Aucun débat n’est mené en France – sauf dans les marges – sur le modèle nucléaire hégémonique à la sauce EDF et Areva.
Personne, presque personne ne mesure à quel point le lobby nucléaire a gagné la partie en France.
EDF, par exemple, ce monstre ventripotent, a obtenu d’un pouvoir politique affaibli – le président élu en 1969, Georges Pompidou, était déjà malade – les clés du royaume. Soit la construction d’un empire nucléaire sans équivalent dans le monde et qui compte aujourd’hui 58 réacteurs en activité. Areva, de son côté, constructeur de réacteurs, exploitant également, a mis au point un prototype appelé « EPR » que le groupe entend vendre au monde entier. Les retards s’accumulent d’une manière stupéfiante, tant en Finlande – un chantier est en cours – qu’à Flamanville, en Normandie, où EDF construit, elle aussi, un réacteur EPR.
C’est le monde énergétique français des cinquante prochaines années qui se joue devant nous, et nous regardons tous ailleurs.
Aucun débat n’est mené en France – sauf dans les marges – sur ce modèle nucléaire hégémonique. Nul ne s’intéresse au sort de Superphénix, ce surgénérateur fou, abandonné en 1997 et dont le coût total dépassera probablement, à l’arrivée, 10 milliards d’euros. Personne ne sait seulement de quelle manière il pourrait être démantelé. Et tout est à l’avenant.
Dernière nouvelle en date, qui laissera l’opinion indifférente, comme à son habitude : le Koweït investit massivement dans Areva. Six cents millions d’euros d’un coup. Un État qu’on qualifiera gentiment de « problématique » prend une part significative dans une industrie nationale on ne peut plus singulière et personne ne s’en émeut. Ni à droite, ni à gauche, ni même chez les écologistes, si l’on excepte deux ou trois communiqués, comme obligés.
Tel est le tableau. Un Sarkozy peut, dans le même temps – au printemps 2007, juste après son élection –, convoquer son si cher Grenelle de l’environnement et partir à Tripoli vendre sa quincaillerie nucléaire à Khadafi. Bien que les choses soient en vérité limpides, chacun en France fait semblant de croire qu’il y aurait une frontière étanche entre nucléaire civil et nucléaire militaire.
Un pays démocratique doté d’un Parlement, d’une presse, de partis, d’élections s’autorise à ce qu’il faut bien appeler une aventure de tous les instants. N’est-on pas en droit de juger moralement, humainement, politiquement une telle nation ? C’est la nôtre, certes, et justement.
Rappelons le principe de base du nucléaire : aucune erreur n’est jamais possible. Ni aujourd’hui, ni demain, ni jamais. Autrement, vitrification à tous les étages.
Vous prenez ?