La presse ne ment pas, elle est sous influence. Celle des intérêts des grands groupes qui la possèdent, et celle de boutiquiers de la désinformation.
Yann Sarfati, l’utopiste, qui, rebondissant sur un délire de Cantona, a lancé l’assaut contre les banques, est un jeune homme qui communique très bien sa peur. Il faut l’entendre hurler sa conviction et celle du courant de jeunesse qu’il représente : « La presse classique est alternative : ou elle nous ment ou elle refuse de voir. Notre salut est dans Internet. » La grande trouille de cette génération Web vient de la menace d’un tsunami bancaire, des 700 milliards d’euros qu’il faudra bientôt sortir rien que pour sauver les banques d’Espagne. Ces jeunes vivent assiégés, placés sous les missiles des traders. Leur sémaphore, pour le SOS, reste donc l’Internet. Tant que les États ne le feront pas taire – ce qu’ils tentent déjà de faire en voulant bâillonner WikiLeaks.
« La presse qui ment » ? Ils sont bien lapidaires, ces jeunes gens. La presse ne ment pas, elle est sous influence. Celle des intérêts des grands groupes qui la possèdent, et celle de boutiquiers de la désinformation, comme Marc Francelet, qui, depuis trente-cinq ans, dicte des articles de connivence dans les journaux les mieux cotés (lire notre dossier de la semaine dans Bakchich Hebdo n°50). Un symbole de la mort du journaliste devenu technicien de presse, c’est le voyage en parachute doré qui a conduit Denis Olivennes d’Air France à la direction des médias de Lagardère, en passant par le Nouvel Observateur.
Mais, tant mieux, les journalistes sont des otages volontaires et heureux de l’être. Perdez deux minutes et allez sur le site de la revue de BHL, la Règle du jeu. Vous verrez la liste des invités, dont Françoise Bettencourt, venus en courant fêter la publication qui, depuis vingt ans, glorifie Bernard-Henri. Si l’on excepte ceux de la Croix et du Parisien, tous les directeurs de journaux étaient là, de Mougeotte à Joffrin. Faisant amis avec tous les politiques dans la plus formidable des orgies médiatico-consanguines du temps. La vérité est donc ailleurs.
N’est-ce pas curieux de constater que personne dans la presse n’a relevé que le commentaire d’Hortefeux : "le jugement de Bobigny peut légitimement paraître disproportionné" relève de l’article 434-25 alinea 1 : "Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende".
Le ministre de l’intérieur ayant été condamné récemment en première instance (pour des propos racistes), son propos d’aujurd’hui est une récidive. On ne voit guère comment la cour de justice de la République qui serait automatiquement ameneée à le poursuivre si une personne physique ou morale obligeait le parquet à ouvrir une information (par exemple en se constituant partie civile), pourrait éviter de prononcer une peine de prison ferme si il était reconnu coupable …
Le président de la République, garant de l’indépendance de la Justice n’a pas pipé un seul mot. Est-ce parce que la presse se tait qu’Hortefeux a répété ce dimanche l’intégralité de son propos en osant le revendiquer ?