Il y a quinze jours, les magistrats espagnols se mettaient en grève allant jusqu’à provoquer la démission du ministre de la Justice.
Ils l’annonçaient depuis janvier. Ils menaçaient. Ils l’ont fait. Mercredi 18 février, les juges espagnols se sont mis en grève pour une durée de 24 heures avec le maintien d’un service minimum. Si 4400 juges tranchent les conflits des affaires ibériques, environ 2220 d’entre eux sont sortis des tribunaux pour rejoindre la rue. Valence en tête, suivi par Barcelone et Madrid. La participation varie d’une région à l’autre. Une première historique. Mais une « grève illégale » indique le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire, autorité disciplinaire de la justice, refusant toutefois d’adopter des sanctions préalables.
À chaque pays ses couacs judiciaires attisant les malaises. La fausse note espagnole remonte à l’an passé. Un pédophile, laissé malencontreusement en liberté pour faute de procédure, est accusé du meurtre d’une fillette de sept ans, Mari Luz Cortes, en Andalousie. L’opinion publique s’émeut alors que le meurtrier aurait dû se retrouver derrière les barreaux.
Le gouvernement profite de l’affaire pour souligner une justice espagnole surchargée, accumulant les retards et manquant cruellement de moyens tout en promettant parallèlement de punir les protagonistes. Des sanctions sont prises contre le juge Rafael Tirado et sa secrétaire. Mais la carence du système judiciaire subsiste. Paradoxe que ne manque pas de relever les principaux intéressés. Le débat s’installe au sein des magistrats. Qui est fautif dans l’histoire ? Le juge ou le manque de moyen matériel et humain de la Justice espagnole ?
Les institutions voisines n’en sont pas moins humaines. Fin octobre 2008, une erreur d’écriture à la Cour d’appel de Paris offre la clé des champs à un violeur récidiviste présumé.
Ils désirent une hausse du budget de la justice de 3% par an sur cinq ans contre 1% prévu par le gouvernement socialiste. Les juges espagnols réclament la création de 1 200 postes supplémentaires sur cinq ans pour atteindre la moyenne européenne. Ils dénoncent l’absence de limitation précise du rôle du juge et du secrétaire et demandent que seul le juge puisse signaler un jugement. « L’intention de la Justice est de permettre au secrétaire de remplir ce rôle, s’alarment les différents syndicats. Or, les secrétaires dépendent et sont contrôlés par le ministre de la Justice. » Enfin, ils souhaitent un plan de modernisation informatique. Fin janvier, le Gouvernement s’engageait à attribuer 20 millions à cette dernière revendication, soit 30 % du budget souhaité.
Ils déplorent que leur pays soit bien en de ça du ratio européen de juges pour 100 000 habitants. Le quota s’élève à dix magistrats dans la péninsule, devancé de peu par les douze juges français pour 100 000 habitants, alors que la moyenne européenne se situe à vingt magistrats selon le rapport rendu en 2008 par la Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice, comparant les systèmes judiciaires de 43 pays du Conseil de l’Europe. Le Gouvernement, pour palier cette insuffisance, propose la création de 150 postes de magistrats par an.
Ce manque d’effectif est d’autant plus marquant sur le plan des délais. Les affaires judiciaires présentées depuis octobre 2008 n’étant pas encore traitées par l’administration du Ministère de Justice et le Conseil Général du Pouvoir Judiciaire Espagnoles. Une obstruction de la Justice non étrangère à la France.
Les juges espagnols s’indignent. En réponse, le ministre de la Justice, Mariano Fernandez Bermejo, au gouvernement depuis deux ans, déclare mettre à l’étude une loi empêchant les grèves des magistrats. Un faux pas de plus le poussant à présenter sa démission lundi 23 février. Réaction saluée par le chef de l’Executif, José Luis Zapatero : « Il m’a dit qu’il était au Gouvernement pour régler les problèmes et non pas pour être un problème. Son attitude est exemplaire et responsable. » Francisco Caamaño, nouveau garde des Sceaux devrait avoir un planning chargé ses prochains jours, apprenant de son prédécesseur qu’il est primordial de garder son calme face à l’un des trois pouvoirs fondamentaux de l’Etat.
Lire ou relire dans Bakchich :