Les errements de la justice française ou comment un Français d’origine indienne jamais condamné se voit maintenir en détention…pour cause de nationalité pakistanaise.
Pas franchement né sous une bonne étoile, le débonnaire quadragénaire d’origine indienne Ranji [1] vient de découvrir la douceâtre justice française.
Installé en France et dans le Lyonnais depuis une petite vingtaine d’années, l’aimable Ranji tire un peu le diable par la queue. Et se dit qu’après tout une bonne affaire ne passe pas si souvent. Aussi, quand les cousins venus d’Orient lointain lui demandent de les aider à obtenir des visas, le slumdog pas franchement millionnaire se dit qu’il tient là un maigre filon. Las, trois fois las, non seulement le garçon n’est pas très doué -il ne fait aboutir aucune demande- mais se fait gauler par la flicaille. Et un brin chargé. Il est mis en examen le 24 avril dernier pour « aide à l’entrée irrégulière d’étranger en France », « fourniture de faux documents administratifs et association de malfaiteurs ».
Bref, déjà bien embarqué, le juge des libertés et de la détention (JLD) Péju ordonne même son placement en détention provisoire. Au motif que « l’intéressé est de nationalité pakistanaise ; que l’on ne peut exclure un risque de renouvellement des faits non plus que la fuite de l’intéressé ». Seul petit souci, la même ordonnance de placement en détention indique bel et bien que Ranji est de nationalité française et jamais condamné…
Bref, un petit mois passe et revoilà Ranji devant le même juge des libertés et de la détention. Et rebelote, le petit Français venu du pays de Gandhi se fait garder au frais au motif qu’il est Pakistanais… et déjà condamné ! Quand le même état civil précise qu’il ne l’a jamais été. Une nouvelle fois présenté devant le juge la semaine dernière, Ranjiv a enfin été libéré le 26 juin.
Sans doute l’Ecole nationale de la magistrature ne dispense-t-elle pas de cours de géographie. Ni de géopolitique. Ou certains magistrats appliquent-ils avec trop de fermeté le principe de justice aveugle…
A lire ou relire sur Bakchich.info
[1] Le prénom a été changé.
"Sans doute l’Ecole nationale de la magistrature ne dispense-t-elle pas de cours de géographie. Ni de géopolitique. Ou certains magistrats appliquent-ils avec trop de fermeté le principe de justice aveugle…"
Ayant reconnu "Rajiv" comme mon client à la lecture de votre article, je vous précise que j’opte pour la seconde solution.
En effet il suffisait d’ouvrir le dossier pour constater que "Rajiv" est de nationalité française, d’origine indienne et n’a donc aucun lien avec le Pakistan. Et qu’il n’a jamais été condamné.
S’il s’était simplement relu, le magistrat qui a incarcéré "Rajiv" au motif qu’il est Pakistanais et risquait donc de fuir au Pakistan avant son procès, aurait réalisé qu’il le disait français en page 1 et Pakistanais en page 2 de son ordonnance de placement en détention provisoire.
Quand la liberté d’un homme est en cause, faire montre d’une telle légèreté est une faute impardonnable.
De plus errare Humanum est, Sed perseverare diabolicum : le même juge, saisi par Rajiv d’une demande de mise en liberté, ne va pas même reprendre le dossier (ce qui lui aurait permis de réaliser son erreur initiale) mais va se contenter d’un…copier -coller de la premiere ordonnance, rendant une décision quasi identique où Rajiv est à nouveau, qualifié de Pakistanais.
Là, nous confinons au "j’men foutisme". la détention, c’est simple comme un "copier coller"…
mais il y a encore plus grave : Rajiv saisit la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel de Lyon, de cette erreur manifeste d’appréciation. Et là, surprise : au jour de l’audience, se trouve un ressortissant indien qui saisit la Cour pour exactement le même problème avec le même magistrat ! Magistrat pour qui, le même jour, tout le monde semble décidément avoir été qualifié de Pakistanais. Bref, à Lyon, devant le juge de la liberté et de la détention, mieux vaut ne pas être déféré un vendredi… car "le vendredi, c’est Paki" !
Ce magistrat qui voit des Pakis partout, et s’en sert pour motiver des placements en détention provisoire, devrait demander une autre affectation. Visiblement il est las de son poste de Juge de la Liberté et de la Détention, au point de perdre tout discernement et de ne plus traiter les dossiers avec l’attention et le sérieux nécessaires. Et à se contenter de "copier-coller" ce qui l’empêche de déceler ses erreurs initiales.
Cela pourrait être comique si le sort d’un homme (et de sa famille qui, pendant son tempos d’incarcération, s’est vue plongée dans la plus grande précarité) n’était pas en jeu.