La chance sourit parfois aux mauvais pilotes… et à leurs passagers ! Dans ce deuxième épisode de notre série d’été, un Boeing se trompe de piste d’atterrissage et manque de percuter quatre autres avions.
Y avait-t-il un pilote dans l’avion ? C’est la question que l’on peut benoitement se poser en prenant connaissance de l’incident qui s’est produit le 1er mars dernier à l’aéroport de Casablanca. Un Boeing 737 de la compagnie à bas coût belge Jetairfly, qui s’apprêtait à atterrir en provenance de Charleroi, s’est aligné sur une aire de roulage (taxiway), sur lequel se trouvaient quatre avions prêts à décoller, au lieu de la piste 35 droite prévue initialement avec le contrôle aérien.
C’est grâce à la présence d’esprit d’un des pilotes d’un avion au sol que la catastrophe a été évitée de justesse. Si les versions de l’incident divergent selon les différentes sources, une chose est sûre : ce pilote de la compagnie Royal Air Maroc, qui a vu l’avion belge descendre dangereusement vers ce qu’il croyait être la piste, a hurlé sur la fréquence de la tour de contrôle « vous êtes alignés sur le taxiway, remettez les gaz ! », provoquant ainsi un réflexe salvateur chez les pilotes belges.
Selon le quotidien marocain L’Opinion, qui a révélé l’affaire, l’avion aurait effectué cette remise de gaz in extremis, passant à 30 mètres (100 pieds) des avions au sol. Une affaire suffisamment grave pour que le directeur général de l’ONDA (Office national des aéroports) déclare à l’AFP : « S’il y avait eu la moindre inattention, nous aurions eu une catastrophe ».
En matière de collision au sol, l’accident qui a fait le plus de victimes dans l’histoire de l’aérien a eu lieu le 27 mars 1977, sur l’aéroport de l’île de Tenerife aux Canaries. Un Boeing 747 de la compagnie néerlandaise KLM entame son décollage et percute à plus de 250 km/h un autre Boeing 747, de la compagnie américaine Pan American qui roulait sur la piste. La catastrophe a fait 583 victimes.
Potentiellement, si l’avion de Jetairfly avait poursuivi son atterrissage sur le taxiway sur lequel étaient positionnés les quatre avions, le nombre de victimes aurait pu être supérieur. Comment les pilotes de Jetairfly ont-ils pu commettre une telle erreur de pilotage ?
« Ils effectuaient une approche à vue, c’est-à-dire qu’ils avaient choisi de ne pas être guidés automatiquement par l’ILS (Instrument Landing system : un système de guidage automatique de l’approche). Mais dans le cas d’une approche à vue, les pilotes doivent surveiller visuellement, à travers le pare-brise, la position de la piste. On ne maintient pas ce type d’approche par mauvaise visibilité. Elle permet de gagner un peu de temps par rapport à une approche ILS. S’ils se sont alignés sur le taxiway, c’est qu’ils n’ont pas vu les quatre avions au sol. Cela parait aberrant ! », explique le commandant de bord d’une grande compagnie.
Juste après l’incident, le pilote de la RAM (Royal Air Maroc) était chaudement remercié, le contrôle aérien lui déclarant même qu’il avait « sauvé la nation ». Peut-être voulait-il parler de « l’avion » car la compagnie belge n’avait pas déclaré la guerre au Maroc…
Le responsable de l’ONDA demandait, de son côté, des sanctions contre l’équipage auprès de l’aviation civile marocaine. Depuis, les choses se sont arrangées entre gens du beau monde aérien. Une responsable de l’aéroport trouvait un créneau à la radio pour expliquer que la tour de contrôle étant « fortement équipée en radars, le scénario de l’avion s’écrasant sur les quatre autres était fortement impossible ». Elle expliquait également que « c’est le pilotage manuel, à vue qui avait induit le pilote en erreur. Ensuite, il a remis le pilotage automatique et a retenté un atterrissage ».
Des explications techniques aussi courtes qu’une piste de Toronto pour un avion d’Air France et qui, en réalité, ne voulaient pas dire grand chose, puisque le pilote en fonction a forcément fait sa remise de gaz, puis son atterrissage en manuel et à vue. D’autres, comme d’habitude, avançaient des circonstances atténuantes : le taxiway T de cet aéroport est très large car il était utilisé auparavant comme piste.
La confusion peut naître pour les non habitués, mais de là à ne pas remarquer la présence des quatre avions, il faut le faire ! Un vent aurait aussi poussé l’avion hors de son axe, une brume aurait empêché les pilotes de voir la piste. Sacrée météo, bien utile pour expliquer les erreurs de pilotage ! La compagnie, elle, a aussi publié un démenti formel : le pilote du Boeing 737 en provenance de Charleroi a atterri « de manière correcte » et la compagnie n’avait pas été informée d’une plainte éventuelle déposée contre son pilote. Les passagers peuvent effectivement confirmer que la deuxième tentative d’atterrissage a été correcte !
A lire ou relire sur Bakchich.info
A l’attention de "Franck" : Je maintiens ce que j’ai écrit dans cet article. Selon des sources concordantes, les pilotes de Jetairfly se sont bien alignés sur le taxiway et la situation était potentiellement accidentogène, au point que le responsable des aéroports marocains envisagent de demander des sanctions contre l’équipage. Qu’il ait été passé ensuite un "gentleman agreement" avec la compagnie n’est pas le sujet. Que vous, qui travaillez certainement dans l’aérien, ayez du mal à reconnaitre qu’il y a de mauvais pilotes aux commandes (qui par ailleurs supportent mal toute remise en cause) et des compagnies qui jouent avec le feu, c’est à dire avec la sécurité des passagers est un autre problème qui trouve comme corollaire le corporatisme régnant dans cette profession et la loi du silence qui y règne également. Pour info, la compagnie n’a pas souhaité s’exprimer plus que dans son communiqué où elle déclare, comme souvent, que "tout s’est bien passé". Enfin, votre avis est certes très précieux, mais je crois que je vais continuer à exercer le métier de journaliste.
L’auteur de l’article
A François Nénin : Merci de m’avoir publié.
Vous éludez complétement mes objections, mais la modération dans votre réponse tranchant avec le caractère quelque peu racoleur et sensationaliste de l’article, je mets donc un bémol à mon intervention et me félicite que vous continuiez à être journaliste.
Quelles sont les sources concordantes dont vous parlez ? Merci de bien vouloir les citer.
Je reconnais volontiers qu’il puisse y avoir de "mauvais" pilotes. Mais vous semblez tout mettre sur leur dos. N’oubliez pas que l’"autorité" (la DGAC et les autorités européennes de plus en plus) leur donne une licence, que les compagnies aériennes les sélectionnent, les embauchent, les entraînent et les promeuvent, tout ça sous contrôle de l’"autorité", qui défini les règles d’opérations et les limites de durée de travail ! Mal entraîné, trop vite promu et fatigué, tout pilote devient mauvais ! Je partage votre combat pour la sécurité aérienne, mais vous en prendre aux pilotes uniquement ne me semble pas pertinent.
Vous critiquez le corporatisme des pilotes : le peu qu’il en reste leur permet parfois de lutter tant bien que mal pour la sécurité, comme récemment quand ils ont demandé le changement de sonde pitot.
La "loi du silence" règnerait parmi les pilotes ? Au contraire, la dénonciation publique des problèmes via les médias est aujourd’hui un moyen d’action des pilotes pour améliorer la sécurité : voyez le site www.eurocockpit.com et www.jacno.com . Tout y est, faites leur donc plutôt écho !
Loi du silence ? J’ai entendu que les Hôpitaux de Paris sont venus chez Air France précisément pour découvrir et s’inspirer de cette culture ouverte du retour d’expérience où tous les incidents et erreurs sont reportés spontanément par ceux qui les ont vécus et diffusés à tous afin d’améliorer la sécurité : le contraire de la "loi du silence" que vous évoquez !
A propos de la remise en cause des pilotes : elle est permanente, voyez aussi le site www.ifalpa.org et notez que les questions de sécurité y sont omniprésentes !
A François Nénin et Phil Scapa :
M. Scapa, soyez un rien critique svp par rapport à ce que vous lisez avant de sauter dans vos conclusions à l’emporte-pièce ! En effet, si quelqu’un n’a rien à faire dans son métier, c’est probablement M. Nénin dans celui de journaliste. Comment accorder du crédit à quelqu’un qui commence son article par des phrases aussi racoleuses et péremptoires que "pilotes à la vue basse", "mauvais pilote",… et, avide de sensationnalisme, échafaude un scénario de crash, en n’hésitant pas à le comparer au pire crash de toute l’histoire !!
M. Nénin, avant d’écrire n’importe quoi :
1. Que les pilotes aient remis les gaz dès que ça leur ait été demandé par la fréquence de la tour n’implique pas qu’ils étaient alignés sur le taxiway, mais qu’ils écoutent et appliquent les instructions, en l’occurence de ce qu’ils pouvaient croire être la tour. Même en cas de doute, ils ont choisi la prudence : remettre les gaz d’abord, essayer de comprendre après.
2. Dans ce petit film http://www.youtube.com/watch ?v=wmDdQz6QlFs , on voit qu’il est possible de croire, si on n’a pas le temps d’intégrer sa trajectoire, que l’avion va se poser sur vous alors qu’il est simplement en train de faire une approche vent de travers !
3. Tapez "aéroport Casablanca" dans http://maps.google.fr/ , zoomez et voyez que le taxiway qui se trouve à droite de la piste 35 droite ne comporte aucune marque. Même s’il l’erreur est humaine et qu’il est pas impossible a priori de s’aligner sur un taxiway, il n’est pas nécessaire de descendre à 100 pieds (30 mètres) pour se rendre compte que les marques spécifiques ne sont pas là et comprendre qu’on est aligné sur autre chose qu’un piste. D’ailleurs vous citez vous-même un Commandant de Bord qui vous dit que ce serait aberrant ! On voit aussi que l’aéroport n’a que 2 pistes : comment le pilote pourrait-il laisser 2 pistes à sa gauche tout en sachant qu’il y a 2 pistes ?
4. Précision technique : vous affirmez que le pilote a FORCEMENT remis les gaz en manuel et a fait sa deuxième approche à vue. Ça n’est pas obligatoire : il est tout à fait possible de remettre les gaz en automatique et de faire un approche et un atterrissage automatique sur la piste 35 droite à Casablanca.
Essayez, s’il vous plait de faire un bon travail de journalite, et pas de spéculer gratuitement pour vous faire mousser ! Merci.