la prison centrale de Kinshasa, en revanche une dizaine d’entre eux ont tout simplement disparu ! Ni l’auditeur militaire ni le président du parlement ni la MONUC ne sont en mesure de dire ce qu’ils sont devenus à leurs familles. Le conseiller à la Sécurité du président Kabila a déclaré qu’ils avaient été libérés mais leurs familles angoissées les recherchent toujours et ont frappé en vain à toutes les portes institutionnelles. Pour autant, les ONG des droits de l’Homme qui les soutiennent n’ont pas l’intention de baisser les bras et entendent faire toute la lumière sur des disparitions qui, après le déferrement de Jean-Pierre Bemba devant la CPI, ressemblent fort à un nettoyage ethnique de la hiérarchie policière et militaire.
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