Au billard, quand une boule gêne, mieux vaut la dégommer. Un peu comme en Sarkoland, entre Copé, Bertrand et Hortefeux.
Le chef de l’État, en fin stratège, a décidé d’encadrer – phagocyter ? - ceux qui prenaient un peu trop leurs aises, à ses yeux. A l’instar de Jean-François Copé. En dix-huit mois, le patron des députés UMP s’est refait une santé politique en endossant le rôle de leader des troupes frondistes. D’ailleurs sur chaque gros dossier, Copé fait partie des premiers pour s’opposer à l’Élysée, pas mécontent de passer pour l’insolent de l’UMP.
Et en un rien de temps, le chef du groupe UMP à l’Assemblée-député-maire-président d’agglomération-avocat de profession a su tirer un profit maximal de la révision constitutionnelle de juillet dernier, censée revaloriser le rôle du Parlement. Même si François Fillon a beau rappeler que l’initiative appartient toujours au gouvernement, la majorité parlementaire prend désormais un malin plaisir à faire entendre sa petite musique… Dernier fait d’armes : le texte sur travail dominical auquel tenait particulièrement le président et dont l’adoption n’a pas pu être actée avant Noël. Le chef de l’État ne cache pas en privé qu’il tient Copé pour responsable. Et n’apprécie guère la relance de son club Génération France, présenté comme un « laboratoire d’idées » à côté de l’UMP. Si la boule gêne, il faut la dégommer…
Et flanquer Copé de son principal rival : Xavier Bertrand. Fraîchement propulsé à la tête de l’UMP, l’actuel ministre du Travail quittera prochainement ses fonctions ministérielles. Le 24 janvier prochain, jour du renouvellement des instances dirigeantes de l’UMP, Bertrand deviendra secrétaire général à plein temps. Une condition sine qua non exigée en novembre par Claude Guéant, le bras droit de Sarko, avant d’offrir le poste.
Car l’enjeu est de taille : ragaillardir le parti majoritaire qui a perdu, en un an, 90 000 adhérents. Et occuper le terrain des idées pour ne pas le laisser au patron des députés. « Le Président cherchait un ministre des relations avec le Parlement qui soit plus membré que Karoutchi face à Copé », souligne un récent visiteur auquel s’est confié le Président. Plus membré ? Allusion au manque de « gnak » du secrétaire d’État, Roger Karoutchi. Pas assez dur, a-t-on estimé du côté de l’Élysée. « Sarkozy a joué d’une main de maître », commente avec admiration un des amis du Président : « avec Bertrand à l’UMP, il n’y a plus besoin de trouver un nouveau ministre. Copé et lui vont s’auto-surveiller. Je souhaite bien du courage à Jean-François ! » Depuis qu’il a rejoint le camp sarkozyste en décembre 2006, Xavier Bertrand a en effet déployé un activisme sans limites…
Et avec la promulgation en janvier de la loi qui permet à un ministre démissionnaire de récupérer son fauteuil de parlementaire, l’intéressé fera en plus son grand retour à l’Assemblée… aux côtés de Copé ! En voilà un qui va être content. Car les deux hommes ne s’apprécient guère : pas la même vision du parti, ni la même manière de travailler. Encore moins le même humour. Seule les unit l’ambition d’accéder un jour à l’Élysée ! Les mettre l’un face à face, c’est donc provoquer le choc des ambitions. Et à la fin, généralement, il n’en reste plus qu’un. Voire aucun.
Au moins, le billard de Super Sarko aura fait un heureux : François Fillon. Le Premier ministre est ravi du départ de Bertand du gouvernement pour l’UMP. Un ministre dont l’ambition devenait gênante, estimait depuis longtemps le chef du gouvernement. « Il pense que Copé et Bertrand vont se faire la peau », confie un de ses amis. À voir la réaction des intéressés, Fillon n’a pas forcément tort…
« Jean-François Copé a très mal pris la nomination de Bertrand. C’est un coup dur pour lui », précise son entourage. D’ailleurs, rapporte un témoin de la scène, Copé a lancé à Sarkozy : « Tu vas donner les clés de la maison à Bertrand ? À ta place, j’en garderais un double ! » Depuis l’annonce de sa nomination à l’UMP, le ministre du Travail, lui, a le sourire. Mais n’a pas pour autant les coudées franches. En Sarkoland, quand il y a un rival, mieux vaut l’encadrer… En jouant la troisième boule et pas des moindres : la blanche !
Brice Hortefeux, actuel ministre de l’Immigration et grand ami du président, remplacera fin janvier Bertrand au ministère du Travail et des Affaires sociales, « là où on ne l’attendait pas » confie un de ses amis. Un poste qui lui permet parallèlement d’intégrer l’organigramme de l’UMP, avec la fonction de vice-président en charge des investitures. « C’est le seul poste qui compte vraiment rue de la Boétie », décrypte un haut dirigeant du parti majoritaire. Avant d’ajouter : « Brice Hortefeux va être sollicité de toutes parts » » : c’est à lui que les parlementaires de l’UMP seront priés d’obéir s’ils veulent garder leur investiture… Et l’intéressé pourra en profiter pour surveiller les faits et gestes du secrétaire général de l’UMP qu’il n’a jamais vraiment estimé. Selon Hortefeux, Bertrand ne prend pas assez de risques dans la bataille.
En clair, dans l’esprit de Sarkozy, Brice Hortefeux sera le grand gagnant de la partie. Et aura le troisième jeu de clés de l’UMP ! C’est lui qui arbitrera le duel Copé/Bertrand et chacun devra tenir compte de son avis. Pas bête, la guêpe ! Avec l’objectif pour le président de faire de son ami de trente ans un premier ministrable en puissance.
« Quand Nicolas Sarkozy déplace un pion », résume avec fierté un des ses amis, « il en fait bouger trois ». En Sarkoland, le billard se joue à trois bandes, avec Sarkozy en maître de cérémonie.
À lire ou relire sur Bakchich.info :
Franchement… Il y a des choses plus graves en ce moment. Je prends au mot votre "enquêtes et mauvais esprit" : surprenant que vous ne parliez pas de cela :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/l-hopital-de-nouveau-dans-la-tourmente_729569.html
Alors qu’il s’agit dans toutes les affaires de mort à l’hôpital, le plus clairement l’affaire la plus gênante pour le gouvernement.
Ce système, qui est la marque des tyrans ombrageux, a fait merveilles avec un Staline.
Revers de la médaille, il a fallu de temps en temps remettre les compteurs à zéro avec de grands procès.
C’est vrai qu’avec Galouzeau, notre "petit Nicolas des peuples" nous a déjà montré son savoir faire en la matière, et se promet un règne poutinien.