Troisième municipale en quatre ans à Corbeil-Essonnes. Et une campagne aux airs de déjà-vu qui reste haute en couleurs.
Du jamais vu. Pour la troisième fois en quatre ans, Corbeil-Essonnes (91) s’apprête à élire un maire. L’élection de Jean-Pierre Bechter (UMP), a été invalidée par le Conseil d’Etat, le nom de Dassault apparaissait bêtement sur ses bulletins de voix. En 2009, Serge Dassault, milliardaire, avionneur, sénateur, patron de presse, et alors maire de Corbeil, avait lui aussi perdu son siège d’édile, condamné pour « dons d’argent significatifs ».
A trois semaines du premier tour de l’élection, prévue le 5 décembre, l’ambiance est très tendue dans la ville. Samedi 6 novembre, sur le populaire marché des Tarterêts, des jeunes ne cachaient pas leur désir de gagner quelques sous en échange de leur soutien à Jean-Pierre Bechter, candidat à sa propre succession.
Pourtant, le bras droit du milliardaire, Bechter tente de se séparer en douceur des fidèles du vieux Dassault. Il « essaie de changer l’image de la ville, perçue comme corrompue jusqu’à la moelle », explique Sylvain Dantu, un de ses anciens adjoints. « Ce temps là est révolu », poursuit-il.
Mais liquider l’héritage de tout un système, instauré dans les années 1990 avec le premier mandat de Serge Dassault (1995), n’est pas simple.
Les jeunes des quartiers des Tarterêts et de Montconseil ont gardé la fâcheuse manie de frapper à la porte du maire, pour demander qui un boulot, qui un appartement, qui un séjour à Avoriaz ou en Thaïlande, qui de l’argent en cash. Le 18 octobre, le journal Libération affirmait, preuves à l’appui, que Mamadou, un électeur de Corbeil, avait reçu, en mars, la promesse de 100 000 euros (dont 15000 versés) de la poche de Dassault, pour récompenser son prosélytisme électoral. « L’argent avait peu circulé pendant plusieurs mois, souligne Bruno Piriou, candidat (PC) à la mairie et vigoureux opposant à l’UMP. Mais depuis une dizaine de jours, c’est reparti. Comme lors des précédentes campagnes électorales, c’est le bal des requêtes aux Pinçons (la maison-château de Serge Dassault) ».
La ligne du lieutenant Bechter ne se démarque pas de la ligne éditoriale du Figaro, il poursuit la ligne très droitière de son prédécesseur, se targuant notamment d’avoir « nettoyé » un camp de Roms, promettant de « développer les infrastructures sécuritaires » et de « ne pas augmenter la fiscalité » . Mais c’est le « sauvetage » de l’entreprise de semi-conducteurs Altis qu’il met en « une » de son tract de campagne, n’hésitant pas à mentir sur ses financements. La gauche, de son côté, a opté pour l’union. Les Verts et le Parti socialiste se sont alignés derrière Bruno Piriou, pour qui l’essentiel est de « créer des emplois dans la ville (le taux de chômage est de 20 %), d’aider chaque jeune à s’en sortir et de refaire du vivre ensemble ».
Bechter et Piriou ont auront au moins une difficulté partagée : inciter les électeurs à se rendre aux urnes. Le taux d’abstention tourne autour de 70% à Corbeil-Essonnes.
"Dassault vole encore", un dossier spécial à lire dans Bakchich Hebdo n°46.