Le programme européen Indect vise à développer un système de surveillance des informations d’internet. But avoué : détecter automatiquement les menaces, les comportements anormaux ou la violence.
Pas un jour ne passe sans que l’on apprenne l’existence, ici ou là, de projets bureaucratiques visant à contrôler Internet, cet espace de liberté qui provoque des poussées de fièvre aphteuse chez tous les tyrans et autres aspirants dictateurs de la planète.
La démarche, somme toute assez logique de la part des démocrates éclairés régnant par exemple en Birmanie, en Corée du Nord, en Chine, en Iran ou en Tchétchénie, est plus surprenante de la part des dirigeants australiens ; quoique…On oublie un peu vite que les prix Nobel de lancer de boomerang participent activement à un super Big Brother d’inspiration yankee, ayant pour objectif d’intercepter les communications téléphoniques mondiales, publiques et privées : le célèbre réseau « Echelon ». Outre les Australiens, participent à ce club très fermé de « grandes oreilles » le Canada, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.
En Europe, creuset de la démocratie, pour ne pas dire de la civilisation que l’humanité nous envie, nos dirigeants ne caressent pas de si noirs desseins ; contrôler Internet ? Allons donc ! Et pourquoi pas des caméras de surveillance à chaque coin de rue pendant que vous y êtes ? Ou bien l’accès à votre dossier médical par votre employeur en cas d’arrêt de travail consécutif à une petite grippe H1N1 ? Non mais franchement. D’ailleurs Echelon n’a pas empêché la tragédie du 11 septembre, alors …
Alors, au nom de la sacro-sainte sécurité, le plus porteur des thèmes électoraux de l’ère moderne, nos dirigeants européens n’ont pas tardé à trouver une bien meilleure recette qui laisse craindre hélas, que la ‘Police de la Pensée’ Orwellienne ne soit plus très loin…
Cette meilleure recette a pour nom « Indect » ; d’après ses concepteurs, il s’agit « d’un système intelligent d’information permettant l’observation, la recherche et la détection en vue d’assurer la sécurité des citoyens dans un environnement urbain ». Froid dans le dos rien qu’à lire l’étiquette sur l’emballage…
« Indect » [1] a été lancé très confidentiellement le 1er janvier 2009 grâce au soutien financier de la Commission européenne qui a déjà investi plus de 10 millions d’euros dans l’affaire prévue pour s’étaler sur 5 ans : le délai nécessaire au consortium « Indect » pour réaliser le développement de programmes informatiques de surveillance, de collecte et d’analyse automatique des informations du Web. Rien de moins. Le but ultime de l’entreprise tient en peu de mots : « la détection automatique des menaces, des comportements anormaux ou de la violence ».
Le préambule du cahier des charges ne laisse planer aucun doute sur les raisons qui ont motivé ce projet européen :
"…La sécurité devient le maillon faible des infrastructures énergétiques et de communication, des centres commerciaux, des centres de conférence, des aéroports et plus généralement des sites fréquentés par un grand nombre de personnes."
"En pratique, tout lieu public est vulnérable et les risques qu’il supporte doivent être contrôlés et réduits autant que possible. Un contrôle d’accès et une réponse rapide à toute menace potentielle sont des propriétés que tout système de sécurité de tels sites doit absolument posséder."
"Le projet Indect est destiné à développer de nouveaux outils et de nouvelles techniques qui permettront à leurs utilisateurs finaux d’améliorer leurs capacités de détection et de prévention des actes criminels, améliorant ainsi la sécurité des citoyens européens… ».
Le « club Indect » comprend d’ailleurs du très beau linge en matière de prévention des méga-menaces : la police d’Irlande du Nord, le quartier général de la police polonaise, les universités et pôles universitaires de technologie les plus pointus en intelligence artificielle, tels ceux de Grenoble, Madrid, Vienne, Wuppertal et York, auxquels se sont joints des représentants de régimes récemment convertis aux principes démocratiques comme ceux de Gdansk, Kosice, Ostrava et Poznan. C’est vrai que les anciens fichiers de la Stasi restent très « vintage » dans les ex-républiques soviétiques…
Le but avoué des développeurs d’Indect, est de surveiller de très près les sites Web, les serveurs de fichiers, les forums de discussion, les réseaux sociaux et de peer to peer et même les ordinateurs individuels ! Si la moisson s’avère bonne, les informations collectées seront traitées par des programmes capables de comprendre et d’enregistrer les relations entre les individus et les organisations diverses auxquelles ils semblent rattachés sur le Web. Le bonus, c’est la constitution automatique de dossiers sur les individus et les organisations avec lesquelles ils communiquent sur le Web, la nouvelle arme de destruction massive…
C’est la CNIL qui va être contente ! On ne saurait trop suggérer à ses dirigeants d’ouvrir sans tarder des cellules de recrutement directement intégrées aux Pôles Emploi ; ça ira plus vite pour recruter les « traqueurs de fichiers sauvages » constitués « automatiquement » par les exploitants de Indect… Tout ça dans le but déclaré de déjouer les actions criminelles avant qu’elles ne surviennent…
Et dire que le téléchargement sauvage de musique par des gamins boutonneux a failli déclencher une guerre civile dans ce pays ! Pendant ce temps là, sans faire de vagues, « Super-Méga-Big Brother » tisse sournoisement sa toile sur la Toile dans l’indifférence générale et le silence assourdissant des prétendues élites et de tous les contribuables européens qui casquent sans broncher pour la fabrication du garrot qui va les étouffer.
Si l’on considère qu’une arme aussi létale qu’une possible privatisation de la Poste justifie un référendum national, est-ce qu’un projet potentiellement aussi liberticide et attentatoire à la sphère privée qu’Indect ne mériterait pas une vaste consultation européenne ?
[1] (Intelligent Information System Supporting Observation, Searching and Detection for Security of Citizens in Urban Environment)
Le but avoué des développeurs d’Indect, est de surveiller de très près les sites Web, les serveurs de fichiers, les forums de discussion, les réseaux sociaux et de peer to peer
Ben alors ? C’est public et librement accessible, Google indexe déjà tout ça, et ça ne vous choque pas.
et même les ordinateurs individuels !
Là, on franchit une limite. Mais tant qu’un projet se contente d’analyser ce qui est librement accessible sur le réseau, je ne vois pas où est le problème. Si vous laissez trainer des trucs trop personnels dans un lieu public, c’est votre problème.
Après, je ne dis pas que les libertés sur Internet ne soient pas menacées, et ne nécessitent pas l’attention des citoyens.
La dernière phrase de votre post dément le reste.
Cependant, votre argument tient, si l’on estime que ce que font de toute façon les services de renseignement doit être généralisé, de façon à ce que tout service de police devienne l’équivalent d’un service de renseignement.
Ce qui, avouons-le, n’est pas le projet le plus démocratique qui soit !
Quant à l’idée selon laquelle "c’est public, donc pourquoi pas ?", la Cour suprême des Etats-Unis l’a descendu. C’était, il est vrai, en 1989 (Department of Justice v. Reporter’s Committee), et les temps ont changé…
Dans cette affaire, la Cour estimait que :
"clairement il y a une vaste différence entre les archives publiques [public records] qui peuvent être trouvés après une recherche attentive [diligent search] des fichiers de tribunaux, de comtés et des polices locales à travers le pays et un résumé informatisé situé dans un seul centre de stockage [clearinghouse] des données." En raison de cette différence, la Cour conclut que "l’intérêt à la protection de la vie privée à maintenir l’obscurité pratique [practical obscurity] de l’information sur papier [rap-sheet information] demeurera toujours très important."
Mais les temps ont changé… L’UE prévoit ainsi de lutter contre la "radicalisation violente" via : "l’utilisation d’un instrument normalisé, multidimensionnel et semi-structuré de collecte des données et d’informations sur les processus de radicalisation dans l’UE", qui vise à "analyser d’une manière systématique les principaux facteurs des processus de radicalisation (…) suivre et partager les informations relatives aux processus de radicalisation y compris lorsqu’elles concernent d’autres régions du monde où une radicalisation pourrait avoir lieu" et "identifier et analyser de façon systématique les différents contextes susceptibles de donner lieu à la radicalisation et au recrutement".
(cf. Radicalisation violente, ou l’EDVIGE de l’Europe)
Et les Etats-Unis prévoient une Triade biométrique, c’est-à-dire l’interconnection entre les fichiers biométriques de l’armée, du Département de l’Intérieur, de la Sécurité du territoire, et du FBI.
"D’ailleurs Echelon n’a pas empêché la tragédie du 11 septembre, alors …" Alors où se trouve le problème si Indect s’avère aussi efficace que l’abominable Echelon ? Seriez pas en train de bidonner un peu ? C’est en tout cas l’impression que laisse votre papier dont la logique a quelque chose de boiteux.
Bien à vous.
Bakchich peut-il lancer avec d’autres médias internet et papier une campagne d’information générale sur ce sujet et une pétition à faire parvenir à nos chefs de gouvernement et à la Commission pour manifester notre inquiétude et notre désapprobation. Merci d’y penser et d’agir en ce sens.
cordialement vôtre, Sabine Missistrano Présidente d’honneur Ligue des droits de l’Homme (belgique) Bruxelles
Au moins ça a le mérite de dissiper toutes ambiguïtés sur l’Europe et les intentions de nos dirigeants.
Qui a dit que l’URSS et le troisième Reich étaient du passé ? Si ça continue comme ça, ils passeront pour sympathiques…