La compagnie aérienne irlandaise, reine du low-cost, tire sa toute-puissance d’un talent certain pour contourner les lois, voire menacer les élus.
Marseille n’est pas la seule à avoir chanté sous les diktats de Ryanair.
Chantage aux subventions, captations des subsides publics transférés vers un paradis fiscal, infractions aux lois européennes sur la concurrence… Depuis 2003, peu d’entorses aux règles commerciales manquent au tableau de bord de la compagnie. Une délinquance récidiviste qui n’émeut guère les pouvoirs publics, malgré de très nombreux rapports des chambres régionales des comptes. Enrico Porsia, décortique la machine à cash irlandaise dans son documentaire Low-cost, voyage au pays du capitalisme sauvage. Un redoutable « chasseur de subventions », peste Air France, qui a porté plainte le 27 novembre auprès de la Commission européenne. En cause, le montant des subventions récoltées par Ryanair à travers l’Europe. Près de 660 millions d’euros en 2008 pour un résultat net positif de… 390 millions. Le théorème est simple : Ryanair tire son grisbi du pognon du contribuable européen, notamment français.
Avec une préférence pour le péquin de province. Roi de l’aéroport d’Angoulême, le patron de Ryanair, Michael O’Leary, a par exemple soutiré 925 000 euros au conseil général de Charente. Un contrat en bonne et due forme signé en 2008, que le flibustier irlandais piétine allègrement. En réclamant, deux ans plus tard, une rallonge de près de 175 000 euros, sans quoi les dessertes vers le Ségolénistan seraient moins fréquentes. Tant pis si sa demande enfreint la légalité française, européenne et contractuelle. Refus des élus égale restriction des vols, menace Ryanair. Si Ryanair n’applique son chantage qu’en bout de piste, la méthode donne des résultats convaincants. Fort avenante également, la chambre de commerce de Montpellier ne rechigne guère à lâcher 400 000 euros par an à une filiale de Ryanair domiciliée dans le brumeux paradis fiscal de l’île de Man. Le tout pour un contrat d’e-marketing dont la chambre régionale des comptes doute de la réalité. Éric Demon, le président de la commission aéronautique de la chambre de commerce avoue, même face caméra, n’avoir jamais vu ledit contrat ! Saint Thomas n’a pas l’étoffe d’un Hérault.
« Je ne comprends pas pourquoi l’ensemble du territoire français peut aujourd’hui trouver des vols à 30 euros, sauf la Corse. » Le 31 octobre 2007, le tout frais président Sarkozy lance une diatribe devant l’Assemblée de Corse. Il appelle de ses voeux l’envahissement de l’espace aérien par les compagnies low-cost. Depuis, le squatteur de l’Élysée s’est un peu fâché avec l’une d’elles, Ryanair, faisant même condamner en 2008 la société irlandaise pour le détournement de son image et de sa femme dans une publicité. Trop tard, les flibustiers irlandais se sont déjà implantés au coeur de l’île de Beauté, à Figari, où la tradition d’accueil n’est plus à vanter. Car les Corses ont su cajoler Ryanair : oubli de réclamer la taxe à verser à la collectivité locale, contrat d’e-marketing et aides directes… Le tout sans qu’aucune notification à Bruxelles, comme l’exige la législation européenne en matière de subventions, soit rédigée. « En quoi cela vous dérange ? » se défend benoîtement le directeur de l’aéroport, Jean-Marc Serra, devant la caméra d’Enrico Porsia, réalisateur de Low-cost, voyage au pays du capitalisme sauvage. Un argument des plus convaincants qu’ont déjà pu apprécier les spectateurs de la fête de l’Humanité, où le documentaire a été pour la première fois dévoilé. Première diffusion le 9 octobre, au théâtre municipal de Bastia. Découvrir que l’argent public a permis à Ryanair de devenir leader en Europe a conféré à l’atmosphère un air riant
Voyage au pays du Capitalisme sauvage sera diffusé lundi 22 novembre, au Palais des congrès d’Ajaccio
Pour voir l’enquête d’Enrico Porsia, c’est par ici
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