Selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration, la vidéo-surveillance a peu d’impact sur l’avancée des enquêtes. Il n’empêche que vous pouvez dormir tranquille…
La douceur du Paris de Juillet n’a rien à envier à celle du mois d’août vantée par le poète. Si quelques nuages tempèrent l’ardeur du soleil, c’est pour mieux préserver du mélanome malin la couenne du dernier parisien attardé parmi les gueux et les touristes, rois de la capitale en été. Et le francilien tranquille de vaquer à ses ultimes besognes avant de rejoindre ses pairs sur les plages du monde…
Voyez cette petite prof en route pour les salles paisibles de la Bibliothèque Publique d’Information, sise dans l’usine multicolore échouée en plein cœur de Paris. D’un pas égal, elle franchit le tourniquet de la gare de Vincennes et traverse un rang d’une dizaine de contrôleurs en polo blanc, qui devisent gaiement et se tiennent à son service. Sur le quai plutôt désert du RER, trois jeunes hommes à la stature athlétique et aux cheveux ras, vêtus de combinaisons bleu foncé et portant matraque à la ceinture, se racontent des exploits sportifs tout en assurant sa sécurité. A la Gare de Lyon, la petite prof s’inquiète : pourquoi les quatre militaires en treillis clair, béret sur la tête et arme en bandoulière, ont-ils l’air morose, le doigt sur la détente ? Mais elle ne saura rien des états d’âme de nos valeureux soldats car le train repart et la dépose à la station suivante : Châtelet.
Dans le vaste hall où se mêlent aux étrangers un peu perdus, les populations de sauvages banlieusards, son esprit curieux se livre sans retenue à la contemplation des tenues de la police nationale, des agents de la « ratp sûreté », de l’armée et d’autres encore, que sa déplorable inculture ne lui permet pas d’identifier avec certitude. Quoiqu’il en soit, elle ne peut qu’admirer la variété des uniformes qui, tout en restant d’une sobriété impeccable, témoignent de l’inventivité de nos créateurs stylistes. Dans les rues du quartier règne l’harmonie, le commissariat des Halles veille sur le calme estival. Elle regrette cependant de ne pas savoir reconnaître les policiers en civil dont elle sent intuitivement la présence réconfortante. Enfin parvenue à la bibliothèque, la petite prof est un peu déçue : les deux agents postés à l’entrée ne jettent pas même un coup d’œil au contenu du sac qu’ils lui ont demandé d’ouvrir. La prochaine fois, elle gardera son trousseau dans sa poche pour faire biper le détecteur de métaux : il faut bien rigoler, de temps en temps.
Nous laisserons notre studieuse et obéissante fonctionnaire plongée dans l’étude de Voltaire, dont les réflexions lui semblent parfois d’une cruelle modernité. Pour ne pas lasser le lecteur, nous ne ferons pas le récit de son retour à Vincennes : nous ne dirons rien du groupe de policiers en tenue d’intervention déboulant dans la rue Beaubourg, rien des sirènes des cars de police se ruant vers les manifestants de Montreuil ou, dans l’autre sens, vers le centre de rétention. Nous ne dirons plus rien car vous avez compris.
En ce beau mois de juillet, la petite prof est contente : elle a bien travaillé. Il faut dire que tout a été mis en œuvre pour garantir la tranquillité de son esprit. Après avoir regardé un programme diffusé pour son divertissement par la télévision nationale, elle s’endormira, sereine, sans avoir tourné la clé dans la serrure, presque porte ouverte.
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