La cour d’appel de Paris vient en effet de rejeter sa demande d’annulation de procédure pour travail dissimulé après sa collaboration avec la société Pretory, une sombre entreprise de sécurité, avec laquelle notre aiguilleur national du ciel aurait commis quelques abus. Et pas « à l’insu de son plein gré », croit la cour.
Premier groupe aérien mondial depuis sa fusion avec KLM, Air France vient de se faire sèchement étaler par la chambre de l’instruction dans le cadre de l’affaire Prétory, qui l’a débouté de sa demande d’annulation de la procédure.
Un dossier qui court depuis 2003 et qui embarrasse aussi bien notre champion national du transport aérien que quelques gros calibres de la police nationale. Ceci explique-t-il cela ? L’arrêt de la cour d’appel de Paris qui date quand même du 18 avril dernier n’a rencontré aucun écho.
En juillet 2006 Air France était en effet mis en examen, tandis que son Président Jean-Cyril Spinetta s’en tirait de justesse en n’étant placé que sous le statut de témoin assisté : motif « travail dissimulé » et avoir « eu recours sciemment » aux services de Prétory, une sulfureuse société de sécurité, employeur dissimulant l’emploi de ses salariés, elle même poursuivie pour « abus de biens sociaux, faux et usage et de faux, travail dissimulé, blanchiment de fonds commis en bande organisée ». Ce qui ne fait pas bon genre.
Joël Cathala, un ex-commissaire divisionnaire de la PAF (Police de l’air et des frontières), détaché en 1998 à la direction de la sûreté d’Air France, a, d’après la sécurité des vols d’Air France, vivement recommandé le recours à Prétory, dont les dirigeants sont de bonnes relations du commissaire. Prétory s’occupe d’opérations d’embarquement, de débarquement, et fournit quelques gros bras sur les vols sensibles. Une offre de service qui explose après les attentats du 11 septembre 2001. De 1 182 000 euros en 1999, le chiffre d’affaires de Prétory passe à 21 millions en 2003, et nos shérifs de l’air affichent une marge brute de 25% quand celle de la concurrence atteint péniblement 8%.
L’enquête judiciaire révèle en fait que les employés de Prétory n’étaient déclarés en France qu’à hauteur de 15 heures par mois (opérations d’embarquements et de débarquements), mais que les heures de vol (150 par mois) faisaient l’objet d’une sous-traitance via une société anglaise « Vortex Twenty Five », elle-même alimentée par des virements en provenance d’une société immatriculée dans les îles Vierges.
Non sans quelques détours par le Luxembourg, et ceci via un compte dont le titulaire est un ex-enquêteur à la brigade de répression du banditisme (L’ancien fonctionnaire est défendu dans ce dossier par Maître Herzog, aussi connu pour être l’avocat de Nicolas Sarkozy), condamné à dix-sept ans de prison pour quelques menus braquages. Assez curieusement la politique de recrutement de Prétory semblait privilégier l’embauche d’agents au casier judiciaire musclé.
Quoi qu’il en soit, cette sous-traitance illégale, car prohibée par les accords liant Air France à son prestataire Prétory, alimente quelques vilains soupçons de caisse noire.
En Janvier 2007, maître Farthouat, l’avocat d’Air France, saisissait la chambre de l’instruction en demandant la nullité de toute la procédure. Et ce, en plaidant l’ignorance, par la compagnie, des turpitudes de son prestataire. Avant de rendre son arrêt, la chambre aura pris son temps, puisqu’il lui aura fallu pas moins de 18 mois avant de conclure au rejet des demandes de l’avocat d’Air France.
« Une décision qui a pris le temps d’infuser », ironise un observateur qui s’étonne de ce délai, en soulignant que, dans son arrêt, la cour relève qu’au sein du personnel naviguant, tout le monde était au courant du mode de rémunération des agents de Prétory. Mieux écrivent les magistrats « cette information était relayée par la presse, ce que ne pouvait pas ignorer la société Air France ». Sauf si personne n’y lit le journal ?