Encore une période de turbulences en vue pour les derniers des Mohicans de l’ère Hassan II : les généraux Benslimane et Bennani. Rejoindront-ils cette fois les Laânigri, Belbachir, Kadiri, Arroub et El Harchi dans les oubliettes du pouvoir de M6 ?
En 2002, l’ancien ministre de l’Intérieur de Hassan II, Driss Basri, le prédisait. « Le roi va faire le ménage prochainement au niveau des principales institutions du royaume, notamment l’armée et les services de sécurité. Il le fera par étapes, sans bousculades », avait-il déclaré en substance à la DGSE venue le confesser à domicile.
Force est de constater que le bougre avait raison. Depuis que la page des attentats du 16 mai 2003 est tournée, les généraux qui pesaient trop sur les décisions du jeune M6, voire s’étaient tâté le soir du décès de son père ont été plumés un par un. La liste est longue : général El Harchi, général Arroub, général Belbachir, général Laânigri, sans oublier le général Kadiri qui a déclaré forfait suite à de graves ennuis de santé (cf. encadré). Ne reste plus que l’inoxydable duo Benslimane-Bennani. Le premier est le patron de la Gendarmerie royale et son nom suffit à rendre hystériques les défenseurs des droits de l’homme au Maroc. Le second, réputé pour son affairisme, supervise les troupes marocaines stationnées dans le Sud, c’est-à-dire les 3/4 de l’armée.
En février, ces deux oiseaux sont la cible d’attaques plus virulentes que de coutume d’une certaine presse. La première salve a été pour le général Bennani. Début février, le quotidien marocain Assabah annonce que l’un de ses proches est mêlé à un trafic de cocaïne transitant par le Sahara occidental. Que les nouvelles routes de la cocaïne empruntent celles du haschich ou encore passent par le Sahara occidental n’est pas un secret. Ni que des gradés et leurs amis sont mêlés à des trafics douteux. Par contre, facile de savoir d’où vient ce Scud contre Bennani et qui rappelle le précédent Laânigri (cf. encadré). Le quotidien Assabah appartient au groupe Eco-Médias (l’Economiste), dirigé par A. Dilami, par ailleurs président de la Fédération marocaine des éditeurs de presse et affûblé du sobriquet de « commissaire politique de la presse »…
Février 2005 : le général Harchi, fin connaisseur de l’islamisme radical, est éjecté de son siège de patron de la Dged au profit du « civil » Yassine Mansouri, copain de M6.
Mai 2005 : le général Arroub (3è bureau de l’armée), à la réputation d’homme intègre, est fragilisé par la controverse liée à l’inauguration en grande pompe du musée à la gloire du maréchal Mézian, suppôt de l’Espagnol Franco.
Juillet 2006 : Le général Belbachir, chef des renseignements militaires, est mis en retraite suite à l’affaire du groupe présumé terroriste Ansar Al Mahdi.
Septembre 2006 : le général Laânigri est rétrogradé de son poste de directeur de la Sûreté Nationale à celui d’Inspecteur général des forces auxiliaires suite aux confessions d’un baron de la drogue qui a mouillé l’un des proches faisant accessoirement office de chef de la sécurité des palais royaux.
La deuxième attaque, contre le général Benslimane cette fois, vient de l’agence de presse officielle MAP. Dans une dépêche du 26 février, on découvre tout ébaudi des citations de Driss Benzekri, président de la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) au sujet de l’affaire Ben Barka. Selon lui, la commission rogatoire française envoyée par le juge Ramaël il y a un an va être exécutée, il (Benzekri) a interrogé des gens, accusés d’avoir assisté à l’enlèvement ou qui ont vu le dossier de près… Là encore, il ne fait aucun doute que le Maroc essaie de gagner du temps avec le juge Ramaël — si ce n’est de le doubler dans la résolution de l’affaire Ben Barka — mais ne résiste pas à la tentation de houspiller le Benslimane.
En effet, le juge Ramaël a fait savoir que l’envie de délivrer des mandats d’arrêts internationaux à l’encontre de ceux qui refusaient de parler à la justice française dans le cadre de la fameuse commission rogatoire, l’ami Hosni en tête, commençait à le démanger.
En dehors du Makhzen, personne ne regrette ou ne regrettera ces généraux, pour la plupart associés à la corruption, aux heures sombres du règne de Hassan II ou aux dérives de la lutte anti-terroriste au lendemain des attentats du 16 mai. Mais les Marocains feraient bien de se demander qui bénéficiera de l’assainissement du Pouvoir et récupèrera celui confisqué aux généraux. Inutile de préciser que si c’est le ministère de l’Intérieur abritant les activités de Fouad Ali El Himma, on régressera à l’époque du tandem Hassan II-Driss Basri. Terreur et dextérité politique en moins.