Jeudi 3 septembre, à l’occasion de son université d’été, le Medef conviait Serge Dassault. Moins pour parler de l’affaire d’achat de voix, dans laquelle le rapporteur public vient de renvoyer toutes ses demandes, que de la crise économique.
Jeudi 3 septembre, campus HEC, Jouy-en-Josas, 8h30 du matin. Brise automnale précoce, les oiseaux osent à peine chanter et au même moment, les invités du Medef se ruent sur le café. Coup d’épaule à droite pour obtenir un maigre croissant… Le libéralisme “un pour moi et tous pour moi” montre son premier visage. L’essence du peuple dans les circuits intestinaux, les costards-cravates – avec ici et là quelques tailleurs – se rendent au premier débat. Programme : Crise ou après-crise. En tête d’affiche, Xavier Darcos, qui on le sait est un grand spécialiste de l’économie, et Serge Dassault en sa qualité de Président du groupe Dassault ; qui, à 84 ans passés, a bien amusé la galerie. En bon armateur, M. Dassault a tiré quelques missiles. Première salve :
Le meilleur moyen de lutter contre les délocalisations est de « renforcer la robotisation dans les entreprises ». Au moins, ça réglerait le problème des 35 heures, a-t-il ajouté, amusé par sa finesse.
Eclats de rires dans le public. Mais ça où là, quelques lèvres se froissent. La déclaration n’est pas du goût de tous les débatteurs. Et, de la tribune, le pédégé de KPMG S.A. [1], Jean-Luc Decornoy, lui répond : « Je crois que j’aime suffisamment l’homme et la femme pour ne pas vouloir qu’on multiplie les robots ».
Retrouvant vite son esprit de sérieux, l’homme d’affaires a concédé qu’il n’avait pas, lui-même, été épargné par la crise. Et s’est épanché sur la chute vertigineuse des ventes de ses avions Falcon. « L’année dernière, a-t-il assuré, nous en avons vendu 150, et cette année zéro ».
Quant au problème de la dette publique, c’est pas bien compliqué : « il faut dépenser moins ». Traduction : faire des coupes dans le budget de l’Etat. En particulier « les charges sociales qu’il faut absolument baisser ». « Quand on n’a pas d’argent, on dépense pas ». D’ailleurs, a-t-il ajouté, « c’est ce que j’ai fait pour ma ville, Corbeil-Essonnes », des économies, « pour ne pas augmenter les impôts »… Au diable les belles promesses électorales de logements sociaux !
Serge Dassault s’est ensuite lancé dans un éloge du partage des profits dans l’entreprise. Avec un argument humaniste : pour qu’une boîte fonctionne, il faut que les salariés soient heureux, donc que l’argent soit mieux partagé. L’avionneur s’est même auto-satisfait d’avoir engagé une réforme allant dans ce sens. Un vrai programme de gauche ! Mais gauche, droite, qu’importe pour Dassault (voir la vidéo), sauf quand la gauche, c’est les cocos ; ceux-là même qui ont eu la mauvaise idée de « réaliser subvertissement le code du travail ». Subvertissement, le mot accroche les oreilles de ses voisins de table. Un ange passe.
Loquace sur l’avenir du monde, Serge Dassault l’est moins sur les accusations de corruption. Et quand on lui pose la question des enveloppes, Serge Dassault botte en touche, éclairé par ses boys qui le pressent de voir le bon travailleur Darcos. Le Conseil d’Etat l’avait pourtant condamné, le 8 juin dernier, à un an d’inéligibilité, pour achat de voix. Mais non ravi du jugement, le vieux Serge a déposé un recours en appel devant le même Conseil. Une procédure très rare, « exorbitante » même, selon une concierge du tribunal administratif. Mais que Dassault a pu utiliser sans peine. La nouvelle audience a eu lieu aujourd’hui vendredi, à 14 heures. La formation qui a jugé l’affaire était présidée par le vice-président du Conseil d’Etat lui-même, Jean-Marc Sauvé. Le rapporteur public a démonté point par point les arguments avancés par l’avocat de M. Dassault. Aussi, si l’avis du rapporteur est suivi, ce qui est généralement le cas, l’ancien maire ne récupérera pas son maroquin.
Quoi qu’il en soit, l’audience a montré que la justice résiste parfois au charme d’assault.
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Un sénateur UMP de l’Essonne, qui vend des avions et de la presse, et dont le nom est Serge Dassault. Un homme connu, par conséquent, jusques au royaume de Belgique, pour sa vive brillance (qui fait comme un fanal dans la nuit des idées).
Vient (…)
[1] KPMG S.A. est le premier cabinet français d’audit, d’expertise comptable et de conseil