Le commandant Pichon, qui avait dénoncé sur Bakchich les dérives du fichier Stic, et qui l’a payé cher, publie jeudi "Mémoire policière sale, 34 millions de citoyens fichés".
Comment, vous ne connaissez pas Pichon ? Un flic, ancien khâgneux, qui croyait que la police, c’était de la littérature. Qu’il y a toujours du Kafka dans le procès verbal. Il s’est trompé. Le commandant ignorant que trop de policiers écrivent avec des bâtons.
Aujourd’hui, Pichon, ce déçu des commissariats, c’est Fabrice à Waterloo décrivant la fin de son empire dans un livre : Une mémoire policière sale. Avec un sous-titre qui l’affiche bien : 34 millions de citoyens fichés.
Retour en trois temps sur le parcours du bonhomme, avant de déguster la chronique du livre de Philippe Pichon dans Bakchich Hebdo n°36, en kiosques samedi 4 septembre.
Entretien paru dans Bakchich Hebdo n°24 du 15 mai 2010
Bakchich Hebdo : Cher Philippe, on se tutoie ?
Philippe Pichon : Difficile de faire autrement après tant d’années de combats communs, notamment lors de notre croisade, en octobre 2008, pour la transparence du Stic, ce fichier policier qui recense, sans réel contrôle, 34 millions de Français victimes ou supposés délinquants.
B. H. : Nicolas Sarkozy, qui s’inquiétait déjà de ta médiatisation lors de la publication de ton livre, le Journal d’un flic, est servi. Te voilà à nouveau sous les feux de la rampe médiatique. Le 19 mai, le tribunal de grande instance doit rendre un jugement après ta plainte contre Brice Hortefeux. (ndlr : Un ultime recours du ministère a reporté le jugement au 16 juin)
P. P. : Avec l’aide d’un avocat talentueux et tenace, William Bourdon, nous avons réussi à casser la décision du ministère de l’Intérieur, qui m’avait mis à la retraite d’office. à mon grand regret, l’ensemble des représentants syndicaux présents avaient voté pour mon exclusion de la police, lors du conseil de discipline. J’ai été réintégré, malgré eux, au printemps 2009. Mais depuis, rien. Je ne suis affecté nulle part, condamné à ne rien faire.
B. H. : Quel effet cela fait-il de se retrouver en garde à vue ?
P. P. : Les quarante-huit heures de garde à vue, plus les dix heures passées dans la « souricière » au Palais de justice, sont faites pour humilier et casser : deux fouilles au corps, convocation de ma compagne et pressions sur elle, fuites du parquet à l’AFP laissant entendre que j’avais touché des bakchichs… de Bakchich. Et encore, j’ai eu la chance qu’un gardien de la paix m’ait reconnu et placé dans la cellule avec douche réservée aux VIP, celle qu’avait occupée Bernard Tapie.
B. H. : La brutalité de la réaction de la hiérarchie policière paraît surprenante, au vu de l’usage indélicat qui est fait, chaque jour, des fiches Stic.
P. P. : « Indélicat », c’est peu dire. Rien que pour les fiches de Johnny Hallyday et de Djamel Debbouze, ils ont été respectivement 543 et 617 policiers à y jeter un œil. Ce sont des dizaines de consultations, du fichier de Vanessa Paradis à celui de Jean-Paul Belmondo, qui furent même constatées sur l’ordinateur d’une collègue d’Angoulême. « Je cherchais à tuer l’ennui », a-t-elle expliqué aux enquêteurs. Plus grave, un certain nombre de mes collègues, en lien avec des boîtes de renseignements privées, vendent quotidiennement ces fiches. C’est ce que, dans notre jargon, on appelle « la tricoche ». Surtout, des responsables policiers distillent des renseignements à leurs interlocuteurs politiques pour se faire valoir. Quand ils n’inscrivent pas les opposants sur le Stic, comme je l’ai vu faire à Coulommiers lorsque l’UMP Guy Drut était maire de la ville.
B. H. : Dans quelles conditions as-tu livré les fiches Stic à Bakchich ?
P. P. : (Sourire) Il valait mieux Bakchich que Gala, non ? Mais je n’ai averti la presse qu’après avoir tout tenté en interne. Dès 2007, j’ai pondu un rapport à la demande de ma hiérarchie, inquiète des enquêtes à venir de la Cnil [Commission nationale de l’informatique et des libertés, ndlr], sur la situation du Stic. Le 24 avril 2008, j’alerte ma hiérarchie, qui répond : « Votre obligation de réserve ne laisse pas entièrement intacte votre liberté d’expression. »
B. H. : Cette fois, en tout cas, tout prouve que tu n’as pas obéi à ton chef.
P.P. : Le fonctionnaire de police doit servir l’intérêt public, même s’il doit enfreindre des consignes hiérarchiques qui desservent l’ordre républicain.
C’était le 31 mars 2007 sur France-2, à l’occasion de la parution du livre de Philippe Pichon Journal d’un flic.
Quelques mois plut tôt, fin 2006, le directeur central de la PJ prévenait son ministre de tutelle, Nicolas Sarkozy du projet de livre de Pichon. Sarko répond en expert de "régler rapidement ce dossier" de cet "officier atypique" qui "attire avantageusement sur lui l’attention médiatique" :
Retrouvez la chronique du nouveau livre de Philippe Pichon, le flic qui balance, dans Bakchich Hebdo n°36, en kiosques samedi 4 septembre.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
eh bien, merci, j’ai regardé la vidéo, je ne connaissais pas Monsieur Pichon mais je le trouve bien sympathique et ayant une analyse intéressante et plutôt équilibrée.
compte tenu de ces qualités, quel que soit le parti au pouvoir, il est certain que son profil nuise à sa carrière.
pas l’échine assez souple !
ça m’a donné envie de lire son livre. j’y vais de ce pas.
dernier point , pour en avoir connu d’autres, il n’est pas le seul dans la police, heureusement pour cette administration et bien dommage qu’on refuse de les entendre !
c’est sur qu’il est toujours plus facile de casser le thermomètre………
Encore heureux qu’il ne lui applique l’article L-3213-2 du code de la santé. Napoléon I est le père fondateur de cet article, explication : suite à la révolution ne pouvant plus se servir des lettres de cachets, fallait qu’il trouve un moyen légale pour éliminer les opposants
Monsieur Pichon, vous avez comme moi-même subit et apprécié à sa juste valeur les "biens faits" de la plupart de ceux qui se disent officiellement les défendeurs des lois, protecteurs de la veuve et de l’orphelin, du citoyen, des faibles, des opprimés.
Faut dire que je suis raciste…même un grand raciste, j’aime pas mais pas du tout la race des mauvais et très mauvais fonctionnaires, cela va du plus petit au plus haut de la hiérarchie en passant par les préfets, sans oublier la secrétaire/tyran/despote de mairie et des gendarmes de touts grades…
Rendons hommage aux bons et très bon fonctionnaires, honnêtes, toujours prêts à vous servir, vous aider, vous conseiller, vous soutenir… brimés par leurs collègues et leurs hiérarchies…représentent malheureusement une race en voix d’extinction
Courage
Jean-Luc LUMEN de 57320 Filstroff victime des "biens faits" de très mauvais fonctionnaires