La démocratie en temps de guerre ne fonctionne pas. Un exemple à travers la guerre entre les territoires palestiniens et Israël, deux démocraties. Une analyse de Pascal Boniface.
Dans les années 90, un nouveau concept de relations internationales s’était imposé dans le débat stratégique, celui de la paix démocratique. Selon cette doctrine, le développement dans le monde du système démocratique constituerait la meilleure promesse de la fin des conflits. La démocratie porterait en elle la paix, comme la nuée porte l’orage. Les peuples étant de nature pacifiques, contrairement à leurs dirigeants, ils ne peuvent vouloir la guerre dont ils sont les premiers à payer le prix.
La disparition du communisme (perçu comme un système dictatorial et agressif) et les espoirs du « nouvel ordre mondial » vinrent conforter cette doctrine. Bill Clinton faisait même de l’extension de la démocratie (remplaçant le « containment » du communisme), la meilleure garantie pour assurer la sécurité des Etats-Unis et également une paix durable à l’échelle mondiale. Soutenir la démocratie était dans l’intérêt des Américains, car les démocraties n’entraient pas en guerre entre elles.
Au-delà du débat sur le caractère préférable pour les populations d’un système démocratique sur un régime autoritaire, on peut pourtant douter du caractère purement pacifique des démocraties. Au Proche-Orient, en tous les cas, on a la preuve contraire. Dans cette région stratégiquement agitée, il semble que la conquête des opinions passe par le choix de solutions privilégiant la force. Dans une atmosphère où se mêlent anxiété sécuritaire et désir de vengeance, les peuples, loin de calmer les ardeurs belliqueuses de leurs dirigeants donnent le sentiment de faire de la surenchère et de les pousser à des postures agressives.
La Palestine présente le curieux paradoxe de n’avoir pas d’Etat, mais d’être dotée d’un système démocratique. On y vote librement, à tel point qu’en janvier 2006, c’est l’opposition, représentée par le Hamas, qui a remporté les élections législatives lors d’un scrutin qui avait été l’objet d’un consistant contrôle international. Les électeurs palestiniens ont privilégié ceux qui refusaient de reconnaître Israël à ceux qui prônaient la négociation dont ils avaient conclu qu’elle était stérile. Le Hamas étant considéré comme un mouvement terroriste par Israël, ainsi que par les Etats-Unis et les pays européens, les puissances occidentales ont rompu leurs relations avec le gouvernement palestinien. Les mêmes Occidentaux qui réclament le développement de la démocratie au Proche-Orient et qui avaient accepté que le Hamas participe aux élections, ont refusé d’en reconnaître le résultat à partir du moment où il n’était pas celui qui leur convenait. C’est donc un scrutin reconnu très largement comme démocratique qui a amené à une détérioration globale des relations des Palestiniens avec les Occidentaux.
En 2006, déjà, une guerre avait opposé deux pays qui se présentent et qui sont considérés comme des démocraties, Israël et le Liban. Les deux uniques régimes parlementaires de la région se sont donc fait la guerre.
La proximité des élections israéliennes a compté dans la décision de recourir aux bombardements de Gaza pour riposter aux tirs de roquettes du Hamas. La droite israélienne du Likoud autour de Benjamin Netanyahu était donnée gagnante dans les sondages. C’est afin d’éviter des accusations de mollesse ou de faiblesse à l’égard du Hamas que la coalition au pouvoir, formée du parti Kadima de Tzipi Livni et du parti travailliste d’Ehud Barack, ministre de la Défense, a lancé l’opération afin de montrer aux Israéliens qu’ils étaient bien défendus.
En période de tensions stratégiques, les opinions ne jouent pas un rôle apaisant mais au contraire contribuent à la surenchère guerrière. Il faut des leaders particulièrement forts et charismatiques pour pouvoir imposer la voie de la sagesse et de la négociation. Celle-ci est par définition incertaine et ses effets ne sont jamais immédiatement positifs. La voie de la réplique militaire, très souvent, ne produit pas de résultats politiques satisfaisants mais a pour effet de satisfaire psychologiquement les peuples qui ont le sentiment que les dirigeants font quelque chose et ne restent pas impuissants.
Malheureusement, trop souvent les dirigeants le nez pointé sur les sondages, et les prochaines élections, prennent des décisions qui sont payantes à court terme sur le plan de la politique intérieure, mais qui ne sont peut-être pas payantes à long terme sur le plan stratégique. « Je suis leur chef, donc je les suis », est une formule trop souvent constatée. La démocratie reste la meilleure de tous les systèmes à l’exclusion de tous les autres. Mais elle ne conduit pas nécessairement à la paix. Et elle exige des dirigeants qu’ils soient à la hauteur des défis de l’époque, qu’ils prennent plus en compte les intérêts à long terme du pays que leur intérêts électoraux et qu’ils soient assez légitimes pour résister aux pulsions de l’opinion. Il faudrait pour cela non des responsables politiques mais des hommes d’Etat.
Article également consultable, comme beaucoup d’autres, chez notre partenaire Affaires stratégiques
Lire ou relire sur Bakchich.info :
L’absence de "démocratie" qui me touche le plus c’est en France.
Nos institutions, principales chaînes de télévisions, principaux journaux, et principaux partis politiques (PS, UMP) sont liés et soutiennent un état, Israël, aux fondements racistes et qui met en oeuvre une très claire épuration ethnique depuis des dizaines d’années.
La France est le premier fournisseur européen d’armes à Israël, nous contribuons donc aux crimes de guerre et à ces froids assassinats d’hommes de femmes et d’enfants, enfermés dans une enclave.
L’Union Européenne est le premier client d’Israël et nous continuons à commercer pendant que l’épuration se développe.
Les soutiens à l’état épurateur israéliens, peuvent manifester, notre police les protège, et s’exprimer longuement à la télévision, dont le discours raciste anti-musulman a préparé l’opinion à accepter les massacres.
Les gugusses du show bizz qui financent l’état massacreur Israël ont le soutien de notre ministre de la "culture".
Et il faut que je continue à payer la redevance télé et des impôts pour financer tous ces complices de l’épuration ethnique parmi les plus longues, et les plus meurtrières en proportion de la population visée, la population Palestinienne ?
Merci Bakchich de ne pas censurer svp….
La démocratie se définirait donc uniquement par l’organisation d’élections ? Le 3è Reich était donc une grande démocratie…
De plus, le Hamas qui expulse par un coup de force son concurrent du Fatah de Gaza, c’est aussi démocratique ?
Et la Charte du Hamas, elle est elle-aussi démocratique ?
La démocratie c’est aussi des valeurs, la possibilité de débats, une liberté de la presse et d’opinion, l’existence d’une opposition.
Alors non, M. Boniface, le Gaza du Hamas n’est pas une démocratie.
Puisque vous avez l’air obnubilé par les chartes, c’est quand meme marrant que vous "oubliez" de mentionner celle du Likoud, qui est pourtant beaucoup plus récente, utilisée pour les élections à venir et qui stipule noir sur blanc que jamais les palestiniens n’auront un état indépendant , et que la colonisation doit continuer et s’étendre jusqu’à récupérer les terres de Judée, Samarie et Gaza, pile poil où vivent les palestiniens donc (non pas que ça n’ait jamais cessé un seul mois ces 40 dernieres années…)
Ca se soigne les amnésies partielles. Un ptit lien pour vous aider : http://www.knesset.gov.il/elections/knesset15/elikud_m.htm
Le Likoud est au pouvoir ? On en reparle dans quelques semaines ?
Je ne savais pas non plus que le Likoud fusillait ou torturait ses adversaires politiques, comme le Hamas le fait avec le Fatah (et inversement d’ailleurs).
Le problème du Hamas n’est pas que sa charte, mais bien sa "politique" (intérieure et extérieure) et son idéologie appliquée dans les faits…
Mais bientôt on va nous expliquer que l’Iran est une aussi grande démocratie que chez nous. D’ailleurs, on se demande pourquoi tout le monde ne veut pas aller y vivre…
Ainsi donc, M. Boniface juge « démocratiques » l’Etat libanais et l’Autorité Palestinienne ! Commençons par la dernière. S’agit-il seulement de juger la démocratie à l’aune d’une élection ou bien, ce que je crois, le processus électoral n’est qu’un outil, de la mise en pratique de la Démocratie ? Que le Hamas arrive au pouvoir en le mettant cyniquement a profit, fait-il de lui une vitrine présentable de celle-ci ? Cette victoire à la Pyrrhus signe-t-elle le caractère démocratique du régime qui l’a permise ? Et, à croire Boniface, les électeurs "démocrates" du Hamas pousseraient ce parti, fruit de la "démocratie" à balancer sur les sites civils israéliens (villes, villages et kibboutz) des milliers de fusées et d’obus "par volonté de ne pas donner prise à la mollesse … » en quelque sorte. Lol…
Que nous démontre la victoire électorale du Hamas ? Qu’un peuple peut être suffisamment aliéné par sa culture religieuse ou politique, au point de condamner son propre avenir pour satisfaire à une inclinaison irrationnelle- le refus d’Israël (ou de tout autre voisin) - nullement vitale pour lui. Sous-jacente à cette constatation, se pose la question, cruciale, elle, du : comment en arrive-t-il là ? Et c’est là que le sens démocratique d’une collectivité, d’un peuple, d’une nation est interpellé. Quelle est en effet, sa base culturelle, ses fondements historiques, ses acquis éducatifs, la consistance de ses institutions, la répartition des pouvoirs et de leur indépendance réciproque ? Bref, quelle identité peut porter ou non, les valeurs démocratiques, dites universelles. Du moins celles que nous entendons comme telles ?
M. Pascal, vous choisissez sciemment de vous cacher derrière votre petit doigt. Vous vous proclamez suffisamment spécialiste en la matière pour ignorer ce qui constitue le Hamas – sa charte notamment- et les raisons pour lesquels des électeurs lui accordent leurs voix. Quand une collectivité, choisit aussi évidemment de dire "non" à travers les urnes : non à la corruption arafiste, certes, mais aussi non à un avenir paisible avec ses voisins et en tout cas, non à un avenir pluraliste, inenvisageable sous l’empire de la sharia, C’est qu’elle se fiche de notre démocratie comme de sa première babouche. qu’elle est mue par des considérations autres, tout autres, nullement lisisbles par une démocratie et en tout cas inacceptables par elle. Que l’autorité agissant en son nom, même si elle en a l’apparence lointaine, n’est en rien démocratique. Ici comme au Liban qui d’ailleurs est régi par une « démocratie » de rapports de forces ethniques, claniques et religieuses, constamment changeant, le système de vote, plus ou moins sincère, ne sert au mieux qu’à substituer un système antidémocratique à un autre, quand les circonstances font que les règles élémentaires de gouvernance sont respectées.
Non, vous vous trompez, une fois encore. Ce ne sont pas trois régimes démocratiques qui sont poussés à la confrontation par leurs électeurs. Ce sont deux façons inégales de vivre, de voir le monde, d’envisager l’avenir, irréductibles entre elles, qui s’affrontent. Il se trouve que le caractère démocratique de l’un, Israël, met encore plus en évidence l’échec civilisationnel abyssal de l’autre. Que cet autre croit pouvoir changer la donne en regardant le miroir décrépi de sa splendeur défunte (qu’il fantasme comme telle). La démocratie dans ce contexte est un ingrédient somme toute insignifiant.
On peut faire un copié collé et ça devient intéressant !
"Qu’un peuple puisse être suffisamment aliéné par sa culture religieuse ou politique, au point de condamner son propre avenir [en oubliant sa propre histoire pour sucomber à la barbarie et au racisme le plus nauséabond, ] se pose la question, cruciale, elle, du : comment en arrive-t-il là ?"
Je n’irais pas jusque là parceque mes oeillères me permettent "encore" de saluer les justes qui s’élèvent en Israel pour crier Halte au massacre !