Philosophe à faible potentiel électoral, André Glucksmann est l’une des plus belles prises de guerre de Sarko 1er… qui lui a remis sa légion d’honneur en personne.
Il n’est pas fréquent que le Président de la République remette lui-même la légion d’honneur. C’est une façon très signalée de rendre hommage au récipiendaire surtout s’il s’agit d’une remise individuelle et non collective. Il est également peu fréquent que ce type de cérémonie donne lieu à deux colonnes dans International Herald Tribune sous la plume de John Vinocur, journaliste qui s’est toujours distingué par une critique en règle de la politique extérieure française de la Vème République. Nicolas Sarkozy a donc remis la légion d’honneur à André Glucksmann, qui s’était prononcé en sa faveur lors de l’élection présidentielle de 2007.
André Glucksmann était considéré comme une « bonne prise de guerre ». Il faisait figure d’intellectuel de gauche, même s’il est difficile à distinguer en quoi il serait lié à la gauche.
Parce qu’il a été maoïste autrefois ? En tous les cas, on ne se rappelle pas qu’il ait pris des positions sur aucune question sociale. Glucksmann avait motivé son ralliement à Nicolas Sarkozy pour ses choix de politique étrangère, notamment sur la question de la défense des droits de l’homme. Un argument était principalement mis en avant : Nicolas Sarkozy cesserait d’avoir une politique frileuse, voire bienveillante et faite de compromissions à l’égard de la Russie et de la Chine deux pays que Glucksmann dénonce de façon obsessionnelle. Glucksmann condamne surtout les pays qui peuvent être des rivaux des Etats-Unis. Il y avait en fait une seconde raison non-dite, mais certainement encore plus déterminante dans le choix de Glucksmann ; Nicolas Sarkozy était supposé compter parmi les soutiens inconditionnels du gouvernement israélien. Glucksmann avait déclaré à plusieurs reprises qu’il ne s’exprimait jamais sur le Proche-Orient, en tous les cas s’il n’en parlait jamais, il y pensait toujours. Il a rompu son silence récemment en soutenant l’opération militaire israélienne à Gaza.
On pouvait se demander quel était l’intérêt de Nicolas Sarkozy de réserver une telle place dans son comité de soutien à André Glucksmann. Sarkozy était accusé d’avoir soutenu la guerre d’Irak. Ce n’était pas exact mais il a dû, au cours de la campagne se défendre sur ce point. André Glucksmann l’avait applaudi chaleureusement. Glucksmann est très présent médiatiquement mais on ne pas penser que son ralliement ait rapporté une seule voix à Nicolas Sarkozy. En tous les cas par rapport aux vedettes du show biz et du sport qui entouraient Nicolas Sarkozy, il faisait figure d’intellectuel et cela complétait le plateau. Il y avait surtout le côté « vu à la télé » dont on sait qu’il est un critère important dans les décisions et les choix de Nicolas Sarkozy.
John Vinocur nous raconte que Glucksmann est l’un des rares qui dise la vérité à Sarkozy et qui n’ait pas peur de ses désaccords. Croyons-le, mais en fait, cela n’a aucune importance, puisque Nicolas Sarkozy suit une politique qui n’a rien à voir – et on ne peut que s’en féliciter – avec les éventuelles recommandations d’André Glucksmann. En effet, tant par rapport à la Russie que par rapport à la Chine, le réalisme prévaut. La posture d’indignation, par ailleurs sélective (« André-F16-Glucksmann » condamne les bombardements de populations civiles lorsque les Russes y procèdent mais les justifie lorsqu’ils sont le fait des Américains ou des Israéliens) que chérit notre « philosophe » n’a pas de place.
Nicolas Sarkozy a plutôt développé une relation forte avec Moscou et tente au maximum de renouer le lien avec Pékin.
Dans cette diplomatie, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est aux antipodes de ce que proclame Glucksmann. C’est donc en fait un mariage blanc qui s’est mis en place entre un intellectuel qui s’indigne sans aucun effet et un Président qui mène une politique étrangère dans laquelle il y a son style propre, dans laquelle il y a effectivement un penchant pro-américain plus affirmé, une revendication, mais qui ne s’éloigne pas des fondamentaux de la Vème République.
D’ailleurs, n’est-ce pas au nom de la poursuite des objectifs du fondateur de la Vème République que Nicolas Sarkozy a justifié sa réintégration dans l’OTAN ? Glucksmann, dans son discours de réception, a été jusqu’à déclarer : « peut-être que la seule chose qui restera de l’Europe sous présidence française est que tu aies réussi à arrêter le déferlement des chars russes ». On est là, plus dans l’utilisation vigoureuse de la brosse à reluire que dans la finesse de l’analyse géopolitique. Si un accord général s’est dégagé pour reconnaître que la présidence française de l’Union européenne a été un succès, notamment face à un vide du pouvoir aux Etats-Unis, si la France s’est trouvée au bon moment pour servir de médiateur et offrir une porte de sortie honorable à la Géorgie et à la Russie lors de la guerre, il faut quand même reconnaître que les opérations militaires se sont arrêtées avant tout parce que la Russie en avait décidé ainsi. En disant exactement l’inverse, Glucksmann se conduit tout simplement comme un courtisan, ce qui est normalement une fonction différente de celle d’intellectuel.
C’est rassurant de voir qu’André n’a pas changé. En fait, il ne fait que reprendre des tournures de sa période maoïste. Dire que Sarkozy a, à lui seul, arrêté les chars russes qui fonçaient sur la Géorgie (avant sans doute de se retrouver place de la Concorde), c’est entendre un intellectuel chinois vanter les mérites de Mao dans les années 60.
Mais c’est là que l’on voit que le pari de Sarkozy est gagnant. Il a apprivoisé un opposant éventuel qui, s’il n’était pas ainsi chouchouté, se serait répandu dans le Landernau médiatique pour dénoncer chez le Président de la République le syndrome munichois – dont il est obsédé – et aurait fustigé les amitiés coupables avec les régimes totalitaires, l’absence d’honneur et de dignité d’un pouvoir qui ne respecte pas les droits de l’homme.
A ma connaissance, la Géorgie n’a pas récupéré l’Ossétie et l’Abkhazie qu’elle voulait reconquérir militairement. Si les mêmes événements du mois d’août 2008 s’étaient produits alors que Mitterrand ou Chirac avaient été Présidents, avec le même type d’intervention et le même résultat de la présidence française, Glucksmann aurait hurlé sur tous les toits son indignation et sa colère contre la lâcheté française. Joli coup donc pour Nicolas Sarkozy, qui a transformé un rottweiler en caniche. Glucksmann n’a aucune influence sur la décision, mais en échange, non pas de son silence, mais de son approbation bruyante, des décisions individuelles favorables le concernant lui et son entourage pourront être prises.
Au-delà de son éloge au néoconservateur français, John Vinocur n’est pas dupe en se demandant si le Président n’est pas en train d’enterrer les préoccupations de Glucksmann sous les honneurs et le respect officiel. Bien vu en effet !
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Ah ! André Glucksmann… A débuté comme "nouveau philosophe", dans une opération de pur marketing, qui consistait à recopier la critique du communisme faite bien avant eux (et bien mieux) et à en faire des livres faciles à lire, le sien s’appelait "la cuisinière et le mangeur d’hommes". Cette opération était sponsorisée par Giscard D’estaing, à des fins de propagande électorale, en fin de septennat.
Puis il continua -l’union de la gauche étant arrivée au pouvoir en 81 sans lui- à essayer de se rendre utile en posant à la conscience morale, et c’est le seul point où il est malin, qui finit toujours par se mettre du côté du pouvoir en place et du plus fort : un courtisan professionnel, en somme, qui marchande son soutien, et n’est qu’un atlantiste fanatique, au nom de radotages sur le système soviétique qui sont un recyclage de thèses écrites bien avant lui par de bien plus compétents.
C’est donc son principe même d’aboyer fort avant de se transformer en caniche, et ce n’est bien sûr pas un philosophe puisqu’à part la déclamation de vagues principes moraux copiés ailleurs , il n’a produit aucun concept. Rideau.