Les dernières nominations de Barack Obama à son nouveau gouvernement, la semaine dernière, indiquent que son équipe penche de plus en plus à droite.
C’est à l’occasion d’une conférence de presse où il dénonçait les régulateurs de l’industrie financière pour avoir facilité la crise en étant « endormi au volant », qu’Obama a nommé comme chef du SEC (Securities and Exchange Commission, l’agence fédérale qui contrôle les bourses) un Républicain, Mary L. Schapiro.
Mais Schapiro est l’actuelle chef de la FINDRA (Financial Industry Regulatory Authority), l’agence chargée de réguler les 5100 maisons de courtage qui vendent les actions en bourse. Et puisqu’elle est au FINDRA depuis 1996, elle fait partie des régulateurs qui n’ont rien vu venir : ni « l’escroquerie du siècle » de 50 milliards de dollars du courtier Bernard Madoff, dont la supervision revenait au FINDRA, ni les autres escrocs qui vendaient des actions basées sur les paquets d’emprunts-logement « sub-prime » sans aucune valeur. Elle était donc parmi ceux qui s’étaient « endormis au volant ». Schapiro est devenue éminente grâce à… Ronald Reagan, qui l’avait nommée membre du SEC. Changement ? Vous avez dit changement ?
Ray LaHood, républicain et membre du Congrès depuis 14 ans, a été nommé de son côté Secrétaire du Transport par Obama. LaHood est l’ancien chef du cabinet de feu le leader des Républicains au Congrès, le réactionnaire Bob Michel. Dans un portrait, que lui avait consacré il y a quelques années le Washington Post, LaHood était décrit comme un « conservateur » qui reçoit « des bons classements par les lobbys conservateurs ». En même temps, LaHood s’est distingué par une opposition féroce aux mesures pour la protection de l’environnement. Sesses votes au Congrès où son score à la League of Conservation Voters, une des plus vielles associations environnementales, montre qu’il n’y a que 27% de ses votes au Congres sur les questions environnementales qui sont acceptables.
Le poste de Secrétaire du Transport auquel LaHood vient d’être nommé aura plus d’importance que d’habitude dans le nouveau gouvernement. Une grande partie du « plan de relance » d’Obama, qui sera chiffré autour de 850 milliards de dollars selon les dernières fuites dans la presse, sera en effet octroyée au renouvellement des transports. Au Congrès, Lahood était un des chouchous du lobby ferroviaire. Changement ? vous avez dit changement ?
Bob Gates - Secrétaire de la Défense de Geoge W. Bush retenu à son poste par Obama - Schapiro, et LaHood : 3 Républicains à des postes clés. Et donc une ouverture considérable à la droite républicaine. Il faut ajouter que le nouveau Secrétaire de l’Éducation d’Obama, Arne Duncan, est du même bord. L’ancien Secrétaire de l’Éducation de Bush, Ron Paige, a d’ailleurs chanté les louanges de Duncan comme un « héros de l’éducation ». Et dans l’hebdomadaire progressiste The Nation, daté du 29 décembre, l’excellent Alfie Kohn, auteur de 11 livres sur le système d’éducation, décrit l’agenda du nouveau Secrétaire nommé par Obama comme ayant pour principe de base « la fermeture d’écoles de proximité dans les quartiers, la militarisation du système, et la privatisation de la gestion des écoles publiques » ! Tout un programme… de la droite dure.
Mais Obama ne s’est pas arrêté là. À la surprise générale, il vient de nommer le sénateur démocrate du Colorado, Ken Salazar, comme Secrétaire de l’Intérieur. Même si Salazar est Latino, il ne représente vraiment pas les défavorisés, car il est l’héritier d’une riche famille propriétaire de vastes terres dans le Far West des Etats-Unis. Salazar est l’un des [AJOUTEZ : deux] sénateurs démocrates les plus conservateurs, avec le Sénateur Ben Nelson du Nebraska. D’ailleurs, il a plus souvent voté avec l’administration de George W. Bush qu’avec les Démocrates.
Le Secrétaire de l’Intérieur est chargé de protéger les terres vierges contrôlées par le gouvernement fédéral du pillage et de l’exploitation. Mais selon le Center for Public Integrity, qui contrôle le financement des campagnes électorales, on retrouve, parmi les plus grands donateurs aux campagnes de Salazar, les patrons des sociétés des mines et des entreprises pétrolières. L’aile progressiste du Parti Démocrate n’a donc pas digéré la nomination de Salazar. Car Obama l’avait bernée en laissant entendre qu’il nommerait plutôt Raul Grijalva de l’Arizona, un Latino issu d’une famille pauvre et président du groupe parlementaire de l’aile gauche du Parti Démocrate au Congrès. Ainsi, les progressistes n’ont pas eu le temps de mobiliser une opposition à la nomination du démocrate conservateur Salazar, qui les écœure tant.
Les nouvelles nominations d’Obama, comme les précédentes, sont aussi caractérisées par des conflits d’intérêts criants. Prenons, par exemple, Carol Browner, que le nouveau président vient de nommer comme son « tsar d’énergie » à la Maison Blanche. Browner n’est pas une tête nouvelle, puisqu’elle avait été le chef de l’EPA (l’Agence pour la protection de l’environnent) de Bill Clinton, où elle n’a rien accompli pour freiner l’effet de serre et où elle n’a pas laissé un souvenir impérissable. Mais Browner a un conflit d’intérêt énorme, puisqu’elle est mariée a Tom Downey, un ancien membre du Congrès devenu un prince parmi les lobbyistes généreusement rémunérés par les multinationales. Parmi les clients de Downey, on compte les géants pétroliers Exxon Mobil, Chevron, et Keyspan Energy, qui ont tous intérêt à être vus favorablement par le « tsar d’énergie » d’Obama.
Browner elle-même, au moment de sa nomination, était l’une des collaboratrices du cabinet de conseils de Madeleine Albright, l’ancienne Secrétaire d’État de Bill Clinton. Et en tant que telle, elle s’est jointe à son mari pour rendre de menus services au gouvernement de Dubaï, quand il avait essayé de s’acheter une compagnie contrôlant six ports importants de New York, New Jersey, ainsi que d’autres états côtiers. L’acquisition avait alors créé un scandale et le Congrès l’avait finalement bloquée. Malheureusement, on ne sait pas pour quels autres gouvernements ou sociétés Browner a travaillé car le cabinet d’Albright refuse de divulguer ses clients. Mais le tandem Browner-Downey ne représente guère le « changement » dans les mœurs de Washington tant promis par le candidat présidentiel Barack Obama.
Puis il y a Tom Vilsack, l’ancien gouverneur démocrate de l’état d’Iowa et éphémère candidat présidentiel contre Obama. Il vient d’être nommé Secrétaire de l’Agriculture. Pendant sa campagne, Obama avait promis, comme l’a rapporté ABC News, de diminuer considérablement les subsides fédéraux aux agriculteurs, car s’ils ont été inventés pour aider les paysans pauvres, ils ont été scandaleusement accordés depuis des lustres à « l’agrobusiness », ces géants de l’agriculture multimillionnaires. Or, comme l’a révélé le 17 décembre, le journal Politico, Vilsack a lui-même profité de 42 783 dollars de subsides du ministère dont il vient d’être nommé le chef. Qui plus est, après avoir été gouverneur, le cabinet d’avocats, dont Vilsack est un partenaire, se vantait de louer ses talents de lobbyiste à l’agrobusiness, aux fabricants d’Ethanol et autres sources alternatives d’énergie. Et, comme l’a commenté Politico, le job de Vilsack comme lobbyiste « semble heurter la promesse d’Obama d’interdire les membres de son gouvernement de travailler sur les dossiers ayant un lien avec leur ancien emploi pour au moins 2 ans. »
Dans la même catégorie, il y a aussi Tom Daschle, l’ancien sénateur démocrate du Dakota du Sud qu’Obama vient de gratifier de deux postes en même temps : il sera le nouveau Secrétaire de Santé mais aussi le « tsar de santé », un nouveau poste créé par Obama à la Maison Blanche pour donnez plus d’importance et plus de maitrise présidentielle à ce dossier. Or Daschle, qui n’est plus au Sénat, travaille depuis 4 ans dans un puissant cabinet d’avocats-lobbyistes à Washington, qui n’a pas moins de 21 clients parmi les géants de l’industrie de santé (hôpitaux, sociétés pharmaceutiques, et autres.) Encore un conflit d’intérêt plus que consternant.
Avec toutes ces nominations de conservateurs, il n’est pas surprenant que 59% des républicains approuve le nouveau gouvernement d’Obama dans un nouveau sondage publié le 20 Décembre par le Washington Post-ABC News. Et puisque les médias de masse n’ont guère accordé de place dans leurs reportages aux conflits d’intérêts massifs au sein de la nouvelle équipe d’Obama, il n’est pas non plus étonnant que trois américains sur quatre approuvent la transition d’Obama (dans ce même sondage). Mais, à long terme, si le changement tant attendu par les électeurs se révèle absent de la gouvernance d’Obama, la déception risque d’être encore plus rude. Changement ? Vous avez dit changement ?
Je crois que vous avez quelques réponses à vos doutes/questions/septicisme quant à la politique d’Obama :
Day one :
Acte I : fermeture de guantanamo et arret de toutes les procedures en cours là-bas
Acte II : arrêt de la torture
Acte III : gele des avantages particuliers accordés par l’administration Bush au staff présidentiel, pour cause de crise
Les actes suivants confirmeront.
Alors les septiques, vous avez dit doute au changement ? Y’a bien du changement dans l’air !
Le dessin de Pakman résume très bien la situation, on verra bientôt apparaitre les fils de marionettistes.
Yes, we can…Yes, we could…Maybe, we might do it…Ecoutez, réduire le débat politique à la simple question du pouvoir d’achat, c’est absurde.
Sarkomence … en anglais.
Ce qui prouve encore une fois que "droite/gauche" n’est pas le bon repère politique
PS = parti démocrate US ? Non ! Il y a en effet un problème. A commencer par un fait historique : le parti démocrate US a ses racines dans le parti bourgeois des sudistes, parti conservateur, esclavagiste. Le PS est issu en revanche du mouvement ouvrier.
On comprend pourquoi la bourgeoisie veut la liquidation du PS en tant que parti SOCIALISTE en France que ce soit côté MODEM, ou UMP voire Bobo-Marianne à leur manière et… nombre de dirigeants du PS eux-mêmes ! C’est pas du tout le cas aux USA concernant le parti démocrate.
La véritable égalité est donc parti démocrate US = parti républicain US
Malgré ce titre ni vrai, ni faux (la question n’est pas qu’Obama se "droitise" mais qu’il est un bourgeois à la tête d’un parti bourgeois et conduisant une politique bourgeoise), merci tt de même à Bakchich pour les infos détaillées sur les nominations d’Obama et leur sens politique même si d’évidence aucune illusion n’était/n’est permise…
Les masses américaines de travailleurs, de jeunes etc. sont dupés en permanence et ce n’est pas la politique d’Obama prônant « la fermeture d’écoles de proximité dans les quartiers, la militarisation du système et la privatisation de la gestion des écoles publiques » qui va leur apporter les lumières nécessaires. Ni ceux qui ont répandu les illusions sur "la révolution Obama" (sic)
A ce sujet Bakchich quelle est ta source car d’évidence la bourgeoisie française a le même programme pour l’école ? C’est donc bien intéressant.