Pour changer, notre chroniqueur américain, Doug Ireland, tombe à bras raccourcis sur le candidat Républicain John McCain, un sacré va-t-en-guerre, jugé colérique, qui se dit prêt à en découdre avec l’Iran.
La semaine dernière, alors que la guerre fratricide battait son plein entre les démocrates Barack Obama et Hillary Clinton, le candidat républicain à la présidence, John McCain, 72 ans au compteur, s’est offert un voyage « présidentiel » en Irak, au Moyen-Orient puis en Europe.
Pour l’occasion, il a emporté dans ses bagages son grand copain et ex-sénateur démocrate du Connecticut, Joe Lieberman. Cet ancien candidat à la vice-présidence sur le « ticket » d’Al Gore en 2000 est un farouche supporter de la guerre en Irak, qui a perdu sa place pour un quatrième mandat au Sénat, en 2006, lors d’une primaire remportée par un candidat anti-guerre. Joe Lieberman, qui n’a été réélu comme candidat indépendant que grâce au vote massif des Républicains, n’a pas encore officiellement rallié McCain, mais c’est tout comme.
Lors d’une conférence de presse en Jordanie, John McCain, qui clamait en janvier que les militaires américains pouvaient rester en Irak « pour 100 ans » a commis ce que le quotidien Le Monde en date du 20 mars qualifie un peu vite de « bévue ». « C’est un fait notoire, comme les médias l’ont rapporté, qu’Al Qaïda va en Iran pour s’entraîner puis revient en Irak depuis l’Iran » a déclaré le candidat républicain.
Il a aussitôt été corrigé par son copain Lieberman qui lui a chuchoté : « tu as dit que les Iraniens entraînent Al Qaida, mais tu voulais dire qu’ils entraînent des extrémistes. » Et Mc Cain de se reprendre illico : « je vous prie de m’excuser, les Iraniens entraînent des extrémistes, pas Al-Qaïda. » Hélas pour le candidat présidentiel, sa brève conversation avec Lieberman a été enregistrée par des caméras de télévision.
Selon John Mc Cain, l’Iran chiite entraînerait donc les milices sunnites d’Al Qaïda. Alors même que chiites et sunnites se font la guerre en Irak. Les bras m’en tombent. La plus grande formation politique d’obédience chiite en Irak, et le socle de son gouvernement actuel, est le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), dont le QG, financé par les Iraniens, se trouvait à Téhéran du temps de Saddam Hussein. De plus, les salaires des soldats de la milice bien armée du CSRII, le Corps Badr, étaient payés par le régime iranien. Quant au chef spirituel des chiites d’Irak, le Grand Ayatollah Ali Al-Sistani, qui est aussi le guide suprême du CSRII, il est lui-même Iranien.
L’un des principaux objectifs d’Al Qaïda en Irak est de détruire le gouvernement actuel, dominé par les chiites et le CSRII, que l’organisation terroriste considère comme une bande de collabos de l’Amérique impérialiste. Enfin, les principaux ministères du gouvernement irakien, à commencer par celui de l’Intérieur, sont noyautés par les pro-iraniens, comme l’a rapporté à plusieurs reprises le New York Times.
Au vu de ces éléments, est-ce bien raisonnable de penser que l’Iran chiite arme et entraîne les fidèles de feu Al Zarqawi, l’ex-chef d’Al Qaïda en Irak et auteur de l’attentat meurtrier contre le Dôme d’or de Samaera, l’un des principaux lieux saints du chiisme ? Dans ce contexte, pourquoi diable Téhéran souhaiterait la chute de l’actuel gouvernement irakien et entraînerait les hommes d’Al Qaïda dans ce but ? C’est un non-sens.
Les télévisions américaines ont toutes montré le spectacle de McCain répétant comme un perroquet les rectificatifs que Lieberman lui glissait à l’oreille, puis présenter ses excuses. Mais la phrase incriminée était-t-elle réellement un lapsus, comme l’a laissé entendre Le Monde ?
S’agissait-il d’un trou de mémoire d’un homme âgé (Brit Hume, le chef du service politique de la chaîne conservatrice Fox News, a qualifié la scène de « senior moment », l’égarement d’un sénior) ? Est-ce l’ignorance qui a parlé ? Que nenni !
Sur la chaîne d’info MSNBC, le 22 mars, Keith Olberman (le chouchou des progressistes depuis qu’il présente une heure mordante de « news » semi-satiriques tous les soirs depuis deux ans) a pris un malin plaisir à démontrer, enregistrements a l’appui, que « le couplage Iran-Al Qaïda a été l’un des éléments clé du discours de McCain pendant son voyage au Moyen-Orient. »
Trois jours avant la prétendue « bévue », McCain déclarait à une radio de droite : « comme vous le savez, il y a des barbouzes d’Al Qaïda qui sont reprises en Iran, entraînées comme leaders, puis qui retournent en Irak. » Il a même récidivé à quatre reprises en trois jours ! Pour enfoncer le clou, le soir du 22 mars, son staff de campagne a distribué un communiqué de presse ou l’on pouvait lire : « Al Qaïda et des extrémistes chiites, avec le soutien de pouvoirs externes comme l’Iran, courrent toujours [en Irak] et ne sont pas encore vaincus. »
En fait, McCain est en train de préparer l’opinion publique américaine à une frappe militaire contre l’Iran. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Pour un politicien comme McCain, c’est facile d’imaginer un lien entre l’Iran et Al Qaïda, puis de tout mélanger en proclamant que seule une attaque militaire pourrait empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. « Une seule chose est pire qu’une solution militaire mes amis, c’est un Iran doté d’armes nucléaires » claironne d’ailleurs le candidat républicain.
Lors d’un meeting le 18 avril 2007, Mc Cain a même répondu à une question sur l’Iran en chantant « Bomb bomb Iran » sur l’air du célèbre tube des Beach Boys, « Barbara Ann », comme on peut l’admirer sur cette vidéo.
Le sénateur McCain est une relique du passé. Sa vision du monde est celle d’un monde bipolaire façonnée du temps de la Guerre Froide. Avec l’effondrement des Etats communistes, il a tout simplement remplacé l’URSS par les islamistes radicaux. Pour McCain, il n’y a que des gentils et des méchants dont les noms et les idéologies se substituent les uns aux autres. Et, en plus, il perd la boule. Dans un article sur son « fameux tempérament colérique » paru dans le Boston Globe (27 janvier 2008), le sénateur Thad Cochran, un Républicain conservateur du Mississippi qui connaît bien son collègue McCain depuis trois décennies, disait de lui : « l’idée qu’il soit président me fait frissonner. Il est capricieux. Il est impétueux et exalté. Il se met en colère et explose pour un rien, et ca m’inquiète. »
Caractériel au point de compter peu d’amis au Sénat, John McCain vient d’une grande famille de militaires. Son père et son grand-père étaient Amiraux. McCain lui-même est un héros du Vietnam et un grand blessé de guerre. Il fait partie des pilotes de combats capturés par le Viêt-Cong et a été torturé pendant les cinq années qu’il a passé en captivité. Une épreuve qui l’a abîmé physiquement et psychiquement et qui explique sans doute ses violentes colères.
Il appartient à ceux qui pensent que si, pendant la guerre du Vietnam, on avait donné carte blanche à l’armée, les Etats-Unis l’auraient emporté. Qu’importe si la défaite au Vietnam ne relevait pas d’un problème de puissance militaire, le premier réflexe de John McCain demeure, lui,… militaire. Il est le candidat de ces Américains dont le but principal est une guerre sans fin contre les islamistes radicaux et il insiste sur la nécessité de lutter par tous les moyens contre ce qu’il appelle « le challenge transcendant de l’islam radical et extrémiste. »
Le sénateur septuagénaire s’entoure de néoconservateurs qui ont toujours rêvé d’étendre la guerre en Iran et en Syrie. Son porte-parole sur les questions de « sécurité nationale », Randy Scheunemann, était le porte-parole du « Committee to Liberate Iraq » qui, composé de néo-cons, faisait la promotion d’une guerre pour éradiquer le régime de Saddam Hussein avant même l’invasion de 2003. Et qui, déjà, dissertait sur un lien supposé entre Al Qaïda et Saddam. On sait maintenant que c’était faux.
Une belle brochette de néo-cons du même calibre que Scheunemann ont noyauté l’entourage de McCain. C’est le cas de ses conseillers en politique étrangère et notamment de William Kristol, rédacteur-en-chef du magazine phare des néo-cons, le Weekly Standard, dont les pages inventent toutes sortes de liens fictifs entre Al Qaida et l’Iran. Mais aussi de James Woolsey, ancien directeur de la CIA, et des idéologues néo-cons comme Robert Kagan, Max Boot et Gary Schmitt. Tout ce beau monde sans exception préconise un bombardement de l’Iran.
Grace à eux, McCain avance des idées déroutantes. Il veut par exemple passer outre les Nations-Unies en créant une nouvelle Ligue des Démocraties. Sa raison d’être ? « Légitimer » les interventions militaires des Etats-Unis si le Conseil de Sécurité de l’ONU refuse d’autoriser le recours aux armes. Dans ce cas de figure, disait McCain devant le Parlement Européen, « les Etats Unis feront tout ce qui est nécessaire pour garantir la sécurité du peuple américain. » Parmi les cibles de sa Ligue des Démocraties figurent pêle-mêle le Darfour, la Serbie, l’Ukraine, la Birmanie, le Zimbabwe et, bien sûr, l’Iran.
Un McCain président des Etats-Unis voudra aussi immanquablement se doter d’un nouvel outil au service de l’interventionnisme américain : un organisme parallèle à la CIA qui aura pour mission, comme l’écrivait McCain dans la prestigieuse revue Foreign Affairs, de « lutter contre les subversions et prendre des risques » paramilitaire et secrets, il va de soi. Et un organisme qui serait calqué sur le célèbre OSS, l’Office of Strategic Services américain qui, pendant la deuxième Guerre mondiale, était réputé pour ses opérations secrètes et incontrôlées.
L’idée d’avoir comme président un interventionniste primaire et un déséquilibré colérique avec un doigt tremblant sur la gâchette nucléaire est effrayante. La philosophie de John McCain, originaire de l’Arizona, peut se résumer par la phrase de prédilection des cow-boys dans les westerns : « shoot first and ask questions later ». Tire d’abord et pose des questions après.
Doug Ireland
Pourquoi ce racisme anti-vieux toutes les 10 lignes ? Au rebut, Churchill, Adenauer et tant d’autres …
Et au lieu d’ironiser, expliquez nous donc en quoi McCain a tort de dire qu’il préfère un Iran bombardé plutôt qu’un Iran avec la bombe ?
Irez-vous visiter Tel Aviv vitrifié, après qu’Ahmadinejad qui nous balade depuis tant d’années aura eu son heure de gloire islamique ? D’accord, il aura aussi fait vitrifier Téhéran, mais nous cela ne nous consolera pas …
En fait, dans votre article, ce qui est consolant c’est que vous sentez bien que contre Hillary, et à plus forte raison contre Obama, c’est McCain qui l’emportera en Novembre, heureusement pour nous et par ricochet pour vous.