Arrivé au printemps, le n°1 de Thales, Luc Vigneron, qui présentait sa stratégie vendredi, a marqué le groupe de son empreinte. L’affaire des intermédiaires est déjà une belle réussite…
« Parmi les 400 cadres dirigeants conviés à écouter Luc Vigneron, combien comprendront à la fin de son discours qu’il ne leur restera plus qu’à faire leurs affaires ? » A l’approche du discours programme que le PDG de Thalès devait prononcer le vendredi 11 décembre à Jouy, c’était à ce genre de devinette grinçante qu’on mesurait l’ambiance charmante à l’intérieure de la maison. Une maison à présent gérée de près par Dassault.
Plusieurs têtes devraient tomber parmi les patrons des six divisions en place depuis l’époque de Denis Ranque, le précédent patron. Logiquement, chez leurs collaborateurs, on psychotait sec à propos des conséquences d’un éventuel « nettoyage » par le haut. « Vigneron n’apprécie guère les dîners en cachette de certains barons avec Ranque » rapporte un connaisseur des arcanes.
A écouter les pronostics les plus noirs, Reynald Seznec, directeur de la division Espace, devait y passer, tout comme Pascale Sourisse, directrice de la division terre & interarmées. Mais les dernières heures ont été très agitées. Visiblement un changement de dernière minute aurait eu lieu concernant ces deux dirigeants. Jean-Loup Picard, le directeur de la stratégie est donné partant. Marc Darmon, le patron de la division navale serait rétrogradé numéro 2 de l’audit. Quant à la directrice de la communication, elle devrait subir le changement de régime. Enfin on compterait une démission, celle d’Olivier Houssin, un temps numéro 2. Bref, c’est agité.
Le patron de la division systèmes aériens ( radars etc) Richard Deakins, a lui décidé depuis déjà un bout de temps de prendre ses cliques et ses claques. Signe d’un climat pour le moins délétère, le ressortissant de la perfide Albion ne s’est pas privé de faire connaître ses intentions jusqu’à l’autre bout du monde. Notamment auprès de prospects asiatiques du groupe. « Du coup, la nouvelle de son départ nous est arrivée aux oreilles depuis Hong-Kong », raconte une dirigeante encore ébahie.
Pour la forme, Vigneron lui a tout récemment proposé un poste de moindre importance en Angleterre, proposition que Deakins ne pouvait accepter. Ce qui arrange l’intéressé qui connaît son point de chute depuis un certain temps. Il ira pantoufler en Angleterre chez un client de Thales, le NATS, l’organisme responsable de l’aviation civile sur l’île. Au moins Vigneron, n’aura pas besoin de forces commerciales trop fournies pour traiter avec cet organisme.
Attention ne pas plaisanter au sujet des intermédiaires. Depuis son arrivée, le nouveau patron ne s’est pas beaucoup exprimé. Mais les quelques décisions qu’il a prises n’en finissent pas d’atteindre le moral des troupes. Notamment au sujet des ESP - les External service providers – les intermédiaires qui servent à Thalès à faire aboutir des gros contrats moyennant rémunérations.
Or comme déjà raconté par Bakchich, Vigneron a décidé de s’en passer, notamment dans les zones où la concurrence est rude et où Dassault tente de fourguer ses Rafale ( Moyen Orient etc). Cette décision n’en finit pas d’agir comme des bombinettes à retardement pour Thalès. « Cela coûtera cher au groupe et son actionnaire principal », s’inquiète-t-on dans la maison. Au sens propre parce que les intermédiaires vraiment fumasses n’ont pas l’intention d’être abandonnés sans contreparties financières. Et au sens figuré parce que sans eux, Thales et Dassault risquent de voir un certain nombre de marchés lui passer sous le nez. Voilà qui ne va pas améliorer le carnet de commande en fort recul par rapport aux objectifs à en croire la dernière Lettre A( 9 milliards d’euros au lieu de 11) qui évoque aussi une provision de 300 millions pour financer les charrettes.
Côté stratégie, l’Etat-major de Thales donne des détails sur le rapprochement programmé avec Safran. A l’avenir, certains prévoient un rachat des parts de l’Etat dans Nexter ( la maison d’où vient Vigneron ) par Thales. Et d’autres spéculent sur le sens du nouveau découpage en sept divisions - une division Air Defense est créée, confiée en principe à Jean-Loïc Galle - qui favorise en fait les ensembles géographiques. De quoi favoriser un découpage par morceaux ?
A suivre au prochain épisode. En espérant que la plupart de ces informations soient vraies. Pour cela, on compte sur la validation par le quotidien les Echos dont le journaliste chargé de suivre Thales semble s’inspirer de Bakchich pour nourrir ses récents papiers ( ESP, restriction sur le parc de bagnoles etc). Sans doute une simple coïncidence. En tous cas la validation de nos infos par un journal sérieux fait vraiment plaisir.
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